« Saint » ou « sacré »  traduisent   « mis à part, séparé » en hébreu : implications pour notre aujourd’hui. par Marguerite Champeaux-Rousselot, 2021-02-07

Entrée… ( le plan est un peu plus bas )  

 

Les termes saint ou sacré  et le verbe sanctifier ou consacrer  traduisent aujourd’hui en français  des termes hébreux qui  signifient des notions ( qadosh et qadash) sur lesquelles il est utile de revenir.

 

Nous ne nous occuperons donc pas, ici, des termes correspondant à  saint ou sacré, ni en latin d’où vient  le français, ni  en grec.

 

Mais cependant, voici une information d’importance avant d’observer l’hébreu. Cette notion se dit en grec avec 4 ou 5 synonymes, hieros, hosios, hagnos entre autres etc. En ce qui concerne le  Nouveau Testament, écrit en grec :

–  les évangiles écrits  utilisent-ils cette notion ?  Les évangiles n’utilisent pas cette notion une seule  fois. Jésus ne semble pas avoir considéré cette notion de « sacré » comme utile ni à sa foi, ni à sa pratique religieuse, ni comme critère d’action, ni comme moyen, ni pour lui, ni pour les autres…

  • et les épîtres ?   Elles  font appel  à cette notion, surtout pour préciser des positions  par rapport à d’autres religions.

Voir à ce sujet quelques uns de mes autres articles antérieurs, et par exemple ceux  sur Melchisedek, sur l’épitre aux Hébreux[1], sur les prêtres[2], sur la liturgie[3]… en faisant  fonctionner les moteurs de recherche avec différents mots et mon nom entier. Vous pouvez me contacter par mon site si nécessaire.

Cette absence  et cette présence sont significatives  d’un état d’esprit précis, d’une certaine pastorale, voire d’une certaine théologie… mais ce n’est pas ici l’objectif de cet article  qui est fait pour permettre d’y réfléchir.

 

Plan 

Entrée…

  • 1 Pourquoi étudier ce mot hébreu ? Comment faire ?

*2 Remarques de méthode

*3 Dieu «  à part » ;  le «  à part ».

*4 Le « à part » est, en hébreu, radicalement incompatible avec tout le reste…

*5 … à part quelques exceptions très codifiées

*6 L’origine du Sanctus et le sens de Genèse 2,3

*7 Bilan lexical  et historique de ce mot hébreu

*8 Compréhension de divers passages  de l’Ancien Testament

*9 Trois ouvertures pour finir sur notre aujourd’hui ?

1°) Réduire la sainteté ?

2°) Consécration et sacralisation : critères pour repérer un  sacralisme abusif.

3°) Reconnaître avec simplicité et honnêteté ce qui nous dépasse… même en nous-mêmes

*10 Quelques vues d’ensemble où le passé nous est utile pour notre aujourd’hui, religieux ou non

*11 Une notion religieuse métamorphosée avec ce que les Evangiles nous ont transmis de  Jésus

  • Ouverture finale

 

 

* 1 Pourquoi étudier ce mot hébreu ? Comment faire ?

 

En regardant l’hébreu que connaissait Jésus, nous pourrons  mieux nous demander pourquoi cette notion aurait pu lui sembler comme une petite branche a émonder sur la religion, et,   si elle a repoussé ailleurs ou plus tard, un peu autrement,- pourquoi pas ? –  si elle est «  bonne », porte de bons fruits, et ce qui pourrait en être conservé dans l’esprit de Jésus.

 

Cette dizaine de pages permet de voir les emplois des termes concernés afin de préciser la notion hébraïque et de mesurer les ressemblances et les différences avec les  notions françaises actuelles qu’on trouve dans les traductions.

Par exemple en Genèse 2,3  on lit

« Et Dieu bénit le septième jour, et il  le sanctifia, car en ce jour il se reposa de toute son oeuvre ».

Que signifie ce verbe français ?

Quel est le terme hébreu qu’il traduit ? ( rappel : pas d’étude ici du grec ni du latin)

Que signifiaient ces notions en hébreu ?

Et aujourd’hui ?

 

*2 Remarques de méthode

 

Ce travail est destiné à être lu facilement et est écrit dans un style simple et aisé, et même avec quelques comparaisons éclairantes.

Il est fait dans l’optique scientifique  de l’Histoire des religions et en sociologie ou anthropologie, et a une vue objective. Il est de type « académique »  en ce sens que, ouvert à tous, il accepte les échanges, et souhaite être critiqué éventuellement  en positif ou négatif  pour être amélioré ( on peut écrire au site ).

Les sources des textes y sont mentionnées chaque fois.

Les titres sont en gras et sont précédés d’une * si vous voulez avancer plus vite… ou revenir en arrière .Bonne lecture !

 

Le terme qodesh  [ko’-desh] קֹ֫דֶשׁ   (strong n°6944), ou qadosh,  ( kadosh ou kodesh) vient du verbe  qadash (Strong 6942) (ou kadash).

L’adjectif figure 175 fois et le verbe 464 fois dans le Tanakh (terme hébreu pour l’Ancien Testament qu’on peut aussi appeler Premier Testament).

175 et 464 fois, c’est beaucoup.

