Même si on a longtemps cru que la Genèse comme tout le Pentateuque avait été écrit par Moïse, la Genèse a été écrite au moment de l’Exil, au VIème siècle, et c’est le fruit de deux courants qui ont été synthétisés : d’où par exemple les deux récits de la création de l’homme et de la femme, ce qui nous intéresse ici, et d’où certaines intentions pédagogiques du texte. Ainsi, à l’époque de son écriture, une monogamie comme celle par exemple du XVII° siècle catholique français n’existait pas : la polygamie avec ses variantes ( épouse en titre, épouses de second rang, concubines, etc.) était banale mais impliquait qu’on ne devait pas répudier les femmes antérieures, ( ce qui les aurait mises dans des situations épouvantables). On vivait donc ainsi la fidélité envers « la femme de sa jeunesse » et les autres même si une plus jeune, plus riche, ou supposée plus féconde arrivait. La femme n’avait aucun droit à une autre fidélité de la part de son mari. Etre le mari d’une seule femme était l’exception, notable, mais des courants commençaient à se faire jour pour dire que la monogamie absolue était un idéal et pouvait être envisageable : ce ne fut jamais une obligation, sachant que, à la suite d’une longue évolution, la polygamie juive n’a été officiellement abolie qu’au VIème siècle après J.-C. Jésus a donc connu ces débats et l’on connaissait probablement ses opinions à ce sujet. Dès sa mort, les premiers textes chrétiens montrent qu’on a, aussi vite que possible mais de façon progressive et non traumatisante, entrepris parallèlement d’une part de supprimer la polygamie païenne ou juive chez les convertis, et qu’on a fait de la monogamie une des conditions nécessaires pour être responsable dans les Eglises chrétiennes ou pour les baptisés célibataires, et d’autre part qu’on a porté une très grande attention à l’égalité entre les individus, hommes et femmes, libres et esclaves etc. Même sans lire les Evangiles, on pourrait donc en déduire que Jésus était appartenait certainement au courant qui penchait pour l’égalité de valeur et de droits entre hommes et femmes, la monogamie et la fidélité réciproques.
Il est donc intéressant de lire le texte hébreu et d’en donner une traduction précise, sachant l’importance que la lecture juive donne à chaque mot, voire à chaque lettre : c’est ce texte que Jésus connaissait par cœur.
Sa traduction en grec qui a abouti à la Septante, vers le IIIème siècle est également intéressante puisqu’il y a un décalage de plusieurs siècles avec l’hébreux et que les différences dans la traduction seront peut-être signifiantes de ces évolutions sociales et religieuses par exemple. Elle a connu des versions différentes, même si l’une d’entre elles est la plus souvent utilisée. Jésus en connaissait peut-être une version car elle était très répandue.
Tout comme Paul, les Evangélistes et d’autres qui ont écrit en grec, la connaissaient également. Il serait intéressant de voir ce que ces derniers en ont retenu pour le citer, ce qu’ils disent que Jésus en a cité, et ce qu’il a peut-être cité en grec, en hébreu ou en araméen).
Ce texte de la Genèse ne se voulait pas scientifique, même à l’époque, et c’est pourquoi les Juifs ont laissé les contradictions sans essayer de les masquer en modifiant les textes. Il est d’ailleurs fréquent que la Genèse ne soit pas placée au début de la Bible des Juifs.
Les contradictions sautent aux yeux si on lit les deux premiers chapitres de la Genèse d’affilée. Néanmoins, il est riche de sens religieux et social, encore plus riche que si c’était un texte artificiellement asséché et limité au « connu », sur lequel aucune interprétation n’aurait plus à s’exprimer : cela n’irait pas loin !!
C’est un texte à lire en cherchant les intentions des auteurs.
Chacun de nous peut essayer, empathiquement, de sentir comment les Juifs, hommes et femmes, le comprenaient, et comment Jésus a pu l’entendre expliqué à son époque.
Les évangélistes et Paul montrent aussi Jésus évoquant ce texte : il est intéressant d’analyser sa vision subjective pour comprendre ses opinions à ce sujet : c’est l’objet d’un autre article.
Enfin, nous devons essayer, empathiquement, de sentir comme les autres religions, les constitutions laïques des pays du monde, les athées, voient ce texte, pour tenter d’en avoir une compréhension plus ouverte si nous sommes trop imprégnés de siècles de lecture religieuse, certes, mais ajoutée peut-être à tort…
Les deux mises par écrit des premiers chapitres de la Genèse ont eu lieu à peu près au même moment et avec le même vocabulaire : on peut donc les étudier ensemble assez facilement. Dans la Bible, les deux récits de la création ne sont pas deux blocs successifs, ils s’interpénètrent et alternent en désordre : les exégètes les identifient de mieux en mieux, mais ici peu nous importe… parce que les Juifs ne s’occupaient pas de cette question de datation pour lire la Bible, et parce que, par conséquent, ce n’est pas celle qui intéressera Jésus, comme on le verra. Le récit en focalisation externe ( sans commentaire personnel ) est parfois coupé d’un commentaire personnel de l’auteur qui parfois conclut en révélant ainsi indirectement le but de sa narration. Ici, les deux récits de la création de l’homme et de la femme ont pour but de raconter le pourquoi de la loi du désir humain, moteur positif.
Premier récit de la création de l’Homme, en Genèse 1
Le premier récit de la création de l’homme est très bref.
Dieu fait la terre et l’eau, les plantes et les animaux etc. sans autre précision,
Puis il dit ( 1, 26 ) « faisons ( accomplissons avec une notion de travail ) l’Humain » ( = adamah) .
– Dieu songe à le faire « en forme d’image » ( = en hébreu, littéralement, en forme d’image de nous, le mot image étant étymologiquement proche de l’illusion formelle et aussi de idole ) selon une similitude à nous » « et qu’ils dominent toute la terre » … Ce dernier verbe est au pluriel en hébreu c’est bien de l’espèce humaine qu’il s’agit : dès le début, Dieu songe à eux comme à un pluriel. Ici, Dieu veut-il dire que, comme l’Homme lui ressemblera, il pourra lui aussi dominer la terre, ou qu’il a comme projet que la ressemblance porte seulement sur la domination ou aussi sur l’apparence et l’être de cet homme ?
– Et ( 1,27) « Dieu créa ( verbe différent, parent de couper, construire, ) l’Humain à sa propre image » ( même mot que ci-dessus). Ici, ensuite, le scripteur intervient pour répéter la même chose avec différents accents : « A l’image de Dieu, il les créa » : on ne sait pas qui sont « les » et cela signifie que l’Humain, l’Homme est un nom abstrait et collectif. On pourrait tout à fait nier, dans cette version, que le scripteur ait considéré comme un fait établi que Dieu n’a créé qu’un seul exemplaire unique de cet Adamah. On pourrait tout aussi bien le comprendre sémantiquement par les Hommes, d’autant que dire cela clairement aurait évité bien des discussions oiseuses sur nos deux ancêtres et leur famille d’enfants incestueux. L’auteur reprend, encore avec le même verbe et le complément au pluriel : « mâle et femelle il les créa » : le grec a traduit par un adjectif au neutre « chose mâle et chose femelle » : ces deux mots hébreux ( noms et adjectifs tous deux ) spécifiant le mâle et la femelle ont des formes sans aucun rapport, le premier venant peut-être d’une étymologie qui évoque la pointe et le second d’un adjectif signifiant « perforée ». Dans cette civilisation d’éleveurs, les agriculteurs connaissent le désir qui unit les animaux donc ces termes sous-entendent le désir de l’homme et de la femme, et leur fécondité. Ces deux termes biologiques relevant de l’instinct n’apparaissent pas dans le second récit de la Création de l’homme et de la femme. La phrase ici « Il les créa chose mâle et chose femelle » signifie tout autre chose que celles qu’on aurait pu écrire comme
– « il créa les hommes et les femmes » en tant qu’espèces séparées
– « il créa l’Homme, êtres vivants mâles et femelles
– « il créa les hommes mâles et les femmes femelles » etc.
Dans la phrase « il les créa chose mâle et chose femelle », il y a ici implicitement référence à la sexualité et au désir qui existe entre du mâle et du femelle, du masculin et du féminin.
Ce verset 27 par la tonalité lyrique et persuasive de sa répétition sort du récit plat et a valeur de conclusion : l’Homme, créé par Dieu à son image et à sa ressemblance, pour jardiner et dominer la terre, et il en est de mâles et de femelles : tous, mâles comme femelles, sont donc à son image et à sa ressemblance.
Dans ce récit les mots « homme » et « femme » n’apparaissent pas, pas plus que la notion de mari et de femme, de couple ou de mariage.
Ces différents coups de projecteur mettent hommes et femmes à égalité tous deux, et tous comme images de Dieu, conçus ainsi d’emblée comme tels.
Dieu les bénit et leur donne la Terre, leur dit d’être féconds, de se multiplier et de remplir la terre, de la dominer, de s’en nourrir et il donne des règles. Fin du 6° jour.
Le second récit de la création de l’Homme ( en Genèse 2) commence plus loin.
| Le scripteur ne fait pas de retour arrière, et fait à peu près comme s’il n’y avait pas eu le premier récit : il raconte ce que fait Dieu, et le premier emploi du mot Homme est pour signaler qu’il est absent : la terre était un jardin mais « il n’y avait pas d’Humain pour la travailler » ( adam N° 120 Strong אָדָם = Humain ) Le terme adam ( 120) signifie en effet l’Humain, l’Homme en général, et c’est seulement par suite qu’il deviendra le nom propre du fondateur éponyme symbolique de l’Humanité, Adam. Donc ici, quand c’est le terme N° 120, nous garderons la traduction « l’Humain » pour plus de clarté, car le nom propre d’un homme précis n’arrivant qu’au chapitre 3 de la Genèse et ce sera alors Adam ( N°120 également ). |
Une source arrose la terre.
Puis, sans autre explication, il est écrit tout à coup : (2,7[2]) : « il façonna l’Humain (adam N° 120 Strong) de la poussière/terre sèche ( N°6083 Strong ) de la terre rouge desséchée ( adamah N°127 Strong אֲדָמָה ».
Le terme adamah ( 127 ) est ou qualifie la terre rougeâtre, sèche et non pas humide, et même des débris, des ordures, de la poussière …
Le verbe évoque le travail du potier, mais on peut noter que Dieu façonne à partir de débris provenant de la terre, ce qui ne l’empêche pas de modeler.
– Après quoi, « Dieu lui insuffle son souffle de vie ( ou vivant) dans les narines, et l’être vivant ( N° 5315 et N° 2416 Strong ) devint l’Humain ( N° 120 Adam »[3] : cet être vivant a donc en lui un peu du souffle de la vie de Dieu, c’est ce qui en fait l’Humain, et c’est ce qui en fera ( voir plus loin ) sa spécificité par rapport aux animaux.
Cette métaphore, qui correspond à plusieurs récits de création/animation/magie du bassin méditerranéen[4], a entre autres un but étiologique, celui d’expliquer pourquoi adam au temps du scripteur sera le prénom emblématique du premier Humain
Dieu lui plante ensuite un jardin en Eden, à cultiver et garder, et pour s’en nourrir (avec interdiction portant sur un seul arbre, celui de la connaissance du bien et du mal, sous peine de mourir le jour-même) ; l’homme y travaille.
Tout pourrait aller bien, mais Dieu dit ( 2,18) avec amour pour sa créature : « il est pas agréable/beau/joyeux/bon que l’Humain ( N°120 Strong adam ) soit seul/à part » : peut-on dire que Dieu, lui, supporte sa solitude car il est seul ou en fait n’est pas seul ? En tout cas, pour l’Humain, Dieu pense que ce n’est pas ce qui est le meilleur.
Il dit alors « je vais accomplir » ( même verbe que pour le projet de créer l’Humain à sa ressemblance ) « pour lui un secours » ( ezer N° 5828, עֵ֫זֶר : ce dernier mot n’est pas sexué en hébreu. Ezer signifie le secours, l’aide : il ne faut pas considérer que c’est une aide facultative, de second rang, puisque ce mot est employé pour demander son appui à Dieu quand on va couler ou qu’on est perdu : plus même, la Bible nomme « ‘ezer », le secours pour autrui, mais ce terme qui n’est employé que 21 fois, n’est attribué qu’à Dieu et à la première femme créée à partir de l’Humain ( à part deux emplois ) … Cela redonne donc à la femme toute sa dignité, souvent mise à mal par l’androcentrisme de certains traditionalistes. Nous pourrions être tentés de dire u’il y a égalité entre les deux .. mais .. ce serait justement tomber dans une certaine erreur .
