Crise en Grèce : diagnostics pour un cas meilleur qu’on ne le dit

L’origine de la crise de la dette en Grèce n’est pas la nôtre,  leur donne des excuses que nous n’avons pas, et pointe même les améliorations possibles ! Il faut, à partir des diagnostics, trouver les remèdes,  définir un plan de désendettement efficace alliant réduction des déficits structurels au financement des déficits conjoncturels,  et faire des investissements  ayant un effet de levier.

Une excuse : l’impréparation lors de l’entrée dans l’euro, des illusions et des prédateurs

L’Europe, c’est sa noblesse mais c’est aussi sa faiblesse, a accueilli en son sein, pour des raisons éthiques et politiques, les yeux fermés, la Grèce comme certains pays de l’Est après la chute du Mur, même s’ils ne remplissaient pas les critères économiques retenus. La Grèce, sous le gouvernement de M. Samaras ( droite ) n’a menti qu’à ceux qui  voulaient être trompés. Simple question de bon sens. Le question aurait surtout dû être : Quelles seront les conséquences de cette entrée dans l’Europe puis dans l’euro ? ( Là encore, le cas de la Grèce mérite d’être médité pour se préparer  à d’autres événements ).

Lorsque la Grèce est entrée dans l’euro, le rattrapage des prix grec vis-à-vis des prix européens a créé une inflation énorme ! De 1999 à 2009, le coût  salarial unitaire  a bondi de 50 % ( En Allemagne,  de 10% pendant la même période). Donc la compétitivité  grecque a baissé,   comme si la drachme avait été soudain réévaluée  de 40%. Les exportations ont alors chuté  ( concurrence européenne, et même turque ) tout comme l’ « exportation » principale de la Grèce, le tourisme,  ( « la Grèce est devenue plus chère ! »).

Comme à cause de l’inflation et du coût de l’euro, la production est devenue « chère », l’industrie s’est trouvée en mauvaise posture, d’où déficit commercial, ( et chômage)  puis déficit au niveau de l’Etat.  Ce dernier, au lieu de tout faire pour régler ce déficit ( lutter contre le travail au noir, l’évasion fiscale, essayer de contrôler le coût de la production ),  s’est endetté, et dans le même but, pour lutter contre le chômage et relancer la consommation, il a même embauché des fonctionnaires, et racheté ou socialisé des entreprises publiques… Mais ces fonctionnaires n’ont pas été affectés en priorité  pour apporter des recettes à l’Etat (lutter contre l’évasion fiscale et  le travail au noir, contrôler les prix,  faire rentrer les amendes et les  taxes ).  Leur embauche a donc eu  surtout pour effet d’augmenter les dépenses publiques et la dette.

Pour diminuer ce déficit, l’Etat a donc décidé de privatiser certains secteurs, mais ces privatisations n’ont pas été réussies  car  les industries n’étaient plus compétitives.

Pour faire face à ces déficits, la Grèce a écouté les sirènes trompeuses qui vont serinant que la consommation aide à trouver des recettes fiscales et  a eu recours à des bailleurs de fonds qui l’ont rassurée, en versant des larmes de crocodiles et  en l’assurant que  les emprunts ne seraient que momentanés… mais pratiquant, les yeux-mi clos, des taux d’intérêts de plus en plus élevés au fur  et à  mesure que grimpait le risque de non-remboursement.  Les  dettes ont  fait boule de neige, structurellement. Elle a dissimulé ses difficultés sous les prétextes des investissements en matière de défense et des Jeux Olympiques. Ne demandant pas conseil à l’Europe, elle  n’en a pas reçu de conseils judicieux. Pire, en 2010,  elle a encore été  poussée à emprunter pour acheter des armes à des Etats européens qui souhaitaient  lui en exporter. Si la Grèce a emprunté  bien au delà  de ses capacités, la faute  retombe en partie sur ceux qui continuent même en pleine période de crise  à prôner des théories fausses, ( la consommation comme objectif ou comme  facteur déterminant de démarrage ou de  relance de la croissance)  ou ont poussé la Grèce ( et d’autres )  dans leur propre intérêt à des dépenses inconsidérées. Bilan  pour 2011  des dépenses : 350 Milliards de dettes et déficit de  8,9%,  bilan des  politiques d’austérité :  908 000 chômeurs pour un taux de chômage de 18,4% en août ( = + 48% par rapport à 2010),  et le recul du PIB  pour 2011 est prévu à – 2,8%..

 

Mais la situation grecque est moins pire qu’on ne le dit  

C’est dans cette situation extrême que la Grèce peut montrer  qu’elle est encore le pays énergique  de Thémistocle :   à la racine de ses problèmes, elle a en effet  des atouts et des ressources qui sont déjà existants  ( ce qui ne sera pas le cas de bien des pays) . La réduction de ses déficits publics  passera d’une part  par  des fonds qui devraient arriver à la Grèce sur quatre postes qui lui sont extérieurs, d’autre part par  huit postes qui représentent de graves manques à gagner ou dépenses  injustifiées et qui lui sont internes, et enfin par  plusieurs actions qui doivent lui permettre d’enclencher  une récupération rapide de fonds en interne. ( Tous ces points ont été détaillés sur http://www.1-360.net/category/grece-recente-ou-contemporaine/ ).