Il signifie « à part, séparé » du reste qui est humain, quotidien, banal, profane, et s’applique à un être divin, ou à quelque chose de divin.

 

 

 

*3 Dieu «  à part » ;  le «  à part »

 

Dieu est donc  qodesh  ( à part )  par essence évidemment : à part du monde humain, évidemment. Dieu  existe dans son  univers qodesh  au ciel (Exode 15,11) mais la Terre (Exode 15,13) est aussi son domaine. Cet adjectif  « à part » caractérise  un état de Dieu que l’Homme constate : l’Homme entérine ainsi que Dieu lui échappe, il abdique toute tentative de description tant il est à part. Le terme  « état » a aussi ici sa valeur quasi-grammaticale : pas d’action active, encore moins passive, mais il verbalise  le fait absolu d’ « être ».

Dieu et seulement Dieu est «  à part », un adjectif trouvé bien sûr par l’Homme pour  définir Dieu, et par conséquent  tout le reste est différent, de ce «  à part » : ce qu’on peut appeler  peut être   « profane »  ou «  le monde »  par exemple.

C’est une limite factuelle constituée par une  différence de nature. C’est simple et indiscutable pour les croyants – (surtout pendant l’Antiquité où l’Homme se sentait petit devant tant de choses !). C’est un état stable pour lui, chez lui, bien entendu.

 

 

 

*4 Le « à part » est, en hébreu, radicalement incompatible avec tout le reste…

        

 

Les Hébreux croient qu’il y a une limite infranchissable entre cet «  à part » qui est l’état de Dieu et tout le reste.

Pour prendre une comparaison, cette  différence d’état ressemble un peu à celle d’une  couleur en poudre ou en pâte  par rapport à l’eau. Elles sont « différentes » et pour garder leur état, la couleur et l’eau incolore doivent rester séparées : il y a une limite infranchissable entre elles. .

Si on les mélange, l’eau incolore est teintée, contaminée par la couleur. Il en va un peu semblablement avec le qodesh : ce qui est ainsi « à part », parce qu’il est Dieu  ou de Dieu, est éminemment « contagieux »  et contamine  immédiatement  et définitivement[4]  tout le reste puisque le reste est profane.

Ainsi Dieu peut-il choisir de « contaminer » un lieu, un objet, une personne  … Du moins telle est la foi que certains peuvent avoir.

 

Mais que se passe-t-il si l’Humain  a brisé de lui-même le tabou de cette séparation ?

Cette  différence d’état ressemble un peu à celle entre l’eau d’une petite cruche et le beau feu  d’une cheminée : deux éléments qui peuvent coexister dans certaines conditions, mais si l’eau touche le feu, elle se vaporise et disparaît pour ainsi dire, comme si le feu avait contaminé l’eau qui devient brûlante, brûle et disparaît. Ce n’est qu’une comparaison sans plus…  On pourrait dire alors  que le feu et l’eau sont incompatibles …

Il y a une incompatibilité d’état radicale entre Dieu, (le Tout Autre, le qadosh) et tout le reste.

Si un mortel a brisé de lui-même le tabou de cette séparation, il se sera rendu coupable d’un sacrilège. S’il a outrepassé  la limite posée par Dieu, même si son contact  a été involontaire ou pour sauver l’Arche d’alliance, il mourra[5] de manière fulminante  (ou, c’est tout comme,  il sera  atteint d’une maladie mortelle) : plusieurs exemples sont racontés à l’appui dans la Bible, mais aussi dans des récits d’autres civilisations : le divin peut être mortifère pour l’Homme[6]. Si Dieu ne l’a pas permis, l’homme est  contaminé par le qadosh et il mourra.

Une des propriétés de l’état qadosh est  de contaminer immédiatement celui  ou ce  qui est  entré en contact avec lui sans que ce soit le Dieu qqadosh qui l’ait expressément voulu. Il ne détruit pas tout le reste, mais seulement celui qui a été sacrilège.

Telle est la foi des Hébreux.

 

*5 … à part quelques exceptions très codifiées

 

(S’il n’y avait pas ces  exceptions, y aurait-il d’ailleurs religion ?)

Respecter le fait de cette incompatibilité qui sépare est donc vital pour l’Homme de foi en  Israël, mais les récits du Tanakh   montrent que Dieu prend  régulièrement l’initiative d’un contact. Il prend alors les mesures pour éviter tout risque à sa créature ignorante.  Ainsi le rédacteur de l’Exode raconte que Dieu a averti Moïse qui s’approchait du buisson ardent  d’où  il lui parlait mais il lui a indiqué en même temps de façon accueillante la limite tabou et  un rite de sauvegarde  pour qu’ils soient ensemble dans un même lieu humain : «  Dieu dit : « N’approche pas d’ici, enlève les souliers de tes pieds  car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre qodesh ». (Exode, 3,5).