En effet, il n’y pas encore les deux sexes dans ce texte.
Or cet Ezer est caractérisé par une expression qui signifie l’égalité, une préposition qui signifie « en face, qui correspond » et qui ne porte pas la marque du genre non plus : « aide/secours qui lui corresponde/ qui soit en face ». Certes, cette aide, ce secours ne lui seront pas inférieurs, au contraire puisque ils sont, mais sans cet Ezer, sans ce secours, sans cette aide, l’Humain ( asexué ou bissexué comme on veut ) serait impuissant dans la tâche qui lui est assignée. Autrement dit, en dehors de toute question de sexualité, ce dont l’Humain a besoin c’est du principe même de l’aide, de l’entraide, du secours …
On peut donc se demander si c’est seulement pour travailler le jardin, comme le laisse croire le mot qui a un sens matériel ou pour faire cesser sa solitude ( cf. Gen 2, 18) et tout ce qu’elle implique ?
Dieu a alors ( Gen, 2,19) façonné des animaux avec de la terre ( adamah, N° 127 ) là encore : pour ceux-ci, le verbe façonner est également le même que pour l’homme, et ils sont aussi faits à partir de la même terre, adamah, mais, première différence avec l’Homme, on ne parle plus de poussière, de débris ; ils sont qualifiés eux aussi, comme Adam lorsqu’il est créé, de la même façon et par les mêmes mots, « d’êtres vivants ». La seconde différence, et probablement la principale, entre l’être fait d’adamah, l’Humain, et les animaux est qu’il n’est pas dit qu’ils ont en eux le souffle de la vie de Dieu, mais sait-il en quoi il est privilégié ? Il ne le sait peut-être pas, mais le scripteur va montrer que l’Humain sent en tout cas cette différence.
En effet, alors que Dieu lui a présenté chaque animal, que l’Humain leur a donné un nom, – on sait l’importance de cette validation quasiment générative de l’être – il n’a vibré pour aucun : ce n’était pas ça… « Mais, pour l’Humain, il ne fut pas trouvé d’aide/de secours semblable à lui » : la tournure semble indiquer que Dieu constate qu’il ne trouve pas d’être vivant qui corresponde à l’Humain, comme s’il attendait la réaction de l’Humian pour le savoir, comme s’il le testait.
Le scripteur aurait pu décrire Dieu en train de créer, de façon similaire aux autres animaux, un autre Humain tout semblable au premier avant de les faire se rencontrer, mais cela aurait été le même lien que pour tout animal, et ce lien n’aurait pas insisté sur l’antériorité du lien qui existait entre eux avant même leur rencontre ; il aurait même pu décrire Dieu soufflant pour la seconde fois à ce second être vivant également dans les narines pour le faire devenir Humain, afin que l’Humain rencontre réellement son semblable ou son complémentaire pour l’aider et être fécond, mais cela n’aurait pas montré la nature unique du lien complémentaire, similaire et égal qui existait entre eux : le manque, le désir instinctif, le don réciproque etc. Comme le scripteur souhaitait montrer avant tout la force du lien d’attraction qui va être entre eux et sa nature de composante essentielle de chacun des deux, il lui faut imaginer un scénario différent de la juxtaposition d’éléments similaires. Comme ce scripteur hébreu pense que seul de l’Humain peut faire cesser la solitude de l’Humain, il va narrer un processus métaphorique d’un grand intérêt. Il va utiliser un système qui fait que ce sera tout à fait ce qui plaira à l’homme comme quelque chose d’identique ; il va faire quelque chose qui sera différent et complémentaire : l’attraction sera irrésistible et la solitude cessera.
« Alors Dieu fit tomber l’Humain dans un profond sommeil et l’endormit ; puis il prit un de ses côtés » : le terme hébreu, souvent traduit par « côte », évoque dans la plupart des autres textes le côté, le flanc ( d’une colline, d’une maison … ) et très rarement un des os costaux.
« et il referma bien la chair par en dessous ou à cette place » : les trois derniers mots français font un seul mot en hébreu mais en fait en fait c’est un hapax… et il est donc presque impossible de savoir le sens de ce mot ( 2,21). La chair, basar, est à entendre comme la totalité de l’être dans sa visibilité extérieure ou encore comme ce qui se révèle derrière le voile du corps, mais, à l’époque surtout, ce terme concerne en hébreu surtout le corps lui-même avec ses aspects très matériels et sensibles : ici, cette chair extraite d’Humain contient le souffle de Dieu, et elle est donc différente de celle des animaux.
Gen, 2, 22 Après quoi, de cette côte/du côté qu’il avait prise/pris à l’Humain ( adam 120 ) , il construisit : le verbe évoque bien une construction : ce n’est plus de la poussière ou de l’argile informe qu’il a pris, mais il disposait d’un bloc de matière structuré et la préposition indique la direction, le but de son action. Il consrtuisit une femme ( N° 802 ischah נָשִׁים racine sémitique = pronom 2° personne du sg= tu, être de relation ) : une femme ; le mot femme est bien là, pour la première fois : la femme ne vient pas de la poussière sèche informe et modelée néanmoins par Dieu, mais directement d’un corps déjà animé par Dieu, et dans l’esprit du scripteur qui écrit le texte, c’est lui, Dieu, qui « dit » ou « emploie » ce mot pour la première fois ( contrairement à ce qu’on lit ou dit souvent ) puisque l’Humain devenu homme dort encore, tout inconscient de ce qui s’est passé en lui.
Puis Dieu Gen 2,22 « la conduisit à l’Humain » ( adam N° 120 ) à celui qui dormait encore d’un sommeil d’Humain : ce n’est pas vers un mâle qu’il conduit la femme, mais vers l’Humain…
Une fois qu’il s’est réveillé, cet Humain n’était plus le même Humain, même s’il en était encore inconscient, mais bien différent, et le scripteur déclare que, dès que l’Humain réveillé a vu en face de lui cet être tu , il a senti que c’était un être vivant différent des autres êtres vivants qu’il avait vus et nommés avant, et qu’il ne provenait pas uniquement de la terre comme les animaux. Alors qu’il n’avait reconnu aucun des autres animaux comme semblable à lui, il reconnaît immédiatement, intuitivement, qu’elle a été « prise » sur sa chair et peut dire en la voyant (2,23) : « Cette fois, c’est (de) la substance de ma substance (ou « de l’os de mes os », ou « de la substance venant de ma vraie substance, de mes vrais os ) et (de) la chair provenant de ma chair ». Il faut noter l’aspect très concret de cette expression qui n’insiste pas sur la beauté, sur la gentillesse, sur la serviabilité, la force etc., mais sur la nature identique des deux : les termes évoquent la nature unique de cette matière humaine qui est enrichie de façon unique par rapport aux autres êtres vivants, étant la seule à contenir dès sa création un peu du souffle de Dieu : peut-on en conclure que le scripteur pense que le secours qui convient doit aussi le secourir et l’aider (au sens le plus noble et le plus étendu ) non seulement au plan matériel, mais aussi sur les plan symbolisés par le souffle de Dieu qu’ils ont dans leur être profond ?
Le scripteur continue sa mise en images des réalités les plus structurantes de l’humanité L’ancien Humain, tout seul, trop « seul » sort d’une généralité abstraite (l’humanité ) qui tue la personnalité et n’est pas féconde, une fois que Dieu a tiré de lui, de sa propre substance animée par Dieu, et non de la terre inerte, un secours/une aide qu’il a en face de lui : il est écrit dans la seconde partie de ce verset 23 :
Et l’Humain ( adam , N°12°) dit : Ceci ( N° 2063) est os de mes os et chair de ma chair. Ceci ( N° 2063) sera appelée famme (ishshah N° 802 נָשִׁים ) parce qu’elle ( 2062) a été prise hors de l’homme mâle ( ish N° 376)
« C’est pourquoi celle-ci sera appelée femme (ishshah N°802 ) , parce que c’est de la chair même de l’homme-mâle ( ish) qu’a été prise celle-ci. » Le scripteur n’avait pas encore utilisé le mot homme- mâle, ( ish) et il montre par cette exclamation qu’il prête à l’homme-mâle que celui-ci trouve soudain enfin son identité propre et se déclare en fait (devenu) un « homme-mâle », du simple fait qu’on a tiré de lui un côté que Dieu a construit en « femme » : c’est cette attirance créée par Dieu qui le fait homme-mâle devant une femme[5].
Cette phrase intervient ici un peu comme en 1,27, pour insister, mais ici grâce à l’étymologie et non grâce à une répétition, sur leur nature identique : en hébreu le mot ishshah, femme/femelle, féminin, (ishshah ) fait la paire avec le mot ish, masculin, à qui il ressemble beaucoup. On peut noter que ish signifie « homme-mâle » tandis que ishshah signifie « femme-femelle » et que ni l’un ni l’autre ne signifient (sauf rarement quand le contexte exige ou permet de le préciser) « mari/époux » et « femme/épouse ». Ce n’est donc pas ici le sens mari/épouse, mais l’opposition homme/femme, mâle/femelle, masculin/féminin en général.
Le verset 24 peut être traduit ainsi : « A cause de cela, l’homme-mâle ( ish N° 376 ) abandonnera son père et sa mère, il poursuivra/s’accrochera à la femme/femelle ( ishshah N° 802 ) , et ils deviendront une seule chair »
Cette phrase ( C’est pourquoi etc. ) pourrait être prononcée par l’Humain qui aurait enfin trouvé sa semblable, la reconnaîtrait et, comme il l’a fait pour les animaux, nommerait la « femme » en même temps que lui-même. Mais le scripteur ne l’aurait-il pas alors fait ainsi parler : « Je l’appelle femelle parce qu’elle a été tirée de moi mâle » ? On peut penser également que c’est un commentaire du scripteur comme en Gen, 1, 27. En effet, 1°) le verbe est au futur comme si le mâle tout neuf prophétisait, ce qui serait une incohérence dans le discours de ce mâle 2°) le mâle parle de lui à la 3° personne : incohérence d’énonciation et de tonalité 3°) le mot « mâle » n’avait pas encore été prononcé par cet être à son propre sujet 4°) la tonalité irait bien avec le verset suivant qui ne peut être pris pour une phrase prononcée par le mâle qui n’est pas connu comme prophète et n’a pas encore de… parents ni de vécu social.
L’énonciation, au verset 24, est en effet au futur et, comme le connecteur logique qui introduit ce verset montre que ce qui le précède était une explication, les versets 24 et 25 seront les conclusions de l’histoire racontée : c’est donc le scripteur qui intervient de nouveau ( comme auparavant ) pour commenter la narration : « Ainsi à cause de cela, un mâle (ish) quittera son père et sa mère, il poursuivra/s’accrochera à la/sa femelle (ishshah ), et ils deviendront une seule chair/une chair une ».
Il est intéressant de constater que c’est l’homme ( ish, l’être masculin) qui est dit quitter son père et sa mère alors que c’était plus souvent la femme ( mineure) qui quittait ses parents, mais elle entrait ( toujours mineure) dans le foyer de son nouveau mari qui devait assurer sa subsistance en échange de son aide et de sa fécondité.
24 « Ainsi à cause de cela… » : le « cela » est peut-être l’histoire du manque, c’est-à-dire de qui a été pris à l’homme mais qui lui donne tant de joie lorsqu’il trouve « sa » femme … Ce « cela » ne fait pas que conclure la phrase qui précède immédiatement, mais conclut probablement toute l’histoire de la création de l’homme et de la femme depuis la première fois où Dieu nomme cet être : « il n’est pas bon que l’Humain soit seul », et même, auparavant, depuis qu’il a décidé de créer un « être vivant à son image et à sa ressemblance pour dominer et se servir de la terre ». Ce « cela » est en tout cas ce qui est moteur pour ce départ du mâle qui « abandonne son père et sa mère » : au lieu d’avoir dit ses parents ou sa famille, le scripteur insiste sur ces liens relationnels dont il faut se défaire pour en créer d’autres. Le verbe abandonner ( azab, 5800), un terme très fort, montre que c’était probablement nécessaire pour donner leur liberté aux jeunes adultes et aux couples, nécessaire surtout pour ces sociétés où étaient respectés et obéis les anciens, patriarches de la famille, et les mères juives si proches. Une fois qu’on a quitté ses parents, on est adulte, on peut trouver son semblable.
