Brève histoire de la liturgie catholique : qu’appelle-t-on donc «Tradition» ?  (Marguerite Champeaux-Rousselot)

rails interrompus ou non

Objectif de cet article

L’objectif de ce petit article (2019) est de prendre connaissance des grands traits de l’évolution de la liturgie chrétienne et surtout catholique jusqu’à celle que nous connaissons aujourd’hui pour comprendre dans quelle mesure nous avons encore le droit ou même le devoir de la faire évoluer et dans quel sens. Nous n’avons pas cherché à dire tout mais à donner les grandes lignes, (d’où le titre : « brève histoire de la liturgie ») et c’est surtout la liturgie chrétienne et ensuite plus précisément catholique, autour de la Messe,  qui sera notre champ d’observation, car ce travail est destiné à notre présent voire à du futur.

C’est un enjeu dans les discussions entre les traditionnalistes ou ceux qui se réclament de la fidélité à la Tradition, et ceux qui ne sont pas traditionnalistes et se réclament de … la fidélité à la Tradition, également…
C’est pourquoi il faut vérifier à quel moment se réfèrent les traditionalistes : à l’époque de Jésus ? À l’époque des apôtres ? Ou bien après ? Où en est-on de notre chemin ?

par Marguerite Champeaux-Rousselot

Histoire du mot

L’étymologie de leiturgia en grec se décompose ainsi :

  • 1°) un dérivé du terme signifiant le peuple, non pas au sens politique de dèmos, mais au sens de les gens ( par opposition aux chefs et/ou aux prêtres). De ce terme dérivera plus tard en français laïc[1].
  • 2°)  un terme signifiant le travail, l’œuvre et qu’on retrouve dans chirurgie ( le travail de la main ), la sidérurgie…
    Le terme grec désigne originellement la charge d’un service public ou parfois religieux dont l’exécution était confiée aux citoyens les plus riches de la cité, ou même à une cité. Ces prestations étaient faites au profit  du peuple tout entier, c’était tout service rendu pour le bien commun, par les citoyens aisés : entretien d’un chœur de théâtre, armement de la flotte….
    Le sens se spécialisa ensuite en matière religieuse et désigna l’ensemble réglé des cérémonies et des prières composant le culte d’une divinité. L’accent se déplaça ensuite du service rendu à la société  par les plus à même de les assurer financièrement, pour se fixer sur un ensemble de services rendus … à la divinité plus qu’à ses fidèles.  C’est en ce sens qu’il fut utilisé dans la traduction en grec de l’Ancien Testament, dite la Septante,  vers 250-150 av. J.-C., et dans le Nouveau Testament pour désigner le service au Temple (hébreu) des prêtres et des lévites, membres héréditaires d’une tribu d’Israël. Dans les Evangiles, il a aussi parfois le sens d’œuvre caritative.
    En Orient, le terme prend le sens de célébration de l’eucharistie ; mais en latin chrétien,  liturgia continua à signifier   « service de Dieu, du culte » mais les acteurs et les destinataires  de ce service changèrent insensiblement avec la montée en puissance de ce qui devenait le clergé. Le sens originel du « peuple »  était oublié : la liturgie n’était plus tout service rendu pour le bien commun, par les citoyens aisés, mais un service accompli dans l’Eglise, lors des cérémonies, dirigé certes pour le bien commun des baptisés, mais par certains membres de la communauté, mis  à part des autres par leur statut hiérarchique considéré comme plus élevé.
    En français, le terme n’apparaît, francisé par les humanistes, qu’en 1580 : « cérémonie religieuse » (le paradoxe est qu’il apparaît chez J. Bodin, Demonomanie, 84 ds Delb. Notes mss d’apr. FEW t. 5, p. 380b : un livre concernant certainement de la sorcellerie  et l’imitation de la liturgie de l’Eglise … ).
    La liturgie perdit peu à peu de son objectif ( nourrir de la vie de Dieu la vie spirituelle des baptisés)  et se cantonna dans une sphère plus formelle ou formaliste pour signifier peu à peu : «  forme officielle des cérémonies religieuses, manière de dire et de célébrer la messe »

Actuellement, le terme est souvent compris comme l’ensemble réglé et l’ordre des cérémonies et des prières composant le culte public officiellement institué par une Église, ou, au sens métaphorique, dans un groupe quelconque. La liturgie en est  venue progressivement à correspondre plus à des rites fixés et composés souvent par les clercs et mis en œuvre lors de cérémonies religieuses, qu’à l’expression spontanée de tous.
Elle fait l’objet d’une réflexion  profonde et de réajustements depuis un certain temps : certains rites de certaines liturgies sont refusés  ou mis de côté comme dénués de fondements, d’autres sont jugés au contraire insuffisants.

Découvrir l’histoire de la Liturgie chrétienne[2] est instructif à cet égard, pour permettre de se faire une opinion et d’agir dans le sens qui nous semble bon car conforme à  ce qui est essentiel.

Au début

Plus la période est ancienne, moins on dispose de documents (textes et objets) la décrivant, mais ils sont significatifs[3].

200-300, Pierre et Paul, gravure sur la sépulture d’un enfant .