Dieu  permet en effet  que  certains  humains parmi les  fils d’Israël  puissent l’approcher malgré son qodesh et malgré leurs fautes, grâce à   certains rites. Par exemple, Dieu expose à Moise comment  Aaron, le prêtre sera  mis au service du peuple pour lui demander pitié ou le prier. Or ce service d’intermédiaire pour ses frères l’expose dangereusement. Dieu  explique comment se prémunir  de tout risque :   « Tu feras une lame d’or pur, et tu y graveras, comme on grave un cachet : « Séparation »  pour l’Eternel ». Et tu la poseras sur un cordon de bleu, et elle sera sur la tiare; elle sera sur le devant de la tiare; et elle sera sur le front d’Aaron; et Aaron portera l’iniquité des choses saintes que les fils d’Israël auront «  séparées », dans tous les dons de leurs choses saintes; et elle sera sur son front continuellement, pour être agréée pour eux devant l’Eternel. (Exode , 36-39)  Aaron, ainsi protégé par cette barrière sur son front qui montre qu’il respecte cette « séparation » et a autorisation de la franchir quelque peu,  pourra, et ceci pour ainsi dire grâce au conseil de Dieu lui-même,  s’approcher de son Dieu qodesh sans dommage pour lui  lorsqu’il sacrifie pour  Yahweh et en faveur  des enfants d’Israël.

Qodesh signifie alors ce qui, dans le monde profane,  est « séparé » parce qu’un rite l’a fait appartenir au monde de Dieu. Ici l’adjectif qodesh  prend toujours un sens passif «  mis à part », et le verbe s’emploie au passif.  C’est Dieu qui enseigne, selon les récits de la Bible,  à certains  comment faire pour pouvoir communiquer, faire alliance, échanger etc. avec lui, et ces derniers poursuivent et précisent la manière de rendre qadosh. Dieu ordonne : « Tu « sépareras » ces choses, et elles seront très « séparées »   tout ce qui les touchera sera  « séparé »  ( Exode 30,29). ( 2 fois qadash et une fois qodesh ) : cette «  contamination »  peut être une bénédiction si  la personne y était autorisée  par un rite, mais  si ce n’était pas autorisé, cela peut faire mourir… L’organisation de cette contamination régulée par « ruissellement »  aboutit alors hiérarchiquement  à la création de différentes  catégories sociales qui s’activent  au nom de la religion.

Ainsi par exemple les prêtres et les lévites devenus  qodesh à leurs niveaux  respectifs très codifiés,  pourront-ils   approcher plus ou moins Dieu et accomplir leur tâche plus ou moins élevée : ils « sépareront  » pour Dieu le peuple (Exode 19,14), une assemblée (Exode 12,16) , des hommes ( 22,31), les premiers nés (Exode 13,2), une personne  par une onction ( Exode 29,36) ou par d’autres rites : ces deniers,  ayant ainsi été « séparés » à leur niveau, pourront  communiquer au même niveau pour de vrai avec leur Dieu. D’où la solennelle déclaration  de Yahvé : « Toi, parle aux fils d’Israël, disant : Assurément vous garderez mes sabbats, car c’est un signe entre moi et vous, en vos générations, pour que vous sachiez que c’est moi, l’Eternel, qui vous « sépare », vous[7]. » ( Exode 31,13). C’est un privilège d’être en quelque sorte « séparés »  des autres peuples  ou d’autres éléments de la vie  pour avoir part avec son Dieu.

Pour que l’Homme puisse surmonter sans dommage le tabou de celui et de ce qui est qodesh  ( la prière ne suffit pas), différents rituels, moyens et objets  sont donc employés sur les personnes ; la circoncision,  une onction, la pratique du sabbat ( Exode, 16,23), de l’eau,  le respect des interdits ou d’obligations, le sceau gravé « Séparé pour le Seigneur » ( Exode 28,35) etc. Cette « séparation »  effectuée permet à ces personnes « profanes » appartenant au monde humain permet leur  rencontre plus ou moins directe avec le divin. La « mise à part » devient en quelque sorte la zone  permettant le  passage à ceux qui l’ont acceptée.

La caste sacerdotale et les lévites, ainsi mis à part et privilégiés, vont utiliser  à leur tour des lieux et des objets  en les rendant « séparés »  qadosh, en les faisant entrer  définitivement dans le milieu  divin : ils sont offerts   grâce  à des rites hiérarchisés. Dans le temple il y a « le qadosh des qadosh », le Séparé des Séparés,  et tout une gradation  marquée  par des rideaux  ( Exode , 26,33). Même chose pour les objets : sont  rendus qadosh la tente de la rencontre ( Exode 29,44),  des habits spéciaux pour faire de Aaron un prêtre (Exode 28,3 et 4 ), l’autel ( 29,37) ,  des prêtres (Exode 28,41), une partie de la viande sacrifiée, en l’agitant  (Exode 29,27), un objet ( Exode 29,36), des dons ( 28,38) , une couronne sur un turban (29,6) etc.

 

(Par parenthèse : Pardon  pour tous les mots en italiques qui vont insister sur le rapprochement et la cohérence des notions qui bâtissent un réseau  à valeur quasi-ethnologique et en tout cas sociologique et historiquement valide.)