Cette brève allusion aux lois de base (chercher sa femme en dehors de sa famille trop proche et éviter l’inceste) les subordonne au désir du mâle ( N° 376 Ish ) adulte, qui atteint son but lorsqu’il trouve enfin son conjoint. Le verbe hébreu en Gen 2, 24 est éclairé par les 54 autres occurrences où il apparaît[6] avec les sens coller, accrocher, attacher[7] : c’est donc une affaire de relation. Ce verbe a un sens très fort et, selon qu’on subit ou qu’on veut la chose, il implique ou bien que ce soit malgré soi, ou bien que ce soit de toutes ses forces ou malgré toutes les difficultés qu’on a pu avoir ou qu’on aura. Il est donc l’opposé de l’action de Dieu qui a pris un côté de l’Humain endormi : c’est un peu comme si chaque Humain partait à la recherche de ce qui comblera son manque. C’est l’homme ( ish ) qui poursuivra donc la femme (ishshah ) : certes elle n’a pas « voix au chapitre » et c’est toute l’éducation à la pudeur et à la soumission qui est rappelée là encore, et c’est le mâle désirant qui va demander la femelle à son père, et non l’inverse . Ce verbe évoque une attirance presque irrépressible du mâle vers une femme qui deviendra sa femme : c’est la situation du mâle que décrit ici le scripteur. Une fois de plus, le scripteur semble avoir oublié de mentionner la femme : elle n’était toujours pas au temps de Jésus mentionnée dans les textes, ni comptée. Mais peut-être peut-on aussi avoir une interprétation plus positive en y lisant que la femme est désirée par l’homme ? D’autres retourneront cette position infériorisante du mâle soumis à ses passions en disant que la femme est une tentatrice trop puissante dont il faudra se méfier. Ce verbe en tout cas s’oppose au précédent « abandonner » et ne signifie pas « s’unir » qui viendra juste après.
Enfin, si on se reporte à l’époque des scripteurs comme à l’époque qu’ils souhaitent évoquer, même si nous avons peu l’habitude d’évoquer cela, on peut noter que l’hébreu n’a pas dit : « A cause de cela, le mâle abandonnera son père et sa mère, il poursuivra/s’accrochera à une seule femme qui deviendra sa femme, et ils deviendront une seule chair » : le texte n’insistant pas sur le caractère unique de la femme à trouver, le cadre polygamique n’est pas remis en cause et le mari peut avoir plusieurs « femmes de lui » : c’est bien l’attirance sexuelle qui est expliquée par la Genèse.
Le scripteur hébreu aurait pu écrire « ils seront une seule chair » ou « ils s’uniront » mais il a choisi le verbe « devenir » qui implique probablement, avec son sujet pluriel, une action commune du couple. Le mot « chair » est très concret, et reprend l’expression de l’homme devant sa femme : la chair de l’homme contient aussi l’esprit de Dieu. Le chiffre « un » est interprété de plusieurs façons : 1°) certains commentaires rabbiniques disent que ce la fait allusion au fait qu’ils feront alors un enfant, 2°) le scripteur veut-il indiquer que, de nouveau l’homme et la femme deviendront alors un seul être unique, c’est-à-dire qu’ils refont l’Humain originel, complet avant leur séparation ? cette interprétation est celle, par exemple, de Rabba quiexplique que l’Humain a d’abord été créé androgyne[8] puis séparé en deux créatures distinctes[9] et il est vrai qu’il y a quelques appuis dans l’histoire des textes et dans le texte lui-même ou 3°) ils deviendront alors une seule chair ( = un seul être vivant ) au sens où nous employons cette expression pour indiquer l’acte de s’unir physiquement.
On voit dans le texte que si les animaux eux aussi se multiplient et donc s’unissent, il n’y a aucune précision parallèle les concernant : la différence dont tout découle est qu’ils n’ont pas la même histoire : Dieu ayant souhaité faire un être à son image et à sa ressemblance, l’ayant fait à partir de la « poussière » et de son souffle, et l’ayant partagé plutôt que d’en refaire un à neuf. Les animaux ne sont pas mentionnés dans leur différence sexuelle : sauf cas exceptionnels, un animal mêle ou femelle peut s’unir à qui l’a engendré, le mâle est attiré par n’importe quelle femelle qui n’est pas « sa femme » ( sauf exception), et ne sera pas plus uni à elle que le temps d’une fécondation ( et de l’élevage des petits parfois ) : malgré des points communs entre les être vivants sexués, la relation entre les deux sexes des animaux est donc bien différente de ce qui attache hommes et femmes : l’expression « c’est pourquoi » ou « à cause de cela » qui introduit ce verset représente tout ce processus créateur qui implique aussi la ressemblance à Dieu ( ce qui n’est pas le cas des animaux ).
Les trois verbes de ce commentaire sont au futur : ils constatent le processus enclenché par cette séparation qui sera motrice de retrouvailles. On peut y discerner les causes de désirs innés auxquels il est inévitable d’obéir si on y est soumis et les lois naturelles qui permettent à l’espèce humaine de se multiplier et de soumettre la terre pour y vivre, ainsi que Dieu l’a voulu.
L’ordre de ces trois actions, s’il faut en chercher un, et le futur relèveraient d’une logique chronologique humaine qui marque des étapes relationnelles à respecter autant que faire se peut. Mais même si on dépasse les sens sexuels communs avec les animaux pour aller vers des notions plus humaines comme les notions affectives, on peut remarquer que le commentateur du Vème siècle se garde bien d’employer le mot de mariage, de promesse etc. et d’y faire intervenir Dieu comme garant ou modèle relationnel, alors qu’il disposait là d’un champ formidable de pouvoir et d’influence à ce sujet. On peut donc supposer que ce chemin qui mène du sexuel à l’affectif voire au juridique est probablement le fruit d’une évolution des mentalités qui s’est traduit par un élargissement sémantique : le sens pour le scripteur initial a concerné d’abord la relation, mais une relation d’aide basée sur l’attirance physique et sur les fruits de la sexualité voulue par Dieu.
Après cet aboutissement, le scripteur reprend le ton du récit narratif et revient à l’époque imaginée par un détail précis destiné à bien montrer qu’on est avant toute société ( verset 25) : « Ils étaient nus tous deux, l’Humain et sa femme ; et ils n’en avaient pas honte.»
Pour désigner cet homme précis qui a jubilé devant sa femme (Isha), le scripteur n’emploie plus Ish, mais revient au terme général Adamah qui signifie l’Humain, et qui deviendra également au chapitre suivant le prénom de cet homme symbolique aussi bien que le substantif désignant l’Homme en général, femmes comprises, alors que la femme dans cette fin de chapitre sera toujours désignée par ishshah, un terme générique, son prénom Eve n’arrivant qu’en Genèse 3, 20 : un mode d’expression androcentrique. et donnera le prénom Adam aux chapitres suivants.
Cela finit le chapitre 2 puis au chapitre 3 commence l’histoire du serpent.
A la fin de ces deux premiers chapitres de la Genèse, l’Huamin a été créé, puis l’homme et la femme sont créés. Dans le premier récit, Dieu les a sexués d’emblée mais le scripteur n’en a rien fait découler explicitement ; dans le second récit, le scripteur a voulu montrer la force de leur relation, née de la reconnaissance d’un être semblable, né de la Terre et ayant en lui le souffle de Dieu : il naît alors le désir de s’unir entre êtres de nature semblable physiquement et même spirituellement. Le scripteur décrit la relation telle qu’elle doit en découler et se passe dans l’idéal à son époque pour les deux sexes : l’homme et la femme quittent chacun son père et sa mère, l’homme s’attache de toute sa force malgré les difficultés à sa femme, et ils seront tous deux une seule chair, un seul corps et esprit. Le scripteur montre l’amour de Dieu pour l’Humain en observant ses réactions avec empathie, cherche ce qui est bon pour lui : il laisse un maximum de liberté et de responsabilité à sa créature, et, à la fin, Dieu n’intervient pas du tout dans cette relation entre les êtres humains sexués, quoique ce soit lui qui ait tout prévu en faisant un Humain dont un côté pourrait s’extraire. Dans ces deux chapitres, les scripteurs hébreux montrent ce qui fonde l’intensité de la relation entre l’homme et la femme et ce qui la permet au minimum à son départ, mais ils n’ont pas « bâti » les fondations supposées d’un mariage voulu par Dieu comme monogame, indissoluble et où Dieu serait partie prenante, ni même garant.
Le texte de la Genèse est un texte fondateur, mais on a peu de textes concernant le mariage en tant que tel, lorsqu’on ne prend pas en considération les textes où le mariage et l’alliance sont pris au sens symbolique ou métaphorique entre Dieu et un peuple.
Un des rares textes qui pourra nous éclairer est celui de Malachie[10] qui, entre – 500 et – 490, confirme la colère de Dieu contre Israël et contre les sacrificateurs ou lévites qui n’ont pas respecté la loi de Dieu dans leur manière de juger : « les lèvres du sacrificateur doivent garder la science, et de sa bouche on recherche la loi; car il est le messager de l’Éternel des armées. 8 Mais vous, vous vous êtes écartés de cette voie; vous en avez fait trébucher plusieurs par votre enseignement; vous avez violé l’alliance de Lévi, dit l’Éternel des armées. » Ce qu’ils ont fait ? ( 2,9 ss) « Vous n’avez pas gardé mes voies, mais vous avez fait acception ( 5375 nasah ) des personnes dans ce qui concerne la loi » ( ou « vous avez été partiaux au tribunal, ou « vous avez égard à l’apparence des personnes quand vous interprétez la loi. » )[11] » . Par ailleurs, à cette époque, beaucoup de Juifs revenus d’exil avec une épouse juive 1°) répudiaient ces premières femmes 2°) pour épouser une femme étrangère installée là, peut-être plus riche, idolâtre en fait, et ceci se passait avec le concours des lévites qui favorisaient les puissants au détriment des faibles, la nouvelle femme favorite aux dépens de la première. Afin de dénoncer et rectifier ces injustices, le prophète intervient pour rappeler les grands enseignements de la Genèse : « Tous n’avons-nous pas un seul père ? Un seul Dieu nous a créés. Pourquoi vous conduisez-vous donc traîtreusement[12] chacun envers votre frère/sœur/semblable en profanant l’alliance de vos pères ?»[13] En fait, les catastrophes collectives qui provoquent cris et larmes sont arrivées à cause de ces fautes qui ont rompu l’alliance avec Dieu : tout cela fait que Dieu n’accepte plus les offrandes (et qu’il y a des catastrophes) puisque les sacrificateurs/ prêtres/lévites ont été compromis dans ces répudiations et dans ces mariage prohibés avec des païennes. 14[14] Les sacrificateurs s’indignent des sanctions divines, et Malachie leur répond « Et vous avez dit « A cause de quoi ? » C’est parce que l’Éternel a été témoin entre toi et la femme de ta jeunesse, que tu as traîtreusement maltraitée, bien qu’elle soit ta compagne[15] et la femme[16] par alliance[17]. » L’expression « la femme de ta jeunesse » est extrêmement forte puisque, dans un contexte de polygamie, on pouvait prendre une nouvelle femme tout en gardant la ou les femmes précédentes : la ou les renvoyer aurait été alors faire preuve d’une grande cruauté vu la position de la femme à l’époque. La fidélité à sa femme ou à ses femmes consistait pour l’homme à les conserver.
« 15[18]Et ne (les) a-t-il pas fait un et le reste de (leur) esprit pour lui ?![19] » : l’allusion à la Genèse est claire avec le mot « un », et la phrase qui suit est très belle : « le reste de leur esprit est pour Dieu » : le mot « reste » n’est pas à prendre négativement mais il est clair que Dieu accepte cette attirance sexuelle de l’homme pour la femme , et que ce qui est spirituel en eux soit pour lui .