La célébration liturgique de la communauté chrétienne primitive est d’abord le fait de se réunir : une assemblée ; à Jérusalem c’était dans le Temple où elle participait en même temps que ses frères juifs aux prières traditionnelles. Puis probablement à cause des difficultés avec certains juifs,  on commença se réunir dans les habitations privées.
Les Actes des apôtres évoquent la fraction du pain et le partage du repas « avec allégresse et simplicité de cœur »( Actes 2,46). Les repas se passaient dans le recueillement de la prière et de l’écoute, mais dans la continuité  et la simplicité du quotidien. Nous en avons le témoignage dans des textes  qui montrent comment le respect s’alliait à la simplicité, ( sans ritualisme ) : ces textes sont ultérieures certes, mais ces habitudes remontent  sans aucun doute aux tout débuts du christianisme puisque l’intensité du sacré n’a cessé d’augmenter  par la suite :  par exemple Cyrille de Jérusalem ( 350-386) rappelle à ceux qui se présentent pour la première fois à la communion: « Ne t’avance pas les paumes des mains étendues, ni les doigts écartés : mais fais de ta main gauche un trône pour ta main droite, puisqu’elle doit recevoir le Roi, et dans le creux de ta main, reçois le Corps du Christ, disant ‘Amen’ ». (Catéchèse mystagogique. 5, 21. Ces catéchèses mystagogiques sont traditionnellement attribuées à Cyrille, mais sont sans doute plutôt de son successeur Jean II de Jérusalem) Autre exemple : une décision du Concile In Trullo tenu à Constantinople en l’an 692 en présence de plus de 200 évêques l’affirme clairement : «On doit recevoir la sainte communion sur les mains tenues en forme de croix… » (Canon 101).  Beaucoup se rappelleront que Jésus a sans doute partagé le pain comme au début des repas du sabbat,  et que chacun a pris avec ses mains ce pain qu’il leur partageait … 

Louanges de Dieu et prière d’intercession ; dîner en commun surtout le premier jour de la semaine, surtout le soir, mais pas exclusivement. ( comme on va le voir  plus loin ).  

Expression et mise en œuvre des charismes dans toute leur diversité : Lorsque vous vous assemblez, chacun peut avoir un cantique, un enseignement, une révélation, un discours en langue, une interprétation (1 Co, 14 ,  26 , ) mais Paul ajoute que tout doit se faire «de manière à édifier…; que tout se passe dignement et dans l’ordre » (1 CO, 14, 26-40)
On a le droit d’improviser, les fidèles ne disposent pas encore d’autres livres que l’Ancien Testament, sauf peut-être déjà des logia, des témoignages oraux de visiteurs.
Psaumes et cantiques, mais on aime la sobriété et on redoute  le plaisir de la poésie, de la musique, de la richesse…
Saint Justin avoue que « [le célébrant] rend grâce comme il peut ».
À la fin du premier siècle apparaissent les hérétiques et les pseudos-charismatiques : par prudence, la liturgie se « raidit «  peu à peu.
D’où de nombreuses épîtres pastorales. Le caractère ministériel et juridique de la liturgie, aux dépens de l’aspect prophétique, est la conséquence nécessaire de cette évolution.

La liturgie dans les documents des IIème et IIIème siècles.

Cf. la Didachè ou Doctrine des 12 apôtres (entre 80 et 130).
Cf. l’Epître à la communauté de Corinthe, écrite par un des trois premiers « successeurs de Pierre, Clément, qui est un exemple de la coutume qui se généralise d’introduire des textes de la prière juive dans le monde chrétien qui parle surtout le grec ou le latin
Cf. les sept lettres de l’évêque Ignace d’Antioche, composées vers 110,  qui cherchent à préserver la liturgie des altérations hérétiques : il affirme qu’il faut l’approbation de l’épiscope « pour que nous plaisions à Dieu. Alors toutes nos actions seront sûres et légitimes » et il cite (mi : à vérifier) baptême, eucharistie, agape, mariage.
Vers 215, premier texte liturgique : L’ordonnance ecclésiastique par Hippolyte. Il s’efforce (déjà !) de préserver la tradition apostolique.
Écrits de Tertullien (mort vers 220) , Ecrits de Cyprien (mort en 258).
Divers Sacramentaires, des lectionnaires de la messe, des lettres du pape…
On pense qu’à cette époque le canon de la messe se composait d’une formule unique mais qui admettait une certaine souplesse ; souplesse aussi pour différentes solennités ; exclusion de ce qui était poétique ; harmonie simple, concision.
Tout est d’abord en grec, mais on passe au latin à la fin du IVème  siècle ( en commençant par l’Afrique ). Cependant comme à Rome  il y avait beaucoup de byzantins et d’orientaux, certaines lectures sont faites dans les 2 langues et les usages orientaux s’introduisent.

La liturgie chrétienne au IVème et VIème  siècles

  • 313 : le Rescrit de tolérance que l’empereur Constantin a élaboré à Milan
  • c’est seulement le 3 mars 321 qu’une loi de Constantin déclare « le vénérable jour du soleil », c’est-à-dire le dimanche, jour de repos pour tous les juges, la population urbaine, et tous les artisans. Le peuple en foule pénètre alors dans les églises et les offices dominicaux se mettent véritablement en place pour tous.
    ( Les campagnes restent visiblement plus à l’écart de ces offices, c’est pourquoi le terme paganus, qui signifie paysan, qui les désignera, donnera  également paganisme et païen)
  • 380 : proclamation du christianisme comme seule religion d’État, sous les empereurs Gratien (pour l’Occident) et Théodose (pour l’Orient)
    Du coup constructions de grandes basiliques  et liturgie plus solennelle ; vénération des martyrs passés (calendrier, pèlerinages, reliques)  ; développement d’évocations monastiques etc.
    Les évêques ont rang de hauts fonctionnaires impériaux. Vêtements spécifiques (étoles, palladium, manipule)
    L’Eglise commence à apprécier le faste pour le culte, car il contribue à assoir sa puissance et celle de Dieu, mais elle réprouve toujours les instruments musicaux et les arts trop « sensuels ».
    Comme on lutte contre l’arianisme qui nie la divinité de Jésus, maintes formes de prière sont modifiées. On augmente le respect du Seigneur, ( silence, voix basse, cancel entourant l’autel, voiles en Orient surtout). C’est au point que la communion devient plus rare en Orient, une ou 2 fois par an, pratique que l’Occident adopta lui aussi finalement, mais un peu plus tard.
    La liturgie romaine est  bien organisée, mais il y a aussi une liturgie gallico-franque.