 

Outre les niveaux de « séparation » qui font varier le tabou en intensité,  le qodesh  demeure infranchissable parfois : certains ont le droit de « manger ces choses par lesquelles la propitiation aura été faite pour les qadash : mais nul étranger n’en mangera, car elles sont qadosh. Et s’il reste de la chair des consécrations, ou du pain, jusqu’au matin, tu brûleras ce reste au feu; il ne sera pas mange, car il est qadosh. » ( Exode 29,34). Consommable religieusement un jour, à brûler le lendemain : ce sont les deux applications du qadosh sur cet objet, applications indiscutables et intangibles car dictées par Dieu, selon l’Exode, pour éviter toute profanation de ce qui avait été mis à part de l’Humain  séparé du profane, pour pouvoir  prendre part à ce qui est au-delà de notre monde humain.

Finalement ce Dieu séparé  permet le contact grâce  en quelque sorte à la  symétrie de diverses « mises à part »  de personnes ou d’objets humains. Grâce à des rites adaptés, la  limite reconnue comme radicale et catégorique peut se vivre comme  une frontière biface, poreuse à certains endroits précis : sur la frontière, se trouvent à des points précis,  des communications possibles, non-dangereuses, voire recommandées.

Cette interaction entre les Humains en demande et la divinité qui accorde ou non, a tenté beaucoup de religions de l’époque (religio/supersitio etc. ) : elles  ont tenté de mettre cela en œuvre. Mais ce n’est pas tout à fait semblable à la religion juive. Certes les Hébreux voulaient joindre leur Dieu, et parfois dans un sens intéressé, – naturellement ! – ; certes ils pensaient apitoyer et  séduire un Dieu qui aurait dû punir et aurait ainsi accepté de d’entendre et d’exaucer. Mais ils ont découvert (ou selon certains ils ont en fait construit ) un Dieu bien au-delà de ce qu’ils demandent de bon pour eux : ils ont découvert un Dieu qui est également demandeur. Cela ne change pas le fait que Dieu est  qodesh, mais,  mystérieusement, le rend accessible et proche de l’Homme.

 

*6 L’origine du Sanctus et le sens de Genèse 2,3

 

La prière doit néanmoins commencer par reconnaître cette distance.

Un des  textes les plus connus contenant qadosh esst l’Hymne que le prophète Isaïe   entend les séraphins  chanter  devant le Seigneur :

קָדוֹשׁ קָדוֹשׁ קָדוֹשׁ ה’ צְבָאוֹת מְלֹא כָל הָאָרֶץ כְּבוֹדוֹ

Qadosh Qadosh Qadosh Adonai Tz’vaoth M’lo Khol Ha’aretz K’vodo.

« Qadosh Qadosh Qadosh, le Seigneur des multitudes[8], la terre entière est remplie de sa gloire (Is 6, 3).

Dans le judaïsme, cette prière est la troisième bénédiction de la Amida, une prière récitée trois fois par jour habituellement je crois.

 

Ce balayage  que nous avons effectué  permet de répondre à la question posée au début et de traduire Genèse 2,3 en le traduisant mieux  cette fois :

« Et Dieu bénit le septième jour, et le  mit à part des autres  car en ce jour il se reposa de toute son oeuvre ».

Ce n’est pas la traduction à laquelle nous sommes habitués… D’habitude nous lisons : « Et Dieu bénit le septième jour, et le sanctifia ».

Nous savons désormais ce que signifiait pour les Hébreux ce verbe que nous traduisons par sanctifier, ou cet adjectif que nous traduisons par saint ou sacré : c’est essentiellement le terme qui reconnaît que quelqu’un ou quelque chose appartient au divin, relève du Tout Autre,  dépasse l’Humain et le profane…

Lorsque nous chantons le Sanctus à la messe, c’est ce que les chrétiens signifient encore.

(Mais ce terme n’a pas de rapport avec le péché, le mal , le salut etc.)

 

 

*7 Bilan lexical  et historique de ce mot hébreu

 

Il est temps maintenant de faire désormais une synthèse pour voir à quoi correspond cette notion de qadosh qui se présente avec une grande unité à partir de l’époque et pendant les quelques siècles de son utilisation dans une rédaction : le sens des deux mots qadash et qodesh est stable.

On sait que la Genèse et les livres qui la suivent ont été écrits, selon la tradition par Moïse, mais il vaut mieux dire qu’ils ont été formulés oralement   ou au « brouillon » par Moïse  au plus tôt, car il est plus scientifiquement probable qu’ils ont été en fait écrits à la même époque que le Livre qui raconte l’histoire de Moïse et de son peuple : le Livre de l’Exode,  selon un titre hébreu qui serait mieux traduit en français actuel par Le Livre de la Sortie, c’est-à-dire de la sortie d’Égypte.

Ce texte (le Livre de la Sortie )  est daté par les scientifiques au plus tôt du VIIIe siècle avant J.-C. et plus probablement vers le VIe siècle, c’est-à-dire  pendant ou après l’expérience de l’exil à Babylone (- 580 environ) mais il est bien entendu possible qu’il résulte de traditions orales antérieures. L’archéologie ne confirme pas en effet les récits  écrits dans ce livre de l’Exode, à l’exception pour le moment d’un texte, le papyrus d’Ipou-Ipour qui date de la 19e dynastie  ( 1296-1186  av. J.-C..)  et décrit quelques éléments similaires à ceux du Livre de l’Exode, mais fort peu.