Le scripteur continue : « Pourquoi ça ? Pour que, étant un, il ( le couple uni ) demande à Dieu une descendance et que vous soyez gardés dans votre esprit. » L’unité du couple fait qu’on a des enfants et qu’on reste dans l’unité de l’esprit conjugal.
La démonstration sur la nécessité de rester uni pour chaque couple dans un groupe polygame est faite. Le scripteur arrive à la conclusion : « vous ne devez pas vous conduire traîtreusement ( 898 ) envers la femme de votre jeunesse ! 16 parce que je hais ( le verbe est le plus fort possible ) le fait de renvoyer/ de répudier ( 7971 Schalach[20] : ici c’est un verbe ) : ce terme n’est pas équivalent à une séparation voulue des deux côtés ou à un divorce à l’amiable : le Seigneur précise la raison de sa haine pour la répudiation dans une phrase qui est difficile à traduire[21] : il hait le fait de répudier « parce que, dit le Seigneur, le Dieu d’Israël, c’est un habit qu’on met à la violence ( s.e. qu’on exerce envers la femme abandonnée ) » ou bien « parce que la violence recouvre l’habit ( s.e. de celui qui répudie ) » : cette métaphore évoque le contraste entre ce que subit la femme victime d’une répudiation dans ce cas et l’apparence religieusement légale qu’on donne à cette répudiation. La dernière proposition conclut donc en revenant au thème de l’alliance rompue unilatéralement dans l’inégalité. « Donc gardez cela dans votre esprit, et ne vous conduisez pas traîtreusement ( 898 bagad)[22].» C’est la traîtrise du mari et l’inégalité qui sont détestées par Dieu et non une relation honnête et égalitaire ; c’est celui qui est injuste et hypocrite qui est accusé par Dieu, et non les deux protagonistes : ce que hait Dieu, c’est la répudiation ou le divorce imposés à un innocent, dans un but égoïste ( par exemple épouser une autre femme), sans raison valable, avec une couverture prétendument légale ou religieuse, alors qu’il y a rupture d’alliance.
En lien avec ce thème de la trahison de l’alliance envers la femme, le dernier verset de ce chapitre accuse à nouveau les sacrificateurs en revenant sur le fait que Dieu aime la justice : 17 Vous fatiguez l’Éternel par vos paroles, et vous dites: « En quoi le fatiguons-nous? » C’est quand vous dites : Quiconque fait le mal est bon aux yeux de l’Éternel, et c’est en eux qu’il prend plaisir; ou bien: Où est le Dieu de la justice ? ». Le lien implicite avec les répudiations suivies de remariage est probablement que les sacrificateurs y participaient au titre de représentants de Dieu comme garants de la légalité de ces actes, et qu’une offrande de leurs mains avait sans doute lieu : la diatribe de Malachie décrypte crûment leurs actes et leurs discours hypocrites qui d’une part prétendent légaliser les mauvaises actions et d’autre part s’étonnent ensuite que le Dieu de Justice ne se manifeste pas plus… Ce verset rappelle également, volontairement ou non, l’interpellation aux mêmes sacrificateurs dans la première partie de ce chapitre : ( 2,9 ss) « ils font acception ( 5375 nasah ) des personnes en ce qui concerne la loi » alors que, rappelle Malachie, la Genèse a bien dit que tous nous avons un seul père, qu’un seul Dieu nous a tous créés, et il se demande pourquoi on trahit ses frères en profanant l’alliance conclue entre Dieu et les pères…[23] On peut faire le rapprochement avec le sujet plus précis de la répudiation et du divorce : il est certain que la position de la femme était alors facilement méprisable, et que le fait de ne pas garder l’alliance avec Dieu conduit à ne garder l’alliance ni avec nos frères, ni le mari avec sa femme. C’est un ensemble.
Ce que hait Dieu, ce n’est donc pas, contrairement aux traductions fréquentes, la séparation d’un couple ou le divorce, mais la répudiation ou le divorce unilatérale imposés à un innocent, dans un but égoïste ( par exemple épouser une autre femme), sans raison valable, avec une couverture prétendument légale ou religieuse.
On perçoit ici déjà l’évolution dans l’interprétation de la Genèse : Malachie y a décrypté l’égalité fondamentale entre hommes et femmes (« Tous n’avons-nous pas un seul père ? Un seul Dieu nous a créés. »), leur unité retrouvée dans chaque couple qui s’unit charnellement et spirituellement ( « 15[24]Et ne (les) a-t-il pas fait un et le reste de (leur) esprit pour lui ?![25] »), leur fécondité en tous domaine( « Pour que, étant un, il ( le couple uni ) demande à Dieu une descendance et que vous soyez gardés dans votre esprit. »). Malachie reconnaît la présence de Dieu lorsque l’homme s’attache à la femme, conformément à son dessein ( « l’Éternel a été témoin entre toi et la femme de ta jeunesse » ) parce qu’elle est sa « compagne[26] et (sa) femme[27] par alliance[28]», des termes qui rappelle que la femme était qualifiée d’« aide » et de semblable dans la Genèse : dans un contexte de polygamie, la fidélité de l’alliance à sa femme ou à ses femmes consistait pour l’homme à les conserver, sinon, c’est une traîtrise à l’alliance
Cette évolution se poursuit et se sent encore mieux quelques siècles après Malachie, quand, vers 270 av. J.-C. on traduisit la Bible en grec. Cette version, dite de la Septante sera retravaillée ensuite pendant plusieurs siècles. Il est intéressant, pour l’histoire des idées, de voir en quoi le texte hébreu a été légèrement modifié.
Notre étude sera plus brève que pour l’hébreu car nous ferons ici les commentaires essentiellement sur les différences car celles-ci permettent de sentir dans quel sens évoluaient alors les conceptions sur le mariage ; ce qui n’est pas spécifié a, selon nous, le même sens qu’en hébreu.
Le premier récit de la création de l’homme dans la Septante :
En 26, Dieu pense qu’il va créer « l’Homme » : la Septante ne voit pas d’intérêt à conserver le mot Adamah ( un mot hébreu qui veut dire l’Homme mais qui étymologiquement est en rapport avec la terre rouge sèche ( adamah en hébreu) et le traduit par « l’Homme » (anthrôpos ) ; il ne ressort que sous la forme du nom propre, Adam, qu’en 2, 16 lorsque Dieu lui dit de quel arbre il ne doit pas manger.
En 26 et 27, l’hébreu avait employé un verbe différent en 26 et 27 pour dire créer, mais le grec emploie le même verbe.
En 27, pour la triple répétition de « il créa », en hébreu comme en grec, les trois compléments sont tantôt au singulier, tantôt au pluriel, comme on l’a remarqué : ce jeu de pluriel montre que la Genèse n’affirmait pas que Dieu n’avait qu’un couple au départ. Il y a cependant une différence entre l’hébreu et le grec que l’on peut schématiser ainsi : en hébreu, 1 au singulier, 2+3 au pluriel ; en grec 1+2 au singulier, 3 au pluriel. L’hébreu dit ainsi « Dieu créa l’Humain » au singulier, puis « à l’image de Dieu, il les créa » au pluriel, avant même d’avoir précisé la différence des sexes : en grec, le complément est d’abord au singulier pour les deux première fois, puis passe au pluriel seulement après avoir précisé la différence des sexes : καὶ ἐποίησεν ὁ θεὸς τὸν ἄνθρωπον, κατ εἰκόνα θεοῦ ἐποίησεν αὐτόν, ἄρσεν καὶ θῆλυ ἐποίησεν αὐτούς . Sur un texte sans ambiguïté, la traduction grecque s’est permis quelque chose d’habituellement défendu . Ce jeu, trop peu remarqué et trop peu exploité, a une conséquence : le texte hébraïque insiste sur la variété des être humains qui font l’Humanité et sont tous à l’image de Dieu et semble ensuite seulement spécifier à titre particulier les deux sexualités qui font partie de ce qui est à l’image de Dieu, alors que la version grecque incite à penser que c’est l’idée abstraite de l’Homme qui est celle qui est l’image de Dieu, la précision des deux sexes semblant alors n’avoir que peu de rapport avec les deux premières.
Dans le second récit de la création de l’homme dans la Septante
4 Dans le second récit, les textes sont très semblables à part quelques nuances de taille.
– « Dieu produisit (engendra/fit naître) un souffle de vie vers le visage de celui-ci, et l’Homme, devint ( en direction de ) une âme vivante » εφύσησεν εἰς τὸ πρόσωπον αὐτοῦ πνοὴν ζωῆς, καὶ ἐγένετο ὁ ἄνθρωπος εἰς ψυχὴν ζῶσαν : contrairement à l’hébreu qui montre métaphoriquement Dieu, comme s’il était un homme, en train de souffler dans les narines de sa création, le grec s’interdit de le faire et utilise des tournures beaucoup moins charnelles et pour Dieu et pour l’Homme : Dieu ne souffle pas comme en hébreu, mais en grec il produit un souffle de vie et le dirige vers ; le grec a omis volontairement de traduire que Dieu a soufflé dans les narines de l’Homme, mais il emploie un mot qui veut dire aussi bien visage ( concret) que personne ( plus abstait ) ; l’Homme ne devient pas comme en hébreu un « être vivant », ce qui pourrait être purement matériel, mais en grec une « âme vivante ». Il semble que la Septante cherche à mettre l’accent sur l’aspect spirituel de Dieu comme de l’Homme.
Le jeu singulier/ pluriel continue en grec : lorsque l’Humain/l’Homme, encore seul, fut installé dans le jardin, « Tu peux tout manger, dit Dieu mais 17 ἀπὸ δὲ τοῦ ξύλου τοῦ γινώσκειν καλὸν καὶ πονηρόν, οὐ φάγεσθε ἀπ αὐτοῦ· ᾗ δ ἂν ἡμέρᾳ φάγητε ἀπ αὐτοῦ, θανάτῳ ἀποθανεῖσθε.» « Tu peux tout manger mais de l’arbre/du bois de la science du bien et du mal, gardez-vous d’en manger, car, le jour où vous en mangerez, vous mourrez de mort. » : il y a tutoiement et soudain là on passe au pluriel.
Cependant juste après, en 18, Dieu dit : Καὶ εἶπεν κύριος ὁ θεός Οὐ καλὸν εἶναι τὸν ἄνθρωπον μόνον· ποιήσωμεν αὐτῷ βοηθὸν κατ αὐτόν. « Puis le Seigneur dit : Il n’est pas bon que l’humain soit seul ; créons-lui un aide semblable à lui. » Vu le pluriel précédent, le monon pourrait vouloir dire «seul » de son espèce, même s’ils étaient nombreux : le texte monterait alors par exemple, que l’existence d’êtres différents avec qui on peut entrer en relation car ils nous sont suffisamment semblables, fait cesser une solitude monotone, pauvre relationnellement, et peut-être moins féconde.
Alors Dieu façonne les animaux pour voir si ainsi Adam les « adopte » (19 ) Il y a les mêmes différences entre les animaux et l’Homme qu’en hébreu : Dieu ne les façonne pas à partir de la poussière de la terre, mais seulement avec de la terre (ἐκ τῆς γῆς et non χοῦν ἀπὸ τῆς γῆς ), et c’est seulement l’Homme qui a son souffle en lui. L’hébreu et la Septante montrent bien que l’Homme et les animaux sont fait pareils au départ : ils emploient bien le même verbe pour les animaux que pour l’Homme ἔπλασεν en grec, et les animaux, comme l’Homme plus haut, sont appelés des « âmes vivantes » (ψυχὴν ζῶσαν) afin d’insister sur l’aspect spirituel ou divin de toute vie. C’est donc exactement comme en hébreu, mais avec cette dernière expression, la Septante continue à « spiritualiser » plus que l’hébreu qui était plus concret et plus simple. Dans les deux langues, la différence principale entre Adam et les animaux réside surtout dans le fait d’avoir précisé que Dieu a insufflé en lui sa vie.
Adam nomme tous les animaux mais τῷ δὲ Αδαμ οὐχ εὑρέθη βοηθὸς ὅμοιος αὐτῷ. « Mais, pour Adam, il ne fut pas trouvé d’aide semblable à lui » : la tournure en grec est semblable à celle de l’hébreu, et on voit que, comme plus haut, l’adjectif « semblable » est au masculin alors qu’il est épithète de « aide » qui en grec est ici au masculin.