Au Moyen Âge

Aux tout débuts du Moyen Âge, le rite romain va s’adapter en Italie puis s’étend au-delà des Alpes et finalement est imposé par Charlemagne dans tout son empire.
Le pape Grégoire VII (1073–1085) oblige tous les évêques à s’en tenir à la liturgie de la Curie romaine. Un objectif qui ne sera atteint qu’au XIIIème  siècle lorsque l’ordre des franciscains avec ses milliers de prédicateurs ambulants s’en fait également l’apôtre.
À l’époque du gothique se développe l’individualisme, le subjectivisme et le moralisme. Les presbytres se servant de leurs propres missels, complets, officiels, commencent à célébrer des messes « privées », tout seuls, sans lecteur ni chorale ni peuple. La liturgie devient de plus en plus une liturgie cléricale dans laquelle les clercs font tout, tout seuls, tendance encore renforcée par l’adjonction du « jubé » : celui-ci partage l’église en une « église des dignitaires » et une «église du peuple », et même au plan architectonique, il divise l’unique communauté du Christ que constituent clercs et laïcs, ce qui plus ou moins inconsciemment et volontairement  crée des favorisés, des élites, et déforme le désir de tous d’imiter Jésus comme de véritables enfants de Dieu, en peur de l’Enfer éternel.
Même évolution pour la prière des Heures : il se fabrique maintenant un bréviaire pour les clercs.
La participation à la communion souffre un recul effarant à tel point que le 4e concile de Latran (1215)  doit prescrire au moins une communion par an.
La liturgie était devenue l’affaire des clercs. La crédulité des laïcs chercha et trouva un exutoire et une nourriture dans des zones périphériques, tels que par exemple les nombreux mystères joués surtout aux grandes fêtes de Noël, Epiphanie et Pâques, mais aussi en l’honneur des « patrons » des églises et des villes, dont le culte était souvent associé à des idées et des pratiques superstitieuses. Reliques, chapelets et médailles, vœux…  La dévotion n’étant pas le spirituel ; les œuvres de miséricorde étant présentées et  vécues comme assurant le pardon des péchés de celui qui les accomplit : sens dévoyé du mot miséricorde.

Le concile de Trente ( 1545) et la liturgie

Dès le début du XVIème siècle, la situation de l’Eglise était si déplorable, qu’il y a la Réforme protestante ( après 1517 environ, un développement très rapide).

Pour contrer les succès du protestantisme et mener les réformes nécessaires « en interne », l’Eglise catholique convoqua « le concile de Trente » en 1545 par le pape Paul III à la demande de Charles Quint. Il y dura 14 ans avec de longues interruptions.
la plupart des dogmes sont examinés et redéfinis (notamment la présence réelle dans l’eucharistie) ; des pratiques du culte sont précisées, réaffirmées, voire parfois ajoutées  ( les 7 sacrements, le culte de la Vierge, des saints, des images) ;
De nombreux décrets disciplinaires sont pris (célibat des prêtres qui auparavant, par continuité avec le milieu chrétien initial, étaient « naturellement » mariés[6],  obligation pour les évêques  de résider dans leur diocèse, interdiction du cumul des évêchés) ; on fixe le canon des Ecritures, et on décide la préparation d’une version officielle.
On décide d’élaborer un nouveau catéchisme et de rééditer tous les livres liturgiques qui auront partout force de loi (sauf exception). Sous Pie V on publie Le catéchisme romain (1566), le Bréviaire romain 1568, et Le missel romain (1570). La liturgie n’est pas celle de l’ancienne liturgie romaine, mais une liturgie mixte romano-gallo-germanique encore réservée au clergé.
Comme les protestants voulaient célébrer dans la langue vulgaire, le Concile de Trente condamne leur affirmation selon laquelle la messe ne devait être célébrée que dans la langue du peuple. Mais cette affirmation de Rome est mal comprise et interprétée dès la fin du XVIème  siècle comme si le latin était un meilleur choix, ce que Rome n’a d’ailleurs pas contredit explicitement, pour diverses raisons. Quant au peuple, il ne peut plus alors que se contenter d’écouter, d’assister, de regarder. Pour lui la liturgie devient un mysterium le plus souvent incompris. Parallèlement à la liturgie latine officielle, fleurissent les chants populaires religieux ou plutôt de dévotion.

La liturgie à l’époque baroque

Le monde influence l’Eglise : la sensibilité ( voire la sensualité)  prime : les sainte Madeleine et les Bethsabée s’exposent partout, les angelots comme des Eros… Elle cultive de plus en plus le faste destinée à impressionner, le chant polyphonique et la musique instrumentale. Le chœur est séparé des fidèles. Pendant la messe les fidèles récitent le chapelet ou des prières de dévotion. Pour permettre aux gens qui ne communient pas de partir un peu plus tôt, on prend l’habitude de ne distribuer la communion qu’après la messe : résultat, cela renforce l’idée que la communion est affaire de piété privée. Inversement la prédication a lieu avant la messe de sorte qu’on peut s’en dispenser facilement.

La liturgie au «Siècle des Lumières»

La liturgie va tenter de se renouveler : on regarde son utilité pastorale, on souligne son caractère communautaire et l’on travaille à la rendre efficace : on la simplifie, on la  rationalise, nonobstant le risque de la rabaisser au rang de moyen (rationnel et rationnalisant, socialement et quasi politiquement utilitaire ! ) bien persuasif d’éducation morale ou d’instrument pédagogique.

Liturgie et Restauration catholique

Au XIXème siècle en réaction à cette tendance, le romantisme se met à insister  sur le sentiment et la sensibilité ( sentiment, esthétique, faux platonisme, faux idéal du Beau .. ). La religiosité romantique contredit alors l’esprit de la liturgie, mais cherche à conserver son utilité sociale.
La Restauration catholique va donc essayer alors de se rapprocher de Rome, du Moyen Âge, de la majesté, du mystère.

Après les Rois, les Républiques

Par la suite, on traduit également le missel romain en français
On vulgarise la liturgie pour chercher à faire participer le peuple.