Nos connaissances actuellement font donc penser qu’il est probable qu’il  s’agit là d’une reconstruction qui a permis à un groupe de trouver son identité, dans des éléments communs avec son milieu, dans des expériences (souvenirs, habitudes, codes, symboles) qui lui sont propres, et dans des différences qu’il a ressenties. Cela lui a permis en particulier, (en s’éloignant progressivement d’un polythéisme originel)  de  se regrouper peu à peu  et de plus en plus autour d’un Dieu Tout-puissant et créateur  comme d’autres dieux,  mais qui,  à la différence d’autres religions d’alors,  devient pour eux également un Dieu unique et non anthropomorphe. Comme dans d’autres peuples d’alors,  ce Dieu a pour ainsi dire une fonction politique en validant le roi, la structure du pays, ses succès et ses défaites.

Concernant ce Dieu, une des choses les plus important est la manière dont il est raconté qu’il a répondu à Moïse demandant son nom au  « Dieu de leurs pères » : il répond : « Je suis celui qui est [Ehyeh Asher Ehyeh אֶֽהְיֶה אֲשֶׁר אֶֽהְיֶה] » (littéralement « Je serai ce que Je serai » ) » (Ex 3,13-14). Cette réponse de type humoristique peut-être pour une fin de non-recevoir est aussi et surtout une réponse extrêmement sérieuse qui insiste sur l’impossibilité de mettre la main sur Dieu. (On connaît la valeur « essentielle » du Nom à l’époque).

Cette première « révélation » entraîne également ce sens de qadosh et du verbe qadash qui reconnaissent à ce Dieu non seulement son caractère radicalement autre par rapport à l’homme, mais surtout son caractère de transcendance infinie, de supériorité incommensurable, indescriptible, inimaginable, et qui échappe à tout anthropomorphisme. C’est une originalité extraordinaire au sein du bassin méditerranéen d’alors.

Ce Dieu est (ressenti, vu, présenté comme)  « saint » (puisque c’est ainsi que nous traduisons cette notion en français) par nature, par essence : il est à part et cet adjectif entérine le fait que l’on ne peut pas prétendre en faire le tour, le connaître,   ni  outrepasser la frontière divine  ainsi dressée  sous peine de mort.

Israël néanmoins met en place ce qu’il faut pour que la communication existe avec ce Dieu : il installe des rituels qui permettent de franchir la distance et la limite taboue. Les objets qui lui seront offerts  pourront  par ces rites mis en place, franchir la frontière et devenir qadosh eux aussi. Ils n’appartiendront plus au monde des hommes et ainsi seront  acceptés à coup sûr par Dieu…  Ils seront dits sanctifiés, consacrés, ce qu’il leur permet d’être saints ou sacrés et d’atteindre leur but qui dépasse l’Humain. Pour manifester ce changement d’appartenance et donc d’état, ils peuvent être brûlés  totalement (holocaustes[9] et encens dont la fumée monte vers le ciel) ou consommés  de façon rituelle ou gérés par les personnes ad hoc «  pour » Dieu.

Pour cela il faut également des personnes qui puissent participer  de cette « sainteté », sans risque ni dommage mais avec une mission particulière de faire la jonction entre ce Dieu et les membres de son peuple. Ce sera le clergé (prêtres, sacrificateurs, lévites…) et d’autres qui recevront cette autorisation divine (les Pères, les prophètes, les rois etc.) de participer à des niveaux différents à cette sainteté, à cette mise à part. Tout un peuple même peut être affirmé comme mis à part. On comprend  cette notion peut rejoindre  celle d’élu  par Dieu (peuple élu), une élection qui n’a rien de démocratique… et qui risque d’entraîner si c’est mal appliqué une hiérarchie  (étym. grecque : sacrée/autorité) pratiquant des tabous et des exclusions : tant de prophètes se sont élevés en matière religieuse comme sociale contre ces déviations et ces abus, au risque de leur vie.

*8 Compréhension de divers passages  de l’Ancien Testament

A la fin de cette petite étude, nous savons mieux ce que signifie qadosh et qu’il est traduit en français, non pas par  mis à part, séparé,   mais par  saint, sainteté, lieu saint, très saint, sacré, consacré, vénérable, pur…

C’est pourquoi nous pouvons maintenant  lire les textes traduits en comprenant mieux ce que nous lisons d’habitude avec notre lexique français, et nous reprenons ici les 6 autres citations données ci-dessus : (elles avaient  été choisies parce qu’elles sont particulièrement importantes en Histoire des religions).

« Et Dieu bénit le septième jour, et il  le sanctifia, car en ce jour il se reposa de toute son oeuvre ». (Genèse 2,3)

« N’approche pas d’ici, enlève les souliers de tes pieds  car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sacrée (ou sainte) ». (Exode, 3,5).

« Tu sanctifieras  ces choses, et elles seront très sanctifiées : tout ce qui les touchera sera  sanctifié  ( Exode 30,29).

Yahvé déclare : « Toi, parle aux fils d’Israël, disant : Assurément vous garderez mes sabbats, car c’est un signe entre moi et vous, en vos générations, pour que vous sachiez que c’est moi, l’Eternel, qui vous sanctifie. » ( Exode 31,13)

Dans le temple il y a «  le Saint des saints »

L’étranger n’a pas le droit de manger ce qui a été consacré car c’est saint ; le pain consommable un jour et à jeter le lendemain car il a été sanctifié   ( Exode 29,34).