Le sommeil profond hébreu dans lequel tombe Adam est pour la Septante une extase ( ἔκστασιν). Dieu prélève une partie de son corps : en hébreu et en grec le sens hésite entre « côte » et « côté » . En hébreu, l’adverbe qui suit il « referme s.e. la chair » est un hapax et peut signifier « par en dessous » ou « à la même place », ce qui fait pencher pour le fait qu’il a enlevé un côté, mais le grec traduit : il « remplit/ remplace la chair », ce qui fait pencher pour le fait qu’il lui a enlevé une côte et non un côté, le terme étant polysémique en grec ( μίαν τῶν πλευρῶν αὐτοῦ καὶ ἀνεπλήρωσεν σάρκα ἀντ αὐτῆς) : sans doute les traducteurs ont-ils été influencé par le verset 2, 23 : le même mot signifiait en hébreu os ou substance essentielle, leur choix a été de traduire par « os » en complément du mot « chair » : 23 καὶ εἶπεν Αδαμ Τοῦτο νῦν ὀστοῦν ἐκ τῶν ὀστέων μου καὶ σὰρξ ἐκ τῆς σαρκός μου· αὕτη κληθήσεται γυνή, ὅτι ἐκ τοῦ ἀνδρὸς αὐτῆς ἐλήμφθη αὕτη. « Et Adam dit : Cette fois ci maintenant, ça c’est un os provenant de mes os et une chair provenant de ma chair. ». Ce choix du grec supprime, inconsciemment ou volontairement, un des arguments textuels appuyant – même mal – l’égalité entre l’homme et la femme qui n’est plus vue comme ayant été créée sa « moitié » ou son «double ».
La suite est la même, sauf que le jeu de mot sur ishshah qui vient de ish ne peut fonctionner.
En ce qui concerne 24, le commentaire, la traduction comporte des nuances significatives que nous étudierons en allant du plus clair au plus discret : ἕνεκεν τούτου καταλείψει ἄνθρωπος τὸν πατέρα αὐτοῦ καὶ τὴν μητέρα αὐτοῦ καὶ προσκολληθήσεται πρὸς τὴν γυναῖκα αὐτοῦ, καὶ ἔσονται οἱ δύο εἰς σάρκα μίαν. « À cause de cela, l’Humain abandonnera/quittera son père et sa mère, il sera fortement attaché à sa femme à lui, et les deux seront (vers) une seule chair. » La forte insistance sur les relations entre les personnes se voit toujours aux adjectifs qui marquent d’une part la gravité de cette séparation d’avec les parents, due à l’instinct de trouver son semblable, d’autre part le désir qui presse l’homme envers sa femme .
Lorsque l’hébreu disait « ils deviendront une seule chair/une chair une », la Septante a transformé le verbe « devenir » en « être », ce qui rend instantané et radicalise ce phénomène qui serait alors automatique. Le lecteur est conduit par le contexte à supposer que ce phénomène de retour à l’unité d’origine, se produit lorsque les deux s’unissent physiquement : la Septante, sans pouvoir y ajouter la présence de Dieu qui n’y était pas mentionnée explicitement, a ainsi augmenté la perception de la tension qui conduit à s’unir, mais a mis en filigrane un modèle d’union qui se charge de valeurs morales diverses.
En hébreu, le verbe poursuivre, s’attacher est à l’actif et a un sens surtout physique (le désir) mais aussi affectif ( la tendresse) et moral ( le devoir, malgré les difficultés ). On peut donc s’interroger sur le choix grec de la voix indubitablement passive (προσκολληθήσεται « il sera attaché » littéralement ) alors qu’il existe en grec un futur moyen dont on a des attestations tardives il est vrai et qui se traduirait par « il s’attachera à sa femme ». Le verbe grec se trouve avoir pour sujet cet homme, il est au passif et d’ordre physique : la conjugaison ( peut-être inconsciente) de ces trois éléments conduit à une plus grande différence entre homme et femme ; elle pourra même inciter à penser que cette attirance peut être dangereuse pour l’homme. La Septante semble par ce verbe passif soit faire allusion à une tierce personne qui les unit par le mariage, soit aux chaînes de la passion (mauvaise peut-être ) que fait naître la femme.
Dans le dernier membre de phrase, le grec s’est permis d’ajouter « les deux » « οἱ δύο » pour préciser qui va être « une seule chair » : l’opposition entre le pronom « les deux » et l’adjectif « une » insiste en fait implicitement, de manière subliminale, mais non moins fortement sur la notion du couple unique formé par un mari et sa femme. Le singulier de tout le verset en est également éclairé et devient non le singulier général, mais le singulier de chaque couple qui n’est composé que d’un mari et d’une femme. Cet attachement à une seule femme exclut implicitement une succession de désirs pour des femmes différentes, même si ce ne sont pas des adultères, mais des épouses dans le cadre d’une polygamie autorisée. Une prise ouverte de position contre la polygamie aurait sans doute semblé un sacrilège contre la tradition, – et aurait été choquante ici- mais de cette façon habile, le texte sacré va désormais à l’encontre de la polygamie sans toutefois la mettre en cause nommément. Ces détails montrent bien pourquoi, du temps de Jésus, les partisans de la monogamie s’appuyaient en les réunissant sur le verset du premier récit « il les fit mâle et femelle » où le singulier des adjectif leur prouvait qu’ils avaient raison, et sur le verset du second récit « les deux seront une seule chair » où les nombres employés rappelaient la métaphore du côté enlevé à l’Homme.
L’ordre de ces verbes prend alors une coloration sociale quasi-juridique surtout si on les inscrit dans la durée définitive et exclusive de tout accident extra-conjugal : quitter ses parents est définitif, s’attacher à son conjoint aussi, et faire une seule chair aussi. Le verbe « attacher » peut alors recevoir une interprétation plus positive puisque le scripteur emploie un verbe hébreu fréquemment utilisé pour dire qu’Israël doit rester attaché à Dieu : il y a peut-être là la notion d’alliance, de promesse à tenir avant même de songer à s’unir physiquement : les promesses sont à dire et à tenir, et en ce cas, ce verbe se situerait avant, pendant et après l’union qui va suivre. Peut-être par là le scripteur indique-t-il que c’est surtout l’homme qui devait s’engager envers elle puisqu’elle ne pouvait pas, de toute façon, se désengager, sa situation étant trop précaire si elle était « libre ». Cette phrase serait alors également en faveur de la femme… si elle est appliquée.
Même si la Septante , vers 270 av. J.-C. , a visiblement dépassé pour ce verbe « poursuivre, être attiré, s’attacher », les sens strictement sexuels communs avec les animaux et les dimensions seulement affectives, car trop passagères, et même s’il l’on peut y voir jusqu’à une allusion au mariage comme contrat ( 2 = 1) ou comme promesse ( toi = moi ), on voit que les traducteurs n’y ont pas osé non plus insérer Dieu comme garant, et encore moins comme modèle idéal de la relation, souhaitée comme monogame, entre les hommes et les femmes.
L’élargissement du sens des sens et de leurs emplois témoigne de ce cheminement du lien sexuel biologique à la relation affective protégée par du juridique et consacrée par la religion : les mots manifestent autant qu’ils impulsent l’évolution des mentalités. Et la traduction de la Septante participe de ce mouvement, ne cherchant pas à figer une tradition qui lui semble dépassée.
Plusieurs siècles après, cette évolution aboutira par exemple à ce document de Damas de Qûmran ( Doc. Dam. V,7-9 ) qui réagit contre la polygamie des prêtres de Jérusalem : ils épousent « deux femmes de leur vivant, alors que le principe de la nature, c’est « mâle et femelle il les créa », et « ceux qui entrèrent dans l’arche, c’est deux par deux qu’ils entrèrent dans l’arche » : deux arguments tirés eux aussi de la Genèse : le premier qui déduit du singulier la relation singulière entre un mari et sa femme, et le second qui solennise même le couple d’animal comme modèle à suivre.
Ce texte de la Septante s’est répandu dans tout le bassin méditerranéen. Peut-être Jésus l’a-t-il pratiqué ? Les évangélistes qui rédigèrent en grec l’ont sûrement connu et pratiqué puisque les citations sont exactes y compris l’ajout « les deux » et le remplacement d’ « ils deviendront une seule chair » par « ils seront une seule chair ».
L’étude fine de Marc[29] et de Matthieu fait l’objet d’un article à part. Mais il est intéressant de voir ici brièvement et de façon synthétique les phrases choisies et comment Jésus les commente.
Pour répondre à la question « est-il permis de répudier sa femme » ( Marc) ou « est-il permis de répudier sa femme pour n’importe quel motif » ( Matthieu ), Jésus répond : «dès le commencement » (ἀπὸ δὲ ἀρχῆς), le créateur « les fit mâle et femelle »[30] , première citation mot à mot du premier récit de la création de l’homme et de la femme prise dans la Genèse, puis il poursuit en citant un autre verset du deuxième récit de la Genèse comme si c’était un seul texte « de sorte que l’homme abandonnera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et les deux seront une seule chair » : le texte ici reprend et les ajouts de la Septante, et son jeu du pluriel et du singulier, ce qui rend probable que le premier verset en a été également copié : on peut donc être sûr, pour autant que les Evangélistes ne nous trompent pas, que Jésus appartenait au courant en faveur d’une conception du mariage très moderne pour son époque, conception qui s’opposait à la polygamie appliquée de façon injuste, et qu’il en avait fait une lecture en faveur de la monogamie fidèle qu’il analysait comme correspondant au dessein originel de Dieu. A ces citations choisies, il ajoute son commentaire personnel qui va encore plus loin que la traduction de la Septante, en toute liberté, et malgré la ressemblance avec la phrase de la Genèse, ce n’est pas une redondance inutile car il efface toute échappatoire : « de sorte qu’ils ne sont plus deux mais une seule chair » (ὥστε οὐκέτι εἰσὶν δύο ἀλλὰ σὰρξ μία ) : cette phrase non seulement va dans le même sens que l’évolution du peuple juif guidé par les prophètes, mais est encore plus radical et affirmatif que la traduction de la Septante. Le dessein de Dieu est noté dans l’Evangile s’accomplir au présent de vérité générale, celle qui énonce la réalité de la réalité et qui a été entièrement conçue et construite par Dieu dès le départ. Par l’expression initiale ἀπὸ δὲ ἀρχῆς, l’évangile indique que le raisonnement se tient dans le temps mais aussi à partir de ce qui est à la base de toute la Création future et oriente donc toute réponse en l’absence de texte plus précis ; l’expression de Jésus « ce que Dieu joignit » ( aoriste ) rassemble tout le processus relationnel décrit dans la création de l’homme et de la femme dans les deux récits : le verbe « joignit » est à l’aoriste, ce qui indique une action courte faire à une époque précise – on n’a pas le droit de traduire par un présent de valeur longue, car ce serait un parfait, ni de le traduire au présent du quotidien pour chaque union, car ce la aurait été mis au présent : néanmoins on peut probablement considérer que cette union initiale est le modèle des suivantes à la différence que les suivantes ne sont pas faites par lui comme celle d’Adam et de la première femme, mais par chaque homme et chaque femme ) : la création se fit à un moment précis et selon un processus précis et unique non renouvelé ( Dieu a tiré la femme de l’Humain) L’ aoriste : « les fit mâle et femelle » et « ce que Dieu joignit » s’oppose ainsi temporellement à la suite qui s’écrit au futur de la norme ou au présent de vérité générale ( l’homme quittera…etc. ou ils ne sont plus deux). Entre « il les fit mâle et femelle » c’est à dire pour être très claire: « il les fit chose masculine et féminine » et «ils sont une seule chair » se trouve tout l’enseignement de la Genèse que nous avons tenté de dégager mot par mot, action par action, symbole par symbole : l’habitude juive des midrash fait que ses auditeurs réfléchissent en intertextualité.