Le mouvement liturgique du XXème siècle (jusqu’à Vatican II)

Pie X (1903–1914) réclame le 22 novembre 1903 « la participation active aux mystères et à la prière officielle et solennelle de l’Eglise ».
Après la guerre, on étudie la liturgie ; on fonde en 1943 le Centre de Pastorale Liturgique.
L’encyclique Mediator Dei de Pie XII parue en 1947 constitue un autre tournant dans le mouvement liturgique dont elle légitime fondamentalement les efforts. Elle souligne comment la liturgie n’a pas à demeurer figée dans des « rubriques »,  mais à s’organiser et se développer selon les circonstances et les besoins des chrétiens. Tout en conservant la langue latine, signe manifeste d’unité et protection efficace contre toute corruption de la doctrine originale, le pape juge profitable pour les fidèles l’usage de la langue vulgaire pour certains rites. Une commission est chargée de préparer une réforme générale de la liturgie. Sous son impulsion sont créés en de nombreux pays des Instituts de liturgie et en 1951 la Vigile Pascale est rétablie. Le rite ne se déroule plus en petit comité, à l’aube du samedi soir, mais avec tout le peuple rassemblé, dans une veillée à riche contenu liturgique. C’est une première prise en compte des recherches sur l’histoire de la liturgie qui se poursuit en 1955 par la restitution du déroulement de la semaine sainte, 2 initiatives qui remettent en cause l’intangibilité du rite de Saint  Pie V en renouant, par-delà la réforme tridentine, avec la tradition ancienne.

Alors que dans les premières décennies du mouvement liturgique, il s’agissait de faire à nouveau participer les fidèles à la liturgie tridentine   telle qu’elle était, on reconnaît de plus en plus clairement vers le milieu du siècle, que la liturgie elle-même a besoin d’être réformée et rénovée : Rome autorise plusieurs rituels nationaux utilisant largement la langue vernaculaire.

 Vatican II et l’évolution post-conciliaire

a) Le concile Vatican II

Le moment était venu d’une réforme radicale et générale de la liturgie. Elle va plus rapidement que prévu, grâce à l’annonce inespérée d’un concile œcuménique par Jean XXIII, 25 janvier 1959, et grâce à la manière dont ce concile fut conduit dans un esprit de liberté et par des discussions loyales en vue de trouver les meilleurs moyens possibles. Ce fut, non seulement pour l’histoire de la liturgie, mais pour la vie de toute l’Eglise, un événement d’une importance historique que la publication, le 4 décembre 1963, exactement 400 ans après la session finale du Concile de Trente, de la Constitution sur la liturgie, premier document conciliaire, qui fut adopté par 2147 oui contre 4 non seulement. Elle procède d’une visée globale que le concile s’était fixé : « faire progresser la vie chrétienne de jour en jour chez les fidèles ; mieux adapter aux nécessités de notre époque celles des institutions qui sont sujettes à des changements ; favoriser tout ce qui peut contribuer à l’union de tous ceux qui croient au Christ ; fortifier tout ce qui concourt à appeler tous les hommes dans le sein de l’Eglise » (SC 1).

Les ambitions étaient définies clairement : « pour que le peuple chrétien obtienne plus sûrement des grâces abondantes dans la liturgie, la Sainte mère l’Eglise veut travailler sérieusement à la  restauration générale de la liturgie elle-même. Car celle-ci comporte une partie immuable, celle qui est d’intervention divine, et des parties sujettes aux changements, qui peuvent varier au cours des âges ou même le doivent, s’il y est introduit des éléments qui correspondent mal à la nature intime de la liturgie elle-même, ou si ces parties sont devenues inadaptées » ( 21), et raisonnablement limitées : « pourvu que soit sauvegardée l’unité substantielle du rite romain, on admettra des différences légitimes et des adaptations à la diversité des assemblées, des régions, des peuples, surtout dans les missions, même lorsqu’on révisera les livres liturgiques. » (38)

b) Les modifications les plus significatives

L’apport majeur de Sacrosanctum Concilium est la réaffirmation de la nécessité d’une «participation pleine, consciente et active » des fidèles à la liturgie (14) : il ne s’agit pas de l’auto-animation, ni de l’auto-réalisation de l’assemblée célébrant, mais de chemins de l’intériorisation du Mystère. Sacrosanctum Concilium reprend plusieurs aspects du Mediator Dei de Pie XII, quand il exprime le souci que les « fidèles n’assistent pas à ce mystère de la foi comme des spectateurs étrangers ou muets, mais que, le comprenant bien, dans ses rites et ses prières, ils participent consciemment, pieusement et activement à l’action sacrée. » (48). D’une liturgie de « clercs », on passe à une liturgie largement « communautaire ».

De part en part, celle-ci a été revisitée, et voici quelques points importants :
-l’adoption de la langue vernaculaire. Chaque pays peut désormais participer à la liturgie en l’entendant et en la comprenant dans sa propre langue;
-l’ouverture de la table de la Parole, qui offre à tous un large accès à l’Écriture. Les trésors bibliques ( 51), le dimanche, sont déployés sur trois ans;
-l’ajout, à côté de la prière eucharistique I, l’antique canon romain, d’autres prières eucharistiques. Issues de traditions très anciennes, elles aident les fidèles à mieux porter leur attention sur ce qui est la clef de voûte de la messe, l’action de grâce eucharistique;
– la communion à un pain commun entre prêtre et fidèle : la constitution recommande fortement cette parfaite participation à la messe qui consiste en ce que les fidèles, après la communion du prêtre, reçoivent le Corps du Seigneur avec des pains consacrés à ce même sacrifice (55);
– la possibilité pour les fidèles de communier sous les deux espèces lorsque c’est réalisable
– la redécouverte de la pratique ancienne de la communion dans la main qui existait depuis les repas avec Jésus  puis après sa mort , pris en sa mémoire [7].
– la liturgie des Heures est considérée à nouveau comme le bien de tout le peuple de Dieu. Le Concile rappelle que ni par son origine, ni par sa nature propre, la louange de l’Église ne doit être réservée aux moines et aux clercs, elle appartient à toute la communauté chrétienne.
Etc.

