Les héros culturels : récits et représentations
Colloque international 23-24 mars 2012
Université Paul Verlaine de Metz
Organisé par le centre de recherche Ecritures
Appel à communication
Les littératures des mondes contemporains – spécialement mais non exclusivement celles
provenant d’Afrique, des Caraïbes, des Amériques ou de leurs diasporas – sont caractérisées
par les déplacements et les transferts culturels. Le colloque s’intéresse à la construction des
discours identitaires dans la production littéraire et artistique, en relation avec leur contexte de
réception. En d’autres termes, il s’agit d’analyser les discours liés à l’authenticité, les
phénomènes de labellisation dans la communication littéraire et artistique, les dispositifs
sémiologiques divers (stylistiques, énonciatifs, thématiques, etc.) de marquage identitaire qui
interviennent des premières opérations de l’écriture jusqu’à la patrimonialisation.
La démarche suppose une réelle interdisciplinarité en termes de domaines (anglophone,
hispanophones, francophones, sans exclusivité), d’objets (ouverture à l’histoire de l’art, aux
médias, etc.), de méthodologie (linguistique et socio-linguistique, stylistique, narratologie,
études de réception, sociologie de la littérature, anthropologie…)
Le colloque ne vise pas une redéfinition de l’identité, mais propose d’étudier un des
phénomènes qui la rendent possible et lisible, en l’occurrence les mythes d’origine, et parmi
ceux-ci en particulier la construction littéraire (et plus généralement narrative) d’un « père
fondateur », entraînant la vénération (collective, institutionnelle) de cette figure idéalisée.
On peut dès lors se risquer à parler de la sacralisation d’un héros, au terme d’un parcours
balisé (naissance obscure, faits héroïques qualifiants puis fondateurs, reconnaissance et
gestion du royaume, couronnement, filiation…) : son comportement est parfait, sa parole est
exemplaire. Exemples : José de San Martín (Argentine) : El Padre de la Patria, El Santo
de la Espada / Le Saint du Sabre ; José Martí (Cuba) : El Apóstol de la Revolución /
L’Apôtre de la Révolution.
Ces figures fondatrices semblent fortement sexuées, ce qu’indique la métaphore du
« père », ou la posture récurrente de l’aïeule en énonciatrice de l’histoire collective.
De tels « rôles familiaux », qui sont à inventorier, relèvent-ils d’une anthropologie
générale, affectant des rôles narratifs semblables à des types de personnages, ou d’une
construction historique ? On a en tout cas assisté ces dernières années à un effort pour
mettre en avant (mettre en récit) des figures fondatrices féminines (reines, princesses,
magiciennes).
Quoi qu’il en soit, de tels récits semblent susciter des formes d’adhésion qui relève de la
croyance – intime éventuellement, mais d’abord induite par le discours social. Le héros,
création narrative et littéraire, est porteur de valeurs identitaires ; sa figure historique,
fédératrice d’un imaginaire propre à la collectivité (nationale, régionale, etc.), est ainsi érigée
en modèle par des oeuvres qui deviennent elles-mêmes exemplaires dans le champ artistique.
Il y a donc une écriture et une lecture littéraires de l’Histoire, en même temps qu’une
opération instaurant un corpus de référence qui définit à son tour une littérature
« nationale ». Qu’est-il à cet égard des romans « fondateurs », des « pionniers », des
« précurseurs », etc. Les « ruptures », et les « émergences » sont-elles, dans l’histoire
littéraire, construites de la même manière que leurs homologues dans la mémoire
historique ?
Une histoire est-elle, en somme, possible sans héros ? Que se passe-t-il (ou ne se
passe-t-il plus ?) lorsqu’au lieu de vies exemplaires, on a des « vies minuscules » ?
Comment l’institution scolaire et la littérature destinée à l’enfance ou à la jeunesse
racontent-elles la « vie exemplaire » d’un homme ou d’une femme (voire d’un groupe),
pour en faire un modèle national, voire régional ou continental ?
Quel lien entre ces biographies et la mise en évidence de types emblématiques, mythifiés
(exemples : l’indien et l’indianisme, l’indien et l’indigénisme, le gaucho et la gauchesca) ?
Quel lien, par ailleurs, entre biographie et recueil de paroles du héros, dans ou en
dehors du récit biographique ?
Y a-t-il une succession de séquences plus ou moins obligées dans le récit du fondateur :
d’abord comme jeune guerrier faisant irruption, ensuite comme “administrateur” du nouveau
royaume, enfin comme « sage » ? Autre séquence : son mariage avec la fille du (vieux) roi ?
Après avoir tué quel dragon ? Un tel rapprochement avec le genre du conte a-t-il lieu d’être ?
dans le récit ? dans la vie même du protagoniste qui se destine à être raconté et suit lui-même,
dans la vie qu’il écrit ainsi, le modèle d’une autre « vie exemplaire » ? A cet égard, il est
légitime aussi d’envisager l’autobiographie comme lieu d’auto-statufication, à la fois
témoignant de l’emprise de vies exemplaires antérieures, mais aussi instaurant la nouvelle
exemplarité du Moi.
Dans cette succession de séquences, faut-il prendre en compte, a fortiori dans le contexte
postcolonial, les « mauvais pères », les « pères déclassés », la « révolte contre le père » ?
Modèle et contre-modèle, figures d’inclusion et d’exclusion, sont donc inséparables.
Une attention doit être gardée au « métadiscursif » : on doit tenir compte de la force légitimante
(avec ses effets narratifs) du discours scientifique et herméneutique sur ces figures et sur ce
qu’elles représentent politiquement.
Il sera donc bon d’élargir la réflexion à d’autres écritures que littéraires, par exemple les
historiens : qu’est-ce qu’ils proposent ou imposent comme narration de l’histoire et des
« figures » ? De même, les journalistes ont du poids.
Les pistes de réflexion sont donc nombreuses. Elles s’ouvrent aussi dans le domaine
des autres arts : la statuaire épique d’Ousmane Sow, les portraits d’Andy Warhol, le
cinéma biographique traitent chacun différemment de la figure héroïque.
Les communications pourraient être orientées selon les axes suivants :
- Les témoignages, l’auto-représentation dans les mémoires.
-
Le processus de mythification.
-
Les récupérations de la même figure dans des contextes politiques variables.
Langues du colloque : Les résumés seront adressés en français mais les
communications, d’une longueur de 20 mn, pourront être données en anglais, en
allemand ou en espagnol.
L’université de Metz prendra en charge l’hébergement des participants mais pas leurs
frais de voyage.
Date limite de soumission des propositions :
Les propositions sous la forme de résumés de 2000 à 4000 signes sont à envoyer avant
le 30 octobre 2011 à
Ranaivoson-hecht@wanadoo.fr
Pierre.halen@univ-metz.fr
valentinalitvan@gmail.com
Date de communication du programme : 1er décembre 2011.
Comité scientifique :
Kathie Birat (Metz)
Pierre Halen (Metz)
Comité d’organisation :
Valentina Litvan (Metz)
Dominique Ranaivoson (Metz)