Isaïe a entendu chanter les séraphins l’Hymne : «  Saint, Saint, Saint, le Seigneur des multitudes, la terre entière est remplie de sa gloire (Is 6, 3).

 

 

 

*9 Trois remarques, pour déboucher sur notre aujourd’hui ?

 

 

– 1°) réduire la sainteté ?

Il faut noter que, aujourd’hui, en français cet adjectif « saint », dans le Sanctus par exemple ou lors de la prière eucharistique,  contient pour nous, catholiques,  une qualité positive qui équivaudrait pour beaucoup, pour le dire de façon amusante, à peu près à faire de Dieu le modèle haut de gamme d’un de nos saints bien humains mais canonisés, ou plutôt  à en faire le modèle le plus idéal possible d’un saint selon nos critères :il ne commet pas le mal, mais fait le bien.

Modèle le plus parfait possible certes, mais construit par l’Homme…

Comme c’est réducteur en fait !

Notre emploi actuel de « saint » en français me  semble (risquer  d’) anthropomorphiser (et de moraliser)  quelque peu Dieu sauf si on a la notion du sens originel.

Cette vision  de la sainteté de Dieu, pour compréhensible et positive qu’elle soit, ne respecte en effet que difficilement la reconnaissance de cette altérité radicale qui échappe à tout qualificatif ; elle dépasse la capacité de notre humilité devant la transcendance infinie de Dieu.

Cet emploi fréquent de saint  concernant Dieu n’est donc pas complètement à faux, mais il est affadi par rapport à qadosh. Pour expliquer cette distorsion,  il nous faudra voir, dans une autre étude, d’où provient ce mot de saint  qui a connu, lui, une évolution beaucoup plus importante que qadosh dont nous avons noté au départ de cette étude, la remarquable stabilité[10].

 

 

– 2°) consécration et sacralisation : critères pour repérer un  sacralisme abusif.

Une autre remarque : en français, dans l’Eglise catholique, nous avons utilisé très souvent et utilisons encore sacré et saint  dans le domaine religieux.

Ces termes  qualifient ainsi un grand nombre d’objets servant au culte et de notions religieuses théologiques développées au fil des siècles, Ils sont aussi parfois utilisés au sujet de ce que vivent un certain nombre d’êtres humains qui oeuvrent dans le domaine religieux et l’adjectif « saint » leur est même parfois appliqué. Des rites affirment que certains objets et lieux sont « sanctifiés » et il en existe même de « sacrés ». Des personnes extérieures diagnostiquent une certaine tendance  à la sacralisation des textes, des habitudes, des objets etc.  et même à la sacralisation  des objets qui touchent des membres du clergé par exemple, et il est presque tabou de revenir sur  ces adjectifs, de les dater et d’observer les enjeux de ces évolutions

Malheureusement cette sacralisation a pu et peut parfois dériver. Nous en citerons trois cas.

On trouve de ces dérives  concernant l’analyse des textes  que certains voudraient parfois sacraliser en leur faisant quitter le monde humain pour les projeter dans un monde divin qui dépasserait, affirme-t-on, le rationnel, en produisant un discours séduisant et plein de bonnes intentions mais qui devrait être cru sur parole.

Une autre dérive quasi-mortifère  est cette sacralisation  qui  finit par immobiliser ce qui semble à certains une forme parfaite : ce jugement craintif  retranche  de la vie  des pans entiers de l’humain, empêche la vie d’y circuler et d’y grandir en s’adaptant au contexte.

On trouve enfin aussi d’autres dérives concernant le pouvoir hiérarchique religieux présenté comme exceptionnellement saint et sacré, des qualités  que certains parfois instrumentalisent et dénaturent pour en faire une autorité qui dépasse  le domaine religieux et/ou qui prétend édicter des lois sur-humaines car divines.

On peut voir si  ces dérives sont des erreurs  involontaires  (inconscientes) ou des perversions en observant si   le sacré est instrumentalisé au profit de celui qui l’édicte, directement  ou indirectement.

Ainsi, pour reprendre nos trois exemples, si la réputation de textes « sacrés » diminue dogmatiquement l’humanité d’un homme, son épanouissement dans le cadre de la fraternité, et le droit à se servir de son intelligence : danger !

Ainsi  si le passé et sa forme informent le présent et déforment le monde réel et le bon sens : danger !

Ainsi si une hiérarchie  religieuse  tire pouvoir et bénéfice de la sacralisation  de textes, de rites ou d’objets : danger !

Lorsque ces notions de « mise à part » qui devaient favoriser une déontologie respectueuse et  humble au service du peuple, deviennent  idéalisme cherchant à nier  le réel, retranchements sélectifs sur de mauvais critères, élitisme autocentré autoritaire,  elles sont  abusives et aboutissent à toute la gamme des abus d’autorité.

Resituer  aujourd’hui qui et quoi ont droit, en accord avec les paroles de celui qui nous fait vivre,  à ces qualificatifs de « saint » et de « sacré »  serait  sain et fructueux.