Ces changements s’inspirent des origines du christianisme dont on a des traces  et remontent souvent à l’époque antérieure aux moment où furent imposés implicitement et explicitement, ecclésialement et localement ou individuellement,  des rites de sacralisation et sanctification parallèlement avec la construction du clergé et des prêtres[8],   entre le Haut-Moyen-Age[9] et le Concile de Trente et au-delà.

En l’absence de traces, ils peuvent être inventés en s’appuyant sur des directions tracées dans l’Evangile.

c) Une réforme contestée

Il ne faut pas oublier que critiques et objections ont été soulevées de deux côtés opposés.
Pour les uns (souvent qualifiés de progressistes), la réforme est trop timide et limitée ; ils se sont crus pour cela autorisés à faire des changements plus profonds de leur propre mouvement.
Les autres (qualifiés de conservateurs) tiennent chacune des réformes pour une trahison à l’égard de la tradition : en particulier l’introduction de la langue vernaculaire (Cf. le groupe Una voce). Pour ces derniers, les réformes de Vatican II n’ont pas été perçues comme graduelles et progressives, elles remettaient en cause de façon brutale des traditions auxquelles ils étaient très attachés pour les significations qu’ils leur prêtaient. Une partie de cette opposition « conservatrice », sous la conduite de Mgr Marcel Lefebvre est allée jusqu’au schisme, pour des raisons dépassant d’ailleurs le cadre de la liturgie.

Le 3 octobre 1984, la congrégation pour la liturgie a publié, à la surprise d’un grand nombre, un Indult du pape Jean-Paul II qui donnait aux évêques la possibilité d’autoriser les prêtres et les fidèles restés attachés au rite de Trente ( rappelons-le, établi en  1545) à célébrer la messe en utilisant le missel romain selon l’édition typique de 1962 mais, dans ce cas, les règles suivantes étaient imposées  : d’une part n’avoir aucune communion avec ceux qui mettent en doute la légitimité et la rectitude doctrinale du missel romain promulgué en 1970 par le pontife romain Paul VI, et d’autre part, user de la langue latine, sans y mêler des rites et des textes du nouveau missel. Cette permission ne devait pas non plus porter préjudice au déroulement de la liturgie qui doit être observée dans la vie de chaque communauté ecclésiale. Le document se comprend donc comme un signe ( donné par le Pape)  de la sollicitude dont le Père commun entoure tous ses fils.

Quelques conclusions personnelles

L’Histoire de la liturgie montre que le missel traditionaliste remonte à 1545, et que d’autres éléments supposés sincèrement souvent remonter au temps de Jésus ou des premiers apôtres sont beaucoup plus tardifs. La Tradition n’était donc pas à l’époque du Concile de Trente  et n’avait jamais été quelque chose de figé quelque soit le contexte ou les évolutions autour de la liturgie ; pas plus hier qu’aujourd’hui  elle n’est sous-tendue par un principe d’intangibilité qui serait une sorte d’axiome.

Une brève étude scientifique de l’histoire de l’évolution de la liturgie permet de se rendre compte de son évolution, et contribue à élargir l’espace des possibles : la liturgie est au service des fidèles pour leur permettre dans le contexte où ils vivent et où ils sont, une intériorisation à la fois personnelle et communautaire, une meilleure compréhension interne comme externe de cet aspect très visible de la vie de l’Eglise. Elle traduit la réalité interne du fonctionnement de l’Eglise (participation des fidèles hommes et femmes enfants, ouverture aux non-chrétiens, formulation significative de la doctrine et cætera). Les efforts actuels ne visent pas à retrouver le sens étymologique ( un service rendu au peuple par les plus aisés ) mais à donner à tous la possibilité de s’exprimer de façon personnelle (et donc adaptée), au service de tous, pour le bénéfice de  tous.

Ce sont tous les fidèles qui doivent participer à créer la liturgie, et, selon moi, de même que Jésus parlait dans sa langue natale, de même il me semble que la liturgie doit être complètement inscrite avec nos mots quotidiens, ce que nous comprenons bien, pour parler pourtant à Dieu de ce qui nous dépasse.
Il me semble que l’homme n’a pas à être au service de la liturgie mais la liturgie au service de l’homme.
Si l’on objecte que la liturgie doit être « au service de Dieu », il me semble que Dieu n’a pas un langage particulier et que ce qu’il demande c’est un cœur sincère qui exprime la vérité d’une vie cohérente, relié à Dieu : Dieu nous comprend sans doute mieux que nous-mêmes, même si nous faisons l’effort de lui «  parler ». La liturgie est un de nos langages  pour prier Dieu lorsque nous sommes en communauté.

Il est intéressant à ce point de vue de regarder de près la manière dont le Jésus des Évangiles parle des rites de sa propre époque : c’est au niveau du cœur et de la vie qu’il regarde si ces rites correspondent ou non à quelque chose, et ils ne lui semblent jamais assez parfaits ni assez achevés puisqu’ils correspondent en fait  à la manière dont Dieu agit et agirait dans son royaume des cieux à faire advenir sur la Terre. Ils ne sont jamais aussi beaux ni aussi utiles que des actes d’amour ou des mots simples envers Dieu ou nos frères. Jésus  avec toute l’autorité dont il nous a montré l’exemple,   nous assure de notre autorité pour trouver notre liturgie en nous tournant sincèrement vers celui auquel nous destinons notre prière, communautaire ou non. Combien de texes dans l’Evangile appuient cette manière de faire et de vivre…
Il me semble également que Jésus insiste beaucoup sur la prière individuelle et faite en secret pour laquelle il ne prévoit aucune liturgie.
Pour ce qui est de la liturgie en commun, Jésus ne s’oppose pas à celle de son temps, sauf pour en nier la valeur obligatoire et suffisante : effectuer les rites, prier, obéir aux obligations formelles, prétendument pour Dieu, ce n’est pas ce que Dieu demande en priorité. C’est un langage parmi d’autres, et il ne doit jamais être ni sensuel en fait en apportant un plaisir égoïste aux dépens des autres, ni hypocrite  en cachant un décalage avec l’action et le cœur[10] : l’amour des autres est le critère décisif et le seul langage universellement compris.