Ce raisonnement qui répond à la question chez Marc ( est-il permis de répudier ? ) ne se conclut pas par une réponse en oui ou non. Il est néanmoins assez clair pour que chacun comprenne l’intention de Dieu lorsqu’il noua si fort le relationnel au cœur de l’Humain, entre le mari et sa femme, dans le temps mythique qui exprime l’essence même des choses et des êtres. Jésus termine en guise de réponse par une injonction à partir de ce relationnel : « ce que Dieu joignit donc, qu’un homme ne le sépare pas » (ὃ οὖν ὁ ϑεὸς συνέζευξεν ἄνϑρωπος μὴ χωριζέτω) ou « Qu’un homme ne sépare pas ce que Dieu joignit » ( s.e. lors de la Création ou lors d’une union conjugale ). Jésus ne dit pas seulement que chaque union se fait avec Dieu comme garant, témoin, mais il dit que Dieu dans son idée joignit Homme et femme lors de la création, que leur union réalise ce que Dieu a voulu, et que cela doit être préservé. Mais l’Homme est libre là comme partout, libre de détruire l’œuvre de Dieu : ce que Dieu joignit, l’Homme peut le disjoindre, cela lui est donc d’une certaine façon « permis » puisqu’il le « peut »…. Sans s’étendre sur les conséquences néfastes qui en découleraient, Jésus rappelle les soins amoureux de Dieu pour l’Homme lors de la création, mais aussi par la suite lors des mariages où il est pris à témoin, et estime que chacun peut comprendre que c’est un argument suffisant
Il est intéressant de voir la différence entre la question et la réponse chez Marc, 10, 2
– les Pharisiens demandent si c’est permis à un andri ( homme ou mari, pas d’article ) de répudier une gunaika ( femme ou épouse, pas d’article ) et Jésus répond « ce que Dieu a uni un jour, que anthrôpos ( un Homme en général ) ne le sépare pas ». Dans la bouche des Pharisiens et corrélé avec le verbe répudier, c’était bien les sens « mari » et « femme » et il était question de répudiation Jésus ne répond pas avec le mot « anèr » qui pourrait être ambigu dans sa réponse à lui, mais avec le mot anthrôpos qui peut désigner aussi bien le mari que la femme ( le mot peut être féminin et ici il n’y a pas l’article ! malin ! ), que le scribe ou l’amant de même qu’il ne remet pas le mot « femme » car il fait de sa réponse quelque chose bien plus général et qui concerne toute alliance.
La question posée par les Pharisiens était la répudiation ( seul apanage du mari qui donne la lettre de divorce ) avec le verbe apoluô, ( renvoyer, répudier, délier, chasser etc. ). Jésus répond sur une « séparation » qui est le vrai mot pour séparer, ( chorizô) beaucoup plus large , et qui peut fonctionner avec tous les sens d’anthrôpos. Jésus ici rappelle en même temps et l’idéal du principe où Dieu est garant ou créateur d’un système, le mariage n’est qu’une application de cela.
Comment donc comprendre cette application au mariage ? Si Jésus n’avait voulu parler que des époux, il aurait dit « que les époux ne se séparent pas » ( verbe au Moyen ) et ici c’est l’actif. S’il n’avait voulu parler que des scribes ou des tierces personnes qui valident une séparation et donc y participent, il aurait pu dire « que les époux ne soient pas séparés » avec le verbe au passif. Ici , il met tout le monde à égalité au nom des mêmes principes avec un verbe à l’actif, qui ne juge pas, donne à chacun une égale dignité et une égale capacité, mais aussi la même culpabilité qu’elle soit interne au couple, externe, ou légale, et la seule cause éventuelle admissible d’une séparation est la porneia d’un membre du couple envers l’autre ( cf. texte complémentaire ), porneia évidemment fautive du côté du coupable. Jésus/l’Ev « profite » d’une question réduite pour donner la loi parfaite génial.
Marc est dit-on en ce moment, un peu antérieur à Matthieu qui en a peut-être eu connaissance, ou ils ont eu tous deux connaissance d’un texte commun ou d’un souvenir exact. Matthieu 19,3 on l’a vu, a choisi de présenter son raisonnement à l’envers.
Chez Marc, les Pharisiens viennent demander à Jésus s’il est « permis à un anthrôpos ( homme au sens large ) de renvoyer son épouse gunaika autou pour n’importe quel motif » : ici le sens du mot anthropos est précisé par « la femme de lui » : c’est son mari ; mais l’emploi bizarre de ce mot pourrait s’expliquer par la connaissance que Matthieu avait de la conclusion de Marc ou du texte commun . Jésus répond « ce que Dieu joignit, qu’un homme ne le sépare pas » avec la phrase exacte mot pour mot de Marc.
Chez Marc, les disciples reprennent ensuite la discussion pour bien comprendre ce principe général ( que l’Homme ne sépare pas ce que Dieu joignit » lors de la Création ) lorsqu’il s’applique au cadre de la répudiation, et Jésus précise en utilisant de nouveau le verbe « renvoyer » des Pharisiens : « celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre commet un adultère envers elle ». Le verbe final pourrait évoquer une infidélité à Dieu ( comme souvent le moyen au sens intransitif ) mais Marc veut marquer que c’est une infidélité envers sa femme, et c’est ce la que Jésus stigmatise. ( humain, psy). S’il s’était arrêté là, sa position aurait été aussi ambiguë que celle qui dans Lévitique était utilisée comme donnant au mari seul le droit de répudier ( et non à la femme), donc Marc fait suivre une réciproque explicite pour la femme, explicitée puisque nouvelle par rapport à la loi juive ( et si celle-ci ayant renvoyé son mari en épouse un autre, elle est adultère ( envers son mari s.e. car parallèle à la précédente phrase). Le « si » montre que la situation était improbable en Israël à l’époque de Jésus … mais qu’ils voient loin ( et Marc milieu plus international qui élargit la perspective certes mais oblige aussi dans l’urgence à plus de précisions pour la femme etc. ). La tournure « ayant renvoyé… épouse un autre » disjoint peu les deux actions, indique bien que la première partie qui concerne l’homme est semblable ( noter que le kai entre deux verbes au même sujet peut signifier « pour » Enfin, Jésus, pour les disciples, répond explicitement dans le cadre de la question précise évoquée par les Pharisiens (« renvoyer » avec le contexte du livret de divorce qui précède le fait de se remarier). Jésus aurait pu continuer sur le thème de la séparation : « les époux qui se séparent et se remarient sont adultères vis-à-vis de l’autre », mais il n’évoque plus toute séparation, mais seulement un type de répudiation, la répudiation suivie d’un remariage, la répudiation étant un divorce imposé. On pourrait donc comprendre en creux qu’une séparation voulue par les deux ne les rendrait pas adultères vis-à-vis l’un de l’autre, et ceci même s’ils se remariaient, sinon Jésus aurait précisé explicitement que toute séparation consentie des deux côtés et suivie de remariages aurait été un adultère envers l’autre, d’autant que cela aurait modifié encore plus la loi juive et serait allé contre le bon sens de ce qu’est une alliance.
Comme chaque fois qu’il ne l’a pas précisé, sa pensée n’a pas aboli la loi juive – tu aimeras le seigneur ton Dieu ; tu aimeras ton prochain comme toi-même, ( lévitique 19, 18)( les deux que Jésus cite comme les plus grands ) et le général qui garantit une alliance et « Tu n’invoqueras point le nom de l’Éternel, ton Dieu, en vain ; car l’Éternel ne laissera point impuni celui qui invoque son nom en vain. – avec les deux commandements de la Loi en découlant « tu ne commettras pas d’adultère, tu ne convoiteras pas la femme de ton voisin » et la prescription indirecte de Malachie ( Dieu déteste qu’on répudie la femme de sa jeunesse ). Mais sa pensée s’applique implicitement dans le cadre de la loi juive : autorisation du remariage dans ce qui n’est pas concerné par le précepte à savoir la séparation d’un commun accord.
Matthieu, après sa phrase introductive ( Mt 19,6 b ) qui est la conclusion de Marc, continue la démonstration, et en arrive à donner un verset d’application : « celui qui répudie sa femme, hormis pour porneia, et en épouse une autre, fait celle-ci être victime d’un adultère de sa part ». ( voir document à part sur cette phrase). Ce verset Mt. 19,9 peut être considéré comme reprenant le verset de Marc, en y ajoutant deux choses :
– une tournure par le passif : l’homme chez Marc est adultère, chez Matthieu non seulement il est adultère mais il fait en plus subir un adultère à la femme qui est sa victime
-l’incise pour expliciter ce qui était explicite chez Marc car courant dans la loi juive, ( la cause pour laquelle un conjoint peut, selon Jésus, répudier l’autre : la porneia de ce conjoint.
Par contre il en a supprimé la réciproque pour la femme qui répudierait son mari, mais la suite la remplace sémantiquement. Elle montre en effet la très vive réaction des disciples : ils lui disent : « si la aitia de l’Homme /du mari envers la Femme, il n’est pas utile/avantageux de prendre femme ».
Le verbe final, gameô, est encore une fois, très significatif de la condition de la femme… Il signifie à l’actif « prendre femme », au moyen « prendre un mari », au passif, « être prise pour femme ». Ici il est à l’actif car les disciples étudient là les conséquences de la parole de Jésus sur le principe général auquel ils doivent rapporter leurs actions, à égalité entre homme et femme. Dans ce verset, ils disent qu’ils n’ont pas intérêt, qu’il n’est pas avantageux, utile ( sumpherô) de prendre femme, sous entendu avantageux pour les hommes, pour les futurs maris, et dans le cadre de la loi de Jésus. C’est donc qu’ils savent que les femmes étaient lésées avant et qu’ils savent ce souci d’égalité de Jésus : c’est sans doute pourquoi Matthieu ne précisera pas de réciproque en faveur des femmes, cela tombait sous le sens après ce rappel général. Notons que Jésus ne dit pas « envers sa femme » ( avec un adjectif ou un pronom se rapportant à l’homme), mais que les disciples ont compris que c’était un principe de base chez Jésus. Anthrôpos ici signifie en même temps « le mari » vis à vis de sa femme, mais aussi l’Homme en général : c’est ici effectivement une question anthroplogique générale qui touche la femme et mari, mais aussi le sexe féminin ( quel que soit son lien , son âge et sa condition ) par rapport au sexe masculin, et même tout Humain vis-à-vis d’un autre. C’est pourquoi si gunè peut signifier la femme ou l’épouse, il faut ici lui mettre une majuscule également pour signifier la Femme en général.
Le terme aitia ne signifie pas la condition de l’Homme comme on le traduit souvent. Ce terme montre combien les disciples se sentent accusés en constatant qu’en tant qu’hommes ils ont effectivement plus d’avantages par rapport aux femmes ( et Pierre était marié ). Aitia est un terme juridique : « cause, motif, imputation, opinion, grief, reproche, accusation » : et cette aitia concerne leur vie « avec » la Femme.
La réciproque précisant le droit de la femme à répudier devenait donc inutile, l’insistance sur les conséquences sociales ayant été assez fortement marquée.
Mais Jésus répond avec bonté aux disciples déçus et inquiets : « Tous ne peuvent pas intégrer cette parole mais ceux à qui c’est donné » Le verbe chôreô ne veut pas seulement dire comprendre intellectuellement mais avancer, réussir, être susceptible de… » et il enchaîne sur ceux qui « se rendent eunuques en vue du Royaume des cieux ». ( voir autre document . cf. Isaïe 56,3 ) ( eux ne font pas le couple que Dieu a voulu .. )
Dans leur couple, le responsable éventuel de leur échec éventuel est aussi en échec dans sa relation à Dieu, et Dieu a aussi son mot à dire en tant que garant de leur union.