 

 

– 3°) reconnaître avec simplicité et honnêteté ce qui nous dépasse… même en nous-mêmes 

 

Enfin, une dernière remarque pour dire que l’humble reconnaissance – rationnelle  et relevant du bon sens  –  d’un Dieu  qui ne peut être que  « séparé »  évite tout discours déplacé sur lui et tout risque de dérive théologique.

La théologie apophatique ou négative s’exprime en tenant compte de cette altérité, de cette frontière, de cette distance infinie, de cette différence radicale : elle dit : « Dieu n’est pas bon… à la manière ou dans le sens où l’Homme est bon. »

Cette théologie apophatique ou négative est respectueuse de cela, on peut la saluer , mais  nous avons quand même l’Evangile : il nous donne un aperçu de Dieu, nous le rend proche, tout proche, fait tomber la frontière…

Pour beaucoup, chrétiens ou non, ce que l’Evangile dit de Dieu est le meilleur exemple de ce qui est dicible en nos mots au sujet de ce que ou de ce qui  est couvert sous le mot humain  Dieu.

 

*10 Quelques vues d’ensemble où le passé nous est utile pour notre aujourd’hui, religieux ou non

 

En insistant sur cet aspect de «  Dieu », son inconnaissabilité du fait de sa différence, Israël n’était-il pas finalement assez rationnel  dans sa réflexion ? Bien plus rationnel que les mythologies de son époque, et peut-être plus rationnel que certaines cosmogonies… On admire Akhenaton et Socrate, mais ne pourrait-on pas également admirer  Israël comme ayant tenté de formuler ce que pouvait être un être vraiment divin et dissemblable  de nous  qui tentons   de lui ressembler comme nous le pouvons ?  L’archéologie et quelques traces textuelles  dans la Bible même ou ailleurs nous montrent que des populations  probablement  polythéistes (au moins semble-t-il, un dieu, Baal, et une déesse, Ashera, et des Elohim, mot pluriel : surtout dans le livre de la Genèse) ont progressivement sans doute rejeté l’anthropomorphisme du polythéisme  et l’inertie de leurs idoles. Ce peuple en gestation a qualifié d’improbable l’existence de dieux faits  à l’image des hommes ou  d’éléments naturels, pleins d’incohérences, soumis aux contingences matérielles, à un début et à une fin… Il a « découvert » ou bâti, non pas tellement le monothéisme que  l’existence bien plus probable d’un divin le plus possible distinct et différent de l’Homme, un divin,« séparé » radicalement de l’Humain et du matériel. Et il est parti de la finitude humaine et de nos manques  pour projeter  cet être divin qui  a mis de lui en l’Homme et l’appelle à le rejoindre.

Cette conception, ne serait-ce pas un souci voisin du désir de transcendance que bien des non-croyants repèrent en l’Homme et que des scientifiques abordent également comme l’une de nos capacités cérébrales, la plus récente avec la capacité de l’amour et le goût du beau ?  La transcendance dans un monde partiellement spirituel, ou encore l’idéal dans un monde éthique et fraternel à bâtir : des notions a-religieuses assez proches de notions religieuses, ce qui leur permet de dialoguer dans une langue cousine avec les  croyants qui qualifient leur Dieu de qodesh.

 

 

*11 Une notion religieuse métamorphosée avec ce que les Evangiles nous ont transmis de  Jésus

 

Avoir élucidé ce que recouvre les termes hébreux  qodesh et qadash redonne leur sens aux termes français qui les traduisent habituellement : saint ou sacré et leurs verbes  dérivés, sanctifier ou consacrer, rendre saint, rendre sacré un objet, un lieu, une personne.  ,

L’idée était en fait que le Dieu  hébreu est par essence  à part (qodesh) de tout ce qui est fini et appartient donc au monde profane. Paradoxalement,  il est néanmoins proche des hommes ; des rites peuvent séparer une partie de ce monde profane pour la rendre qodesh et permettre ainsi, à différents niveaux codifiés, à certains êtres (clergé ou orants), à certains objets (offrandes, prières, ustensiles, lieux) de dépasser, à certains moments, la séparation.

 

 

Certes, l’Homme d’aujourd’hui porte en lui depuis des millénaires l’instinct vital, et donc  ce désir du « mieux » matériel aussi bien que spirituel, mais certains « prophètes »  du peuple hébreu avaient mis très haut la barre.

Ils étaient déjà conscients qu’un être digne d’être un dieu  ne pouvait qu’être radicalement différent de l’Homme, et déjà conscients qu’il avait peut-être mis en eux  un peu de son être (étaient-ils donc qodesh en cela eux aussi  et ainsi rendus capables en ce point commun d’envisager  son être ?)

A l’image, à la ressemblance de Dieu (autant que faire se peut).

Dans cette prise de conscience de la distance et dans ce désir de communiquer avec ce Dieu à l’existence duquel ils «croyaient ».