La liturgie est certes facultative ; néanmoins, la liturgie, quelle qu’elle soit, car il faut garder beaucoup de souplesse en ces matières,  quand on est ensemble, unit sur un plan pratique indispensable la communauté réunie. Parmi d’autres langages disponibles, elle peut aussi permettre à certains de mieux prier et exprime, d’une façon imagée,  quand elle est symbolique, que nous reconnaissons Dieu comme transcendant.
L’objectif de toute  liturgie  catholique est que la vie chrétienne progresse en chaque fidèle de façon individuelle, mais la liturgie concerne ces moments où il est en Eglise.

Parfois et en certains lieux, la langue doit être commune et facteur d’unité ; parfois  et en d’autres lieux, ce sera une écoute respectueuse de l’autre qui primera pour permettre l’expression de chacun  et une compréhension  individuelle.

Il en est tout comme l’Eglise, qui  est à la fois humaine et reliée au divin, visible et riche de réalités invisibles, et qui se doit de traiter liturgiquement un  sacré mêlé à l’humain, qui est en même temps celui de Dieu et le nôtre, à l’intérieur de nous-mêmes et dans son royaume.

Marguerite Champeaux-Rousselot                        ( 2018-02-19)

[1] Cf. pour cette notion : https://recherches-entrecroisees.net/2018/11/25/lhistoire-de-la-notion-de-pretre-peut-nous-aider-a-la-repenser-aujourdhui/

[2] J’ai trouvé beaucoup d’informations sur ce site :
https://www.eleves.ens.fr/aumonerie/en_ligne/noel03/seneve001.html

[3] Sur ce site également, il y a d’autres articles qui correspondent aux divers moments vécus en assemblée.

[4]

[5] Cf. sur ce site https://recherches-entrecroisees.net/2018/12/18/compassion-envers-les-victimes-oui-car-en-francais-actuel-le-terme-misericorde-sous-entend-quon-est-coupable/

et d’autres articles, avec le moteur de recherche interne.

[6] Mais les prêtres ne sont pas tenus, même aujourd’hui à la chasteté, contrairement aux religieuses par exemple.

[7] Rappel des textes cités au début de cet article : Cyrille de Jérusalem, ( 350-386) par exemple, rappelle à ceux qui se présentent pour la première fois à la communion: « Ne t’avance pas les paumes des mains étendues, ni les doigts écartés : mais fais de ta main gauche un trône pour ta main droite, puisqu’elle doit recevoir le Roi, et dans le creux de ta main, reçois le Corps du Christ, disant ‘Amen’ ». Une décision du Concile In Trullo tenu à Constantinople en l’an 692 en présence de plus de 200 évêques l’affirme clairement : «On doit recevoir la sainte communion sur les mains tenues en forme de croix… » (Canon 101). »

[8] Voir sur ce site l’Histoire de le nation de « prêtre » peut-elle nous aider à la repenser  aujoird’hui ?  https://recherches-entrecroisees.net/2018/11/25/lhistoire-de-la-notion-de-pretre-peut-nous-aider-a-la-repenser-aujourdhui/

[9] Depuis le VIIIe siècle, estimant qu’elles sont destinées à toucher le corps du Christ, les mains du prêtre sont consacrées par une onction d’huile. Elles reçoivent ainsi une dignité nouvelle, mais du coup, celles des fidèles se sont retrouvées nettement discréditées, et cela bien injustement. https://catechese-ressources.com/communion-dans-la-main/

[10] Il est intéressant de lire par exemple géographe grec Strabon ( 60 av. J.-C.- 20 ap. J.-C.) Le par exemple,  lorsqu’il tente de définir par quels moyens les Hommes ont un accès au divin ( theion), durant les  cérémonies religieuses, ( hiera ), que nous appellerions aujourd’hui liturgies au sens français du terme. Il se pose la question concernant même différentes religions où il a discerné un divin qui leur est commun sous divers noms, et note que les moyens humains pour accéder le mieux possible au divin sont divers mais semblables au fond presque partout.
Il énumère : le relâchement ou la détente lorsqu’on est en dehors du cadre du travail quotidien,  avec le fait de s’ouvrir à l’inspiration alternativement au fait de rester sans doute dans du rationnel, le fait de subir l’impression née du secret ou des mystères réservés à certains ou au contraire celle engendrée par une ouverture à tous : tout cela lui semble permettre  aux Hommes de mieux accéder au divin.
X,3,9 : « Ceci est en effet commun et aux Grecs et aux Barbares, le fait que les cérémonies sacrées soient faites/célébrées  avec/après  du relâchement festif,  cérémonies d’une part avec de l’enthousiasmos ( envahissement intérieur par le dieu, inspiration divine )  d’autre part sans, et d’une part de façon secrète et d’autre part en public ; et la la nature de ceci ( = du divin ) s’exprime ainsi (  = à travers cette manière même dite ci-dessus ).
 En effet, le relâchement éloigne l’esprit des soucis terrestres et tourne l’esprit vers le divin ; l’enthousiasmos semble comporter une  certaine inspiration divine  et rapprocher du genre divinatoire ; le fait de dissimuler ou de réserver aux initiés  les choses sacrées rend ( plus ) imposant le divin  en ce que cela imite justement la nature du divin, nature qui fuit notre perception ; la Musique,  s’occupant de danse, de rythme et de chant, à travers le plaisir sensuel en même temps que l’admiration pour l’art, nous joint avec le divin selon un même processus de la même espèce. »  (pour un texte plus complet, voir https://recherches-entrecroisees.net/2019/04/05/acceder-au-divin-au-temps-de-strabon-et-autres/)
A la différence de Strabon ou des Hommes de son époque, les chrétiens ont l’Evangile et la personne de Jésus : l’on peut remarquer que dans  les textes tels qu’ils nous sont parvenus,  ses conseils à propos de la liturgie, de la Beauté ou des rites, auraient été plus que restreints…
On peut donc se demander quel jugement il faudrait porter si les cérémonies chrétiennes reposaient sur les mêmes moyens, relevant essentiellement des sens, pour accéder au divin.