En fait il n’y avait pas de « sacrement » de mariage, mais il y avait un contrat civil, social et juridique (la jeune fille était donnée par ses parents et le demandeur versait un don nuptial) pour lequel Dieu était garant, comme pour tous les engagements, promesses et alliances en Israël : on prononçait alors la formule conjugale qui datait probablement du VIIIème siècle avant notre ère ( cf. Os 2,4-6) : « Elle est ma femme et je suis son mari à partir de ce jour » , déclaration faite également devant témoins. Au temps de Jésus, la polygamie était encore fréquente en Israël, mais elle ne contrevenait pas, elle, à la loi de Dieu. On en a des témoignages pour les familles de notables et les familles sacerdotales, mais elle existait probablement aussi des milieux qui n’ont pas laissé autant de traces, si l’homme en avait les moyens et le désir. Elle était cependant en diminution, et était de plus en plus contestée, le cas de lévirat mis à part. Un document de Damas de Qûmran ( Doc. Dam. V,7-9 ) réagit contre la polygamie des prêtres de Jérusalem : ils épousent « deux femmes de leur vivant, alors que le principe de la nature, c’est « mâle et femelle il les créa », et ceux qui entrèrent dans l’arche, c’est deux par deux qu’ils entrèrent dans l’arche ». Ajoutons le cas du lévirat ( Dt 25,5-10, repris par Mt 22, 24 sq et Marc 12, 9 sq, et Luc 20, 28 sq. ). Cependant, la polygamie rendait la répudiation d’autant plus inexcusable et insupportable, puisque l’homme pouvait légalement conserver la femme de sa jeunesse en en prenant une autre, plus belle, plus jeune, plus féconde, plus riche… La première femme restait, même si sa place était modifiée, et n’était pas « jetée dehors ». C’est cette pratique de répudiation que Dieu dit « haïr » puisque si prendre une femme de plus ne rompait pas les termes de l’alliance conclue, renvoyer la femme était une rupture que Dieu, comme garant ne pouvait que constater et contester. Il semble que l’intervention de Dieu dans le mariage juif ait amélioré la condition de la femme, par rapport à des pratiques qui la répudiaient sans aucun frein dans le bassin méditerranéen ou aux époques précédentes. Et certains ajoutent que la « concession mosaïque » évoquée en Marc 10, 4 et 5 a été écrite parce que Moïse souhaitait ainsi permettre aux femmes de se remarier et qu’elle est donc une limitation au droit de répudiation que les Juifs exerçaient de façon illimitée si grande était leur dureté de cœur : cette interprétation tient-elle lorsqu’on observe que chacun des Juifs qui se séparait pouvait se remarier, et que la « concession mosaïque » telle qu’elle était et est pratiquée encore aujourd’hui est loin d’avoir amélioré la condition de la femme puisqu’elle est la seule des deux membres du couple à devoir attendre cette autorisation signée de son conjoint pour le faire. Il est judicieux de relire l’Evangile en regardant le sens de chaque mot à ce sujet, et l’on verra que Jésus, selon Matthieu et Marc, prend la suite de Malachie et revient lui aussi à la Genèse.[31]
Marc 10, 2-10 Matthieu en rouge
1 Καὶ ἐκεῖϑεν ἀναστὰς ἔρχεται εἰς τὰ ὅρια τῆς ᾽Ιουδαίας [καὶ] πέραν τοῦ ᾽Ιορδάνου, καὶ συμπορεύονται πάλινὄχλοι πρὸς αὐτόν, καὶ ὡς εἰώϑει πάλιν ἐδίδασκεν αὐτούς.
2 καὶ [προσελϑόντες Φαρισαῖοι] ἐπηρώτων αὐτὸν εἰ ἔξεστιν ἀνδρὶ γυναῖκα ἀπολῦσαι, πειράζοντες αὐτόν.
3 Καὶ προσῆλϑον αὐτῷ Φαρισαῖοι πειράζοντες αὐτὸν καὶ λέγοντες, Εἰ ἔξεστιν ἀνϑρώπῳ ἀπολῦσαι τὴν γυναῖκα αὐτοῦ κατὰ πᾶσαν αἰτίαν; 3 ὁ δὲ ἀποκριϑεὶς εἶπεν αὐτοῖς, Τί ὑμῖν ἐνετείλατο Μωϋσῆς ; 4 οἱ δὲ εἶπαν, ᾽Επέτρεψεν Μωϋσῆς βιβλίον ἀποστασίου γράψαι καὶ ἀπολῦσαι.
5 ὁ δὲ ᾽Ιησοῦς εἶπεν αὐτοῖς, Πρὸς τὴν σκληροκαρδίαν ὑμῶν ἔγραψεν ὑμῖν τὴν ἐντολὴν ταύτην.
6 ἀπὸ δὲ ἀρχῆς κτίσεως ἄρσεν καὶ ϑῆλυ ἐποίησεν αὐτούς·
7 ἕνεκεν τούτου καταλείψει ἄνϑρωπος τὸν πατέρα αὐτοῦ καὶ τὴν μητέρα [καὶ προσκολληϑήσεται πρὸς τὴνγυναῖκα αὐτοῦ],
8 καὶ ἔσονται οἱ δύο εἰς σάρκα μίαν· ὥστε οὐκέτι εἰσὶν δύο ἀλλὰ μία σάρξ.
9 ὃ οὖν ὁ ϑεὸς συνέζευξεν ἄνϑρωπος μὴ χωριζέτω.
10 Καὶ εἰς τὴν οἰκίαν πάλιν οἱ μαϑηταὶ περὶ τούτου ἐπηρώτων αὐτόν.
11 καὶ λέγει αὐτοῖς, ῝Ος ἂν ἀπολύσῃ τὴν γυναῖκα αὐτοῦ καὶ γαμήσῃ ἄλλην μοιχᾶται ἐπ‘ αὐτήν,
12 καὶ ἐὰν αὐτὴ ἀπολύσασα τὸν ἄνδρα αὐτῆς γαμήσῃ ἄλλον μοιχᾶται.
Matthieu 19 3-12
1 Καὶ ἐγένετο ὅτε ἐτέλεσεν ὁ ᾽Ιησοῦς τοὺς λόγους τούτους, μετῆρεν ἀπὸ τῆς Γαλιλαίας καὶ ἦλϑεν εἰς τὰ ὅρια τῆς᾽Ιουδαίας πέραν τοῦ ᾽Ιορδάνου.
2 καὶ ἠκολούϑησαν αὐτῷ ὄχλοι πολλοί, καὶ ἐϑεράπευσεν αὐτοὺς ἐκεῖ.
3 Καὶ προσῆλϑον αὐτῷ Φαρισαῖοι πειράζοντες αὐτὸν καὶ λέγοντες, Εἰ ἔξεστιν ἀνϑρώπῳ ἀπολῦσαι τὴν γυναῖκααὐτοῦ κατὰ πᾶσαν αἰτίαν;
4 ὁ δὲ ἀποκριϑεὶς εἶπεν, Οὐκ ἀνέγνωτε ὅτι ὁ κτίσας ἀπ‘ ἀρχῆς ἄρσεν καὶ ϑῆλυ ἐποίησεν αὐτούς;
5 καὶ εἶπεν, ῞Ενεκα τούτου καταλείψει ἄνϑρωπος τὸν πατέρα καὶ τὴν μητέρα καὶ κολληϑήσεται τῇ γυναικὶ αὐτοῦ,καὶ ἔσονται οἱ δύο εἰς σάρκα μίαν.
6 ὥστε οὐκέτι εἰσὶν δύο ἀλλὰ σὰρξ μία. ὃ οὖν ὁ ϑεὸς συνέζευξεν ἄνϑρωπος μὴ χωριζέτω.
7 λέγουσιν αὐτῷ, Τί οὖν Μωϋσῆς ἐνετείλατο δοῦναι βιβλίον ἀποστασίου καὶ ἀπολῦσαι [αὐτήν];
8 λέγει αὐτοῖς ὅτι Μωϋσῆς πρὸς τὴν σκληροκαρδίαν ὑμῶν ἐπέτρεψεν ὑμῖν ἀπολῦσαι τὰς γυναῖκας ὑμῶν, ἀπ‘ ἀρχῆςδὲ οὐ γέγονεν οὕτως.
9 λέγω δὲ ὑμῖν ὅτι ὃς ἂν ἀπολύσῃ τὴν γυναῖκα αὐτοῦ μὴ ἐπὶ πορνείᾳ καὶ γαμήσῃ ἄλλην μοιχᾶται.
10 λέγουσιν αὐτῷ οἱ μαϑηταὶ [αὐτοῦ], Εἰ οὕτως ἐστὶν ἡ αἰτία τοῦ ἀνϑρώπου μετὰ τῆς γυναικός, οὐ συμϕέρειγαμῆσαι.
11 ὁ δὲ εἶπεν αὐτοῖς, Οὐ πάντες χωροῦσιν τὸν λόγον [τοῦτον], ἀλλ‘ οἷς δέδοται.
12 εἰσὶν γὰρ εὐνοῦχοι οἵτινες ἐκ κοιλίας μητρὸς ἐγεννήϑησαν οὕτως, καὶ εἰσὶν εὐνοῦχοι οἵτινες εὐνουχίσϑησαν ὑπὸτῶν ἀνϑρώπων, καὶ εἰσὶν εὐνοῦχοι οἵτινες εὐνούχισαν ἑαυτοὺς διὰ τὴν βασιλείαν τῶν οὐρανῶν. ὁ δυνάμενος χωρεῖνχωρείτω.
Paul : l’homme créé à l’image de Dieu 1 Corinthiens 11,7 ; 2 Corinthiens 3,18 ; 4,6.
Faire aussi la Vulgate et la tradition XIX° ????
Le premier verbe de la Vulgate semble trop « physique », et la fin ne traduit pas l’hébreu mais la Septante et durcit encore la matérialité du fait : ils seront une seule chair : adherebit uxori suae et erunt duo in carne una
Pas ici : cette constatation linguistique reflète l’état des positions sociales, mais le scripteur a certainement l’intention de les confirmer, et il a peut-être le but inavoué ou inconscient de se conformer ou de consolider les habitudes et les préjugés d’une époque androcentrique et patriarcale. C’est peut-être une remarque dont s’est volontairement abstenu le scripteur du récit de la première création en Genèse, 1,27 : on peut noter que cet homme et cette femme sont de l’Humain, mais que leur caractéristique d’être (du) mâle et (de la) femelle n’est pas mise en avant, contrairement au premier récit.
La plaisanterie sur les brouillons, l’homme étant le brouillon de la femme, est-elle compensée ou non par le fait que la femme est seconde, tirée de l’homme, donc lui est inférieure ?
Cette version de la création de la femme et de l’homme à partir de l’Humain n’est pas très loin de ce qu’un Platon décrira dans son premier schéma, vers 380 avant J.-C.
Pour le mythe de l’androgyne chez Platon, voir le résumé, le commentaire, deux schémas, la traduction intégrale et le texte en grec sur le site 1-360.net.
Platon pensait qu’au début il existait que des êtres humains doubles, joints par le dos, avec 4 bras et 4 jambes etc. :
-certains étaient faits de deux hommes,
-d’autres de deux femmes,
-d’autres enfin, les plus nombreux, d’un homme et d’une femme, et ce sont eux qu’on appelait les androgynes.
Trop puissants, ils firent peur aux dieux, qui les scindèrent …
Mais je vous conseille de lire l’histoire, plutôt inattendue !!
Par exemple :
« Après une pénible méditation, Zeus donne enfin son avis: » Je crois qu’il y a un moyen pour qu’il reste des hommes et que pourtant, devenus moins forts, ceux-ci soient délivrés de leur démesure; je m’en vais couper chacun en deux, ils deviendront plus faibles, et, du même coup, leur nombre étant grossi, ils nous seront plus utiles; deux membres leur suffiront pour marcher; et s’ils nous semblent récidiver dans l’impudence, je les couperai encore en deux, de telle sorte qu’il leur faudra avancer à cloche-pied. » Sitôt dit, sitôt fait : Zeus coupa les hommes en deux, comme on coupe la graine du sorbier pour la faire sécher, ou l’oeuf dur avec un cheveu. »
Cela vous permettra aussi de comprendre pourquoi on ne doit pas confondre l’androgynie avec l’hermaphroditisme, l’androgyne avec l’hermaphrodite.
Marguerite Champeaux-Rousselot
[1] La traduction française ( en cours ) est de Marguerite Champeaux-Rousselot, à partir du texte hébreu (www.saintebible.com ).
[2] « il façonna 3335 la poussière/terre sèche 6083 de la terre 4480 + 127 , puis il souffla dans ses narines le souffle de vie/vivant 2416 , et l’Humain Adamah (120) devint un être 5315 vivant/de vie 2416 ( ou l’être 315 vivant 2416 devint (un) Humain 120 ).