Ce sera, déjà dans le Tanakh,  toute cette dialectique entre un Dieu « mis à part, séparé » et un Dieu qui est pourtant un Père situé au cœur de l’Homme, un Dieu qui engendre chacun à soi-même pour lui permettre de s’approcher un peu de lui qui ne demande qu’à être proche, tenant ainsi les deux bouts de toute relation et de toute existence, d’une séparation qui permet les rapprochements. Pour reprendre la  comparaison de la relation entre le feu et l’eau, ils cessent d’être incompatibles dans leurs deux états différents : ce feu sacré et terrible devient chaleureux et tendre pour l’eau  qui peut à son tour participer du feu.

 

Les dieux étaient friands d’offrandes et  les exigeaient des Hommes.

Les Hébreux ont découvert (construit, appris) que le Dieu à part  ne pouvait être contacté, mais qu’il   pouvait lui aussi accepter certaines offrandes ; ils ont découvert que les offrandes qui lui plaisaient n’étaient ni  pour lui à strictement parler ni d’ordre matériel. Plus lui plaisait un cœur plein d’amour pour lui et pour les autres : c’est ce contact que Dieu proposait, voire exigeait.

Cependant, les évangiles n’utilisent pas cette notion une seule  fois. Jésus ne semble pas avoir considéré cette notion de « sacré » comme utile ni à sa foi, ni à sa pratique religieuse, ni comme critère d’action, ni comme moyen, ni pour lui, ni pour les autres…

Le rideau séparant le profane du sacré s’est déchiré, le sabbat est au service de l’Homme, notre Père est en nous comme au ciel.

L’Evangile montre que, apparemment, Jésus a découvert que le Dieu à part  est  aussi  un Dieu au cœur de tout : c’est un autre de ses états, et c’est en cela également  qu’il est à part de nous, qu’il est le Tout Autre.

 

* Ouverture finale

 

La photo de ma grand-mère n’est pas un simple carré coloré de papier

Un drapeau  n’est  plus un morceau de tissu.

L’eau  dans le bénitier n’est plus un simple liquide.

La place donnée au sacré (religieux comme profane) est donc très significative :   faisant  référence à une notion abstraite, épurée, elle manifeste un état d’esprit et des valeurs  à travers des codes et des moyens concrets. En religion, également, si ce n’est qu’en plus la place donnée au sacré construit généralement une certaine théologie et motive une certaine pastorale, tout en prétendant relever  et découler de ce sacré qui serait défini par la divinité.

Selon nous, en réalité, le sacré est défini par l’Homme qui est porté par un élan vital à dépasser ce qui lui semble simplement  de son niveau : comme on le lit parfois, il a en lui plus grand que lui.

 

Qui donc a le goût de la sacralité , et le besoin du sacré (verbe mis au passif car c’est bien l’Homme qui le crée)  pour entrer en relation avec le divin sous la supposition d’une personne ?

Peut-être ceux qui ne croient pas qu’il est le Tout Autre, essaient-ils  de faire comme ils le feraient avec un autre être, plus puissant, qu’ils honoreraient ou à qui ils essaieraient de plaire en sélectionnant des éléments de leur propre environnement censés lui plaire ? Certes, ils s’essaient  à une théologie la plus épurée possible en évoquant un être le plus possible « autre »… mais  cette tentative ne peut réussir par définition : il est créé par eux, consciemment ou inconsciemment, qu’ils le veuillent ou non.

 

Mais si quelqu’un a compris que tel système de choses sacrées n’a pas été défini par la divinité, mais a été  présenté par certains comme ayant censément prise sur lui, il peut enseigner à ceux qui l’écoutent de ne pas se satisfaire d’une relation limitée par un Temple,  dans un endroit ou par des  médias  et des trocs sacrificiels, bref de ne pas s’enfermer dans des affirmations humaines qui sont peut-être des leurres.

Ce qui serait  demandé alors serait l’essentiel : être nous aussi esprit, pneuma, élan, en esprit et en vérité, si nous nous sommes plongés en ce qui nous fera grandir.

 

 

 

Marguerite Champeaux-Rousselot, 2021-02-07

[1] https://recherches-entrecroisees.net/2023/04/24/lepitre-aux-hebreux-un-texte-complexe-source-derreurs-sil-nest-pas-contextualise/

[2] Exemple : https://www.dieumaintenant.com/eclairagecritique.html

[3] https://recherches-entrecroisees.net/wp-content/uploads/2019/04/breve_histoire_liturgie_catholique_mcr_2019-1.pdf

[4] On pense à la clé de Barbe-Bleue.

[5]

[6] Thème bien étudié aussi par les Grecs dans certains de leurs récits  (Zeus et Sémélé, Aphrodite et Anchise) où les dieux sont bien souvent très anthropomorphes…

[7] ou « un signe auquel on connaîtra que moi je suis l’Eternel qui vous « sépare qodash » vous. ».

[8] Le mot Tz’vaoth (Sabaoth) signifie plus que « armées » : il désigne les armées célestes, qui exécutent ses ordres pour entre autres les armées, mais surtout gouverner l’univers et toutes ses multitudes organisées.

[9] Ce terme d’origine grecque signifie  « brûlé tout entier  »

[10] Il est difficile de dater les textes de l’Ancien Testament. Mais nous pouvons quand même affirmer précisément qu’il n’y a pas eu de changement important dans la sémantique de ces deux termes. Il n’en aurait pas été de même par exemple si nous avions dû étudier ce qui concernait les anges ou la mort.

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