6 réflexions sur “Brève histoire de la liturgie catholique : qu’appelle-t-on donc «Tradition» ?  (Marguerite Champeaux-Rousselot)

  1. Quand vous dites  » Il me semble que l’homme n’a pas à être au service de la liturgie mais la liturgie au service de l’homme », vous renversez l’ordre normal des facteurs et humanisez le divin, si cela était possible ; dès lors il ne s’agit plus de religion mais de philosophie, on ne parle plus de la même chose. Les ressorts de la foi échappent, et c’est heureux, à la raison humaine et c’est bien en cela qu’elle est indestructible. (Moucad)

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    1. Merci, Mouscad, pour cette réponse pleine de bon sens et de justesse, mais je le dis ( voyez toute la fin de l’article ) comme dans l’Evangile : lorsque Jésus parle du sabbat ou d’autres rites de la liturgie de son milieu : la liturgie est notre façon de nous adresser à Dieu notre Père, c’est son seul objectif. Les moyens qu’elle emploie doivent eux être au service de l’Homme. je vais vérifier si mon texte est assez clair sur ce point mais il me semble qu’en prenant, comme on doit le faire , l’ensemble du paragraphe, cela est clair : le voici tel quel : je cite  » Ce sont tous les fidèles qui doivent participer à créer la liturgie, et, selon moi, de même que Jésus parlait dans sa langue natale, de même il me semble que la liturgie doit être complètement inscrite avec nos mots quotidiens, ce que nous comprenons bien, pour parler pourtant à Dieu de ce qui nous dépasse.
      Il me semble que l’homme n’a pas à être au service de la liturgie mais la liturgie au service de l’homme.
      Si l’on objecte que la liturgie doit être service de Dieu, il me semble que Dieu n’a pas un langage particulier et que ce qu’il demande c’est un cœur sincère qui exprime la vérité d’une vie cohérente, relié à Dieu : Dieu nous comprend sans doute mieux que nous-mêmes, même si nous faisons l’effort de lui « parler ». La liturgie est un de nos langages pour prier Dieu lorsque nous sommes en communauté ». fin de la citation.
      Couper la phrase de son contexte immédiat et même de tout l’article la rend effectivement « fausse » puisqu’elle pourrait faire croire que je penserais que la liturgie catholique n’aurait rien de commun avec Dieu en étant « au service de l’homme » ( uniquement) ! Loin de moi cette pensée… et d’ailleurs je ne l’ai pas dit. Elle a parfois été instrumentalisée ou trop orientée socialement, m
      Peut-on dire que la liturgie est « divine » ? Voilà une bonne question : elle peut être inspirée par Dieu lui-même, elle « parle » à Dieu…
      La liturgie exprime notre foi ( qui n’a rien de philosophique ), notre prière, notre louange, notre amour à Dieu, mais elle se sert d’un langage humain, elle change, elle s’adapte etc. : c’est le fond, l’intention, qui compte. Voir d’ailleurs, comme je le dis plus loin, l’exemple lumineux de Jésus, ce qu’ont vécu les premières communautés qui avaient des liturgies où cela s’exprimait plus librement qu’aujourd’hui, des liturgies inventées pour les groupes, les ordres, les circonstances etc. …
      Bien cordialement et n’hésitez pas à me répondre.
      Marguerite

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      1. La liturgie, principalement, est la doctrine éternelle mise en pratique : « prenez et mangez, ceci est mon corps… », en laquelle le fidèle n’a pas à intervenir, et si en effet il participe comme il se doit de cette liturgie, c’est pour en bénéficier, la recevoir, dans l’objectif du Salut, la vivre de l’intérieur ; c’est la définition de la religion. Vous dites : tous les fidèles doivent participer à créer la liturgie, cela me surprend, car elle a été créée une fois pour toutes par le Christ lui-même ; nous pouvons à la rigueur en modifier la forme, la présenter sous d’autres mots, sous prétexte de « moderniser », mais surement pas la créer. Et puis, entre les paroles de Jésus et celles des fidèles il y a un monde, ce monde spirituel auquel nous aspirons tous, monde totalement étranger à l’humain et que précisément la liturgie met à notre portée.
        Techniquement, la liturgie est mise au point par les Conciles, lesquels, comme vous le savez, sont l’expression de l’Esprit Saint ; à ce titre elle est infaillible, de sorte que les mots pour la dire n’en sont que l’enveloppe sensible. Par contre c’est en elle-même qu’elle nous touche, dans son fond, c’est pourquoi le « prenez et mangez, ceci est mon corps… », parfaitement clair, dit par qui de droit, est opérationnel même si nous ignorons totalement ce qui se passe à ce moment-là en nous. La participation à la liturgie est, par définition, passive ; Dieu seul sait ce qui se passe en nous et il ne peut en être autrement sauf à s’illusionner. Je vois un peu ce que vous voulez dire, mais ne mettez-vous pas trop l’accent sur la forme ?
        Cordialement,
        Mouscad.