[3] ( nous supposons que c’est dans ce sens et non l’inverse : l’Humain devint vivant. )
[4] Une des plus proches est la création de l’homme décrite dans l’épopée d’ Atrahasis, rédigée en langue sémitique akkadienne, et datée probablement du xviiie siècle av. J.-C : c’est une sorte de compilation des mythes traditionnels mésopotamiens de la Création et du Déluge. Les dieux ayant faim décident de créer l’homme : celui-ci serait semblable aux dieux, sauf qu’il ne serait pas immortel ; l’Homme fut conçu avec de l’argile, de manière à pouvoir le façonner, argile à laquelle on ajouta le sang du dieu Wê-ilu (qui donna le nom awîlu(m), l’« homme (libre) »), immolé, pour rendre l’argile plus malléable. Puis la déesse-mère Ninmah insuffla la vie à l’être ainsi créé en crachant dans cette mixture.
[5] Le scripteur s’est peut-être plu à faire réfléchir sur les relations homme-femme : selon lui, Dieu avait déjà nommé la femme ( ishshah) avant que l’Humain devenu homme mâle sans le savoir encore se réveille, et ce dernier, croyant peut-être avec orgueil nommer la « femme » à partir de sa propre réalité qu’il nomme, se trouve accomplir à son insu, le plan divin qui avait déjà prévu les deux noms. Le jeu de la liberté humaine et de l’amour de Dieu qui veut le bien de l’Homme se joue déjà là… Dieu voit qu’il ne peut s’accomplir seul, ni accomplir le travail demandé, et songe pour lui à un secours, à une aide qui sont donc essentiels et sans lesquels il ne peut rien. On peut constater la différence courante d’impression selon qu’on emploie en français un mot masculin comme le secours ou un mot féminin comme l’aide pour qualifier la femme… Ainsi ce récit réussit-il à faire comprendre en même temps des réalités difficiles : le lien et la liberté, l’égalité et la dépendance, la même nature et la différence etc. Paul fait lui aussi à ce sujet une remarque pertinente en 1 Co 11 en faisant allusion à la Genèse ( mais le reste de 1 Co 11 concernant les habitudes sociales de son époque ou ses considérations sur la nature, est plus marqué par son temps et sa personnalité… ) : « A part ce qui précède, il ne peut exister, dans le Seigneur, ni la femme sans l’homme, ni l’homme sans la femme : en effet, de même que la femme a été tirée de l’homme, de même aussi l’homme naît par la femme : tout vient de Dieu ».
[6] -le malheur nous colle à la peau et nous allons mourir, la peau desséchée colle à nos os, la soif colle la langue au palais, l’ennemi nous poursuit sans qu’on puisse s’en défaire, Dieu va attacher la pestilence à l’ennemi,
– des gens se rejoignent pendant un voyage, ou pour combattre,
– conserver son héritage, ses liens avec sa tribu, les survivants malgré les difficultés
– vaincre car les ennemis n’ont pas pu nous décoller d’eux
– rester près de quelqu’un Ruth 2:8, Ruth 2:21, Ruth 2:23
-s’attacher à quelqu’un Ruth 1:14 ;
– être très attaché sentimentalement à quelqu’un
Et ce verbe est, naturellement, employé de très nombreuses fois pour dire qu’Israël doit rester attaché à Dieu
Deut. 10:20 , 11:22 , 13:4 , 13:17 , 30:20 , 22:5 , Josué, 23:8 et 23:12
[7] Gen, 34,3 : son coeur s’attacha à Dinah et il l’aima ( Vulgate : et conglutinata est anima eius cum ea tristemque blanditiis delinivit) ; Juges, 18,22 ils poursuivirent les fils de Dan … Nombre, 36,7 s’attacher chacun à l’héritage de ses pères ;
[8] Le célèbre mythe de l’androgyne, décrit par Platon dans Le Banquet ( 380 av. J.-C), est probablement plus récent que le chapitre 2 de la Genèse, mais peut appartenir également à un fond commun imprécis.
[9] (Burton L. Visotzky, « Genesis in the rabbinic interpretation », dans The book of Genesis,p. 586-587 (Evans, Lohr et Petersen 2012). )
[10] http://www.epelibramont.com/predication.asp?txt=malachie_2_10-16
[11] Ce verbe polysémique signifie regarder avec attention, de façon positive ou négative : son sens est éclairé par le contexte . Cf. Lévitique 19,15 : Tu ne commettras point d’iniquité dans tes jugements: tu n’auras point égard à la personne du pauvre, et tu ne favoriseras point la personne du grand, mais tu jugeras ton prochain selon la justice. » ; Nombres 6,26 : « Que l’Eternel tourne sa face vers toi, et qu’il te donne la paix ! » et après par Galates, 2,6 : « Ceux qui sont les plus considérés-quels qu’ils aient été jadis, cela ne m’importe pas: Dieu ne fait point acception de personnes, – ceux qui sont les plus considérés ne m’imposèrent rien. » Deut. 10,17 : car l’Eternel, votre Dieu, est le Dieu des dieux et le Seigneur des seigneurs, le Dieu grand, puissant, et terrible, qui ne fait point acception de personnes, et qui ne prend pas de présents; Cf. une autre expression dans Deut. 1,17 :« Vous n’aurez point égard à l’apparence des personnes dans vos jugements; vous écouterez le petit comme le grand; vous ne craindrez aucun homme, car c’est Dieu qui rend la justice. Et lorsque vous trouverez une cause trop difficile, vous la porterez devant moi, pour que je l’entende. »
[12] En fait ce terme hébreu a une racine primitive probable : « couvrir (avec un vêtement); au sens figuré, agir clandestinement ». Ce sens sera repris précisément plus loin.
[13] Traduction par la Septante globalement avec une ponctuation qui laisse à désirer, et souvent très éloignée et parfois fausse : ὑμεῖς οὐκ ἐφυλάξασθε τὰς ὁδούς μου, ἀλλὰ ἐλαμβάνετε πρόσωπα ἐν νόμῳ. 10 Οὐχὶ θεὸς εἷς ἔκτισεν ὑμᾶς; οὐχὶ πατὴρ εἷς πάντων ὑμῶν; τί ὅτι ἐγκατελίπετε ἕκαστος τὸν ἀδελφὸν αὐτοῦ τοῦ βεβηλῶσαι τὴν διαθήκην τῶν πατέρων ὑμῶν;
[14] La Septante καὶ εἴπατε Ἕνεκεν τίνος; ὅτι κύριος διεμαρτύρατο ἀνὰ μέσον σοῦ καὶ ἀνὰ μέσον γυναικὸς νεότητός σου, ἣν ἐγκατέλιπες, καὶ αὐτὴ κοινωνός σου καὶ γυνὴ διαθήκης σου.
La Vulgate nova ( l’ancien est épouvantablement incorrecte ! )
14 et dicitis: “Quam ob causam?”. Quia Dominus testificatus est inter te et uxorem adulescentiae tuae, cui tu factus es infidelis; et haec particeps tua et uxor foederis tui.
15 Nonne unitatem fecit carnis et spiritus? Et quid unitas quaerit nisi semen a Deo? Custodite ergo spiritum vestrum; et uxori adulescentiae tuae noli esse infidelis.
16 Si quis odio dimittit, dicit Dominus, Deus Israel, operit iniquitas vestimentum eius, dicit Dominus exercituum. Custodite spiritum vestrum et nolite esse infideles.
17 Laborare facitis Dominum in sermonibus vestris et dicitis: “In quo eum facimus laborare?”. In eo quod dicitis: “Omnis, qui facit malum, bonus est in conspectu Domini, et tales ei placent” aut: “Ubi est Deus iudicii?”.
[15] Mot hébreu qui est le féminin de compagnon ( égalité)
[16] C’est le terme hébreu de la Genèse pour l’homme et la femme
[17] Ce mot est d’abord employé pour la première alliance ( avec Noé) (avant de l’être peut-être pour les couples ?).
[18] Traduction par la Septante très inexacte : καὶ οὐκ ἄλλος ἐποίησεν, καὶ ὑπόλειμμα πνεύματος αὐτοῦ. καὶ εἴπατε Τί ἄλλο ἀλλ ἢ σπέρμα ζητεῖ ὁ θεός; καὶ φυλάξασθε ἐν τῷ πνεύματι ὑμῶν, καὶ γυναῖκα νεότητός σου μὴ ἐγκαταλίπῃς·
[19] Cette phrase est très difficile à traduire : le sens que nous donnons nous paraît le meilleur, mais n’est pas sûr.
[20] 7971 Schalach : ce verbe signifie renvoyer, rejeter, et se construit avec l’accusatif de personne ( Genèse 21,14 : le renvoi brutal d’Agar par Abraham , Genèse 25,6 également, 2 Samuel 13,16 :une femme chassée parce qu’on la hait alors qu’on l’a aimée avant) ; employé plus particulièrement pour un divorce en bonne et due forme : Deut. 22,19-29 ; et 24, 1-3 ; Jérémie 3,1 et Malachie 2,16.
[21] Le terme hébreu signifie la mise à nu, le viol, la violence, l’injustice, l’oppression etc. : cruelty, damage, false, injustice, oppressor, unrighteous, violence against, done. La construction n’est pas univoque mais d’autres emplois éclairent ce passage : Prov. 10, 6 : « la bouche du méchant ne couvre que de la violence » c’est-à-dire ne contient que de la violence ; Ps 73, 6 : « la violence les couvre comme un vêtement » ou « La violence est le vêtement qui les enveloppe » ou « un vêtement de violence les couvre. »
[22] ( idem pour le verset suivant ) ἀλλὰ ἐὰν μισήσας ἐξαποστείλῃς, λέγει κύριος ὁ θεὸς τοῦ Ισραηλ, καὶ καλύψει ἀσέβεια ἐπὶ τὰ ἐνθυμήματά σου, λέγει κύριος παντοκράτωρ. καὶ φυλάξασθε ἐν τῷ πνεύματι ὑμῶν καὶ οὐ μὴ ἐγκαταλίπητε. : Mais si, l’ayant haïe, tu la répudies, dit le Seigneur Dieu d’Israël, l’impiété couvrira toutes tes pensées, dit le Seigneur tout-puissant ; c’est pourquoi garde cette parole en ton esprit : N’abandonne pas la femme de ta jeunesse.
[23] Traduction par la Septante globalement avec une ponctuation qui laisse à désirer, parfois éloignée et même fausse : ὑμεῖς οὐκ ἐφυλάξασθε τὰς ὁδούς μου, ἀλλὰ ἐλαμβάνετε πρόσωπα ἐν νόμῳ. 10 Οὐχὶ θεὸς εἷς ἔκτισεν ὑμᾶς; οὐχὶ πατὴρ εἷς πάντων ὑμῶν; τί ὅτι ἐγκατελίπετε ἕκαστος τὸν ἀδελφὸν αὐτοῦ τοῦ βεβηλῶσαι τὴν διαθήκην τῶν πατέρων ὑμῶν;
[24] Traduction par la Septante très inexacte : καὶ οὐκ ἄλλος ἐποίησεν, καὶ ὑπόλειμμα πνεύματος αὐτοῦ. καὶ εἴπατε Τί ἄλλο ἀλλ ἢ σπέρμα ζητεῖ ὁ θεός; καὶ φυλάξασθε ἐν τῷ πνεύματι ὑμῶν, καὶ γυναῖκα νεότητός σου μὴ ἐγκαταλίπῃς·
[25] Cette phrase est très difficile à traduire : le sens que nous donnons nous paraît le meilleur, mais n’est pas sûr.
[26] Mot hébreu qui est le féminin de compagnon ( égalité)
[27] C’est le terme hébreu de la Genèse pour l’homme et la femme
[28] Ce mot est d’abord employé pour la première alliance ( avec Noé) (avant de l’être peut-être pour les couples ?).
[29][29] Marc ἄρσεν καὶ θῆλυ ἐποίησεν αὐτούς ,
8 καὶ ἔσονται οἱ δύο εἰς σάρκα μίαν· ὥστε οὐκέτι εἰσὶν δύο ἀλλὰ μία σάρξ.
9 ὃ οὖν ὁ ϑεὸς συνέζευξεν ἄνϑρωπος μὴ χωριζέτω.
[30] ἄρσεν καὶ θῆλυ ἐποίησεν αὐτούς ( Marc et Matthieu exactement semblables et à la Septante )