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  2. Cher Mouscad, merci d’avoir continué le dialogue ! J’essaie de répondre en suivant votre texte ..
    Je prends liturgie dans le sens du dictionnaire, tout simplement. Je vous renvoie au début de l’article ( ou aux dictionnaires ). La liturgie traduit la doctrine ; en elle-même elle n’a rien d’éternel ( je crois ) ; elle n’a pas la même définition que la religion ( voir dans le dictionnaire ) ; le fidèle la vit dans l’objectif de son salut, soit – et dans d’autres également j’espère ; elle n’a pas la même définition que le mot religion ; le fidèle ne fait pas que la recevoir ; je crois moi aussi que « nous pouvons en modifier la forme, la présenter sous d’autres mots » , et il le faut d’ailleurs puisque notre langue et notre contexte changent, ( le terme de moderniser est assez péjoratif chez moi aussi ) et bien entendu le verbe « créer » n’est pas dans le sens radical de créer à partir de rien … mais comme on parle de quelqu’un de créatif, qui s’exprime, qui invente, qui vit , qui communique… Jésus dans notre chair nous a montré comment (oser) prier quelqu’un de transcendant, avec des mots simples, venus du cœur, possibles à tous ; il s’est émerveillé devant les paroles de foi spontanées de tant de personnes, parfois même non juives… Comment penser qu’il a demandé ( d’ailleurs où ? ) ou voulu nous dire que nous ne saurions pas prier sauf si des Conciles se chargeaient de nous dire intégralement comment le faire. Ses consignes sont simples dans l’Evangile … ( avoir mis sa vie en cohérence avec son intention de rencontrer Dieu, le faire discrètement, seul à seul avec Dieu éventuellement, en groupe aussi, avec des paroles simples, parfois des textes connus parfois des textes inventés, etc.) relire tout l’Evangile pour le voir. Le Très-Haut, Dieu, nous comprend mieux que nous-mêmes oui, certes, et comme un père comprend son petit qui ne sait pas bien parler etc. La liturgie ( au sens du dictionnaire ) touche au sacré mais ne ressort pas , je crois , d’un dogme et n’est pas mise au point dogmatiquement en gros ou en détail pendant/dans les conciles. ( Ceux-ci parlent heureusement rarement dogmatiquement ). ( Conciles qui sont d’ailleurs censés être‘ inspirés par l’Esprit et être l’émanation du peuple des baptisés, corps du Christ ). Ceux-ci d’ailleurs ont donné depuis le XIX° s. de plus en plus de liberté d’expression, en sortant d’un modèle centré sur une ancienne civilisation très localisée puissante et autocentrée. « Infaillible » en matière de liturgie : où est-ce écrit ? Exclusive ? Où est-ce écrit ? Je crois moi aussi que la liturgie n’est que « l’enveloppe sensible » ( très bonne expression ) de notre Foi et de notre Amour lorsqu’on se tourne vers Dieu dans un cadre de communauté. Il faut espérer que cette enveloppe ne soit jamais une forme préétablie qui (me ) donne une illusion de ( me ) tenir même si elle est vide …
    Vous écrivez : « Par contre c’est en elle-même qu’elle nous touche, dans son fond, c’est pourquoi le « prenez et mangez, ceci est mon corps… », parfaitement clair, dit par qui de droit, est opérationnel même si nous ignorons totalement ce qui se passe à ce moment-là en nous. » Je vous laisse le dire et le croire : moi, d’ailleurs, je ne vois pas en quoi le fait que vous pensiez ceci ou cela changerait quoi que ce soit à ce qui se passe quand le prêtre parle et ne comprends donc pas en quoi cela intervient dans ce sujet … Peut-être êtes-vous prêtre ? Si vous pensez que, même en disant ces paroles de la consécration et en pensant autre chose, le mystère s’accomplit, c’est sans doute qu’il s’accomplit par amour pour nous tous et pour ce prêtre éventuellement même peut-être peu concentré… Nous sommes évidemment tout petits devant Dieu. Vous écrivez : « La participation à la liturgie est, par définition, passive ; Dieu seul sait ce qui se passe en nous et il ne peut en être autrement sauf à s’illusionner. » : je ne comprends pas la première partie de cette phrase, et je crois au contraire que la participation à la liturgie est par définition active… Où trouve-t-on que la participation à la liturgie est par définition passive ? Pour la seconde partie de cette phrase, même si nous sommes bien conscients de participer à la liturgie de façon bien faible… vous êtes vous bien catégoriquement sévère et négatif… et heureusement il y a d’autres exemples à suivre, par exemple Jésus nous disant de regarder la prière du publicain ou Jésus convaincu par celle de la cananéenne. Que d’admiration ou d’attendrissement devant ces personnes… qui parlent avec leur cœur, en toute simplicité, en toute vérité. Pour votre dernière question qui témoigne de votre attention : « Je vois un peu ce que vous voulez dire, mais ne mettez-vous pas trop l’accent sur la forme ? » : il faut regarder ( encore une fois ) le sens de ce terme liturgie puisqu’il concerne ce qui se voit, ce qui s’entend, dans les cérémonies et les prières … je crois que c’est ce qui s’appelle justement la forme. La liturgie ne doit exister que parce qu’elle est langage (pour parler à Dieu) et ce qui compte dans le langage,- peu importe la forme et les moyens -, c’est ce qu’on veut dire, le fond. Et dans une relation, encore faut-il que la communication soit vraie, et que l’expression d’un côté puisse être comprise de l’autre et réciproquement… Il me semble qu’il y a deux moyens sans doute de vivre de la liturgie : un chemin où la liturgie est dite venir des Conciles et où des baptisés acceptent de ne pas se reconnaître le droit de penser qu’ils peuvent la modifier pour s’exprimer eux-mêmes car elle a été pensée au mieux pour eux et ils se reposent ou font confiance totalement au clergé pour la définir, pourquoi pas ? … et un autre chemin où des baptisés usent de l’immense liberté inventive donnée par Jésus leur exemple et suivent la direction, les principes qu’il a donnés dans l’Evangile, pour aider sa/leur propre Eglise à bâtir une liturgie qui corresponde souplement à la vie humaine et s’adresse à son/leur Père.
    Voilà une réponse bien longue, et beaucoup de questions. Je ne sais si vous aurez le temps de répondre : mais si vous le faites merci de mettre si vous le voulez bien des références aux textes qui appuieront vos affirmations, et, comme je l’ai fait dans l’article, les définitions des mots en français actuel bien sûr.
    Amicalement
    Marguerite

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