Quatre  points concernant des pays ou instances où la Grèce est en position morale acquise de se faire aider

1°) la Grèce a droit à des réparations suite à la guerre  qui n’ont toujours pas été versées :  ( 160 milliards réactualisés ) : les moratoires accordés à l’Allemagne encore fragile alors devraient être  logiquement levés. Un rappel  à l’ordre par La Haye ou d’autres instances s’impose, avant négociations éventuelles.

2°) la Suisse et les autres pays qui favorisent la fuite des capitaux et l’évasion fiscale ( 5 milliards en 2010, mais depuis  de nombreuses années ) par le secret bancaire doivent soit abandonner cette pratique, soit verser, momentanément et en attendant, une partie des revenus que cela leur donne , ce qui apportera de l’argent frais  à la Grèce  ( un accord en ce sens  a déjà été signé avec l’Allemagne et le Royaume Uni.)

3°)  De même  avec les paradis fiscaux ( où sont basés ses armateurs ).

4°) Les banques créancières, après un audit si possible européen pour vérifier les conditions dans lesquelles elles ont prêté ( limites normales, pots de vin ) doivent  abandonner leurs créances reconnues alors comme  illégales ou illégitimes, et accepter une renégociation sur  le reste (moratoire sans intérêts, baisse des taux d’intérêts, allongement de la période de remboursement) en partant du principe que la somme allouée au remboursement de la dette ne peut excéder par exemple 5 % des recettes de l’État. Actuellement, il est prévu que les banques abandonnent 100 milliards de créances. (  Notons cependant qu’elles demandent  – pour ainsi dire en échange – de la recapitalisation de la part de l’Europe, alors que si l’audit montrait que leurs créances étaient illégitimes, l’Europe aurait des raisons légitimes de négocier cette recapitalisation)

Ces quatre  éléments, qui relèvent tous de comportements moraux et éthiques d’ailleurs à visée universelle, –  dépendent  de décisions  souvent européennes ou d’un appui de l’Europe, et comme l’Europe sait qu’il faut  que la Grèce ne quitte pas l’Euro sous peine d’amorcer un « détricotage » de l’Europe, la Grèce peut mettre en relief  ces handicaps et présenter  l’appui de l’Europe comme une condition souhaitable à son maintien dans le cadre européen.

Huit points où la Grèce peut retrouver ses ressources ou éviter des dépenses injustifiées

Elle a déjà commencé ce processus  et l’on peut noter que, si on fait abstraction du cercle vicieux exponentiel engendré par les intérêts,  la Grèce a déjà redressé l’état de son pays (  au détriment de sa population la plus faible souvent). Elle dispose de huit gisements importants de ressources, dont certaines immédiates.

1°) Une administration inefficace alors que le personnel existe : chaque heure payée doit être super utilisée   ( voir les paragraphes suivants, + organisation générale et formation  )

2°) L’absence de cadastre : en créer un. Tout bien dont la propriété n’est prouvée par personne ( y compris ceux de l’Eglise )  est nationalisé et revendu ou loué par l’Etat.

3°)  Le travail au noir, la non- ou sous-déclaration et l’évasion fiscales, les fuites de capitaux  et la corruption sont des fléaux sévissant chez les libéraux comme chez les salariés, et  responsables d’une grande partie du déficit grec : les corriger va dégager des fonds.

Le travail au noir profite un peu, à court terme,  à celui qui travaille au noir, mais c’est surtout à celui qui  emploie/exploite ces travailleurs qu’il profite …  grâce à l’évasion  fiscale à grande échelle qui en est la conséquence.  L’Etat grec peut, sur ce créneau  retrouver des fonds rapidement  mais  aussi  à plus long terme également à condition qu’il y ait des enquêtes pour retrouver des fonds dissimulés depuis longtemps.

Par ailleurs si 23% des retraités sont « pauvres » alors que les retraites représentent le chiffre  exceptionnellement haut de 11,4% du PIB, cela montre également que certains retraités doivent toucher une retraite déraisonnable par rapport  à ce qu’ils ont réellement financé.

La corruption est un fait reconnu même s’il est caché.

On peut interdire à toutes les personnes physiques et à toutes les entreprises présentes sur son territoire de réaliser quelque transaction que ce soit passant par des paradis fiscaux, sous peine d’une amende d’un montant équivalent. On peut taxer davantage dans certains cas le capital en élargissant  l’assiette des impôts, les transactions financières, le patrimoine et les revenus des ménages les plus aisés. On peut privilégier les impôts directs (et à la source ? ).

Ces trois fléaux  prétendument  caractéristiques  des grecs sont à éradiquer au plus tôt, une décision qui relève du peuple  et de chacun, mais aussi  du travail des fonctionnaires, travail immédiatement rentable au point de vue financier pour l’Etat grec.

La Grèce retrouvera ses investisseurs grecs qui investiront chez elle et une meilleure cohésion sociale.

4°) Le statut de l’Eglise grecque qui ne paie pratiquement pas d’impôts  :  une séparation Eglise/Etat serait peut-être souhaitable,  mais en attendant l’Eglise doit se comporter en association intégralement respectueuse des lois et ne peut se dissocier de ses frères grecs. L’Etat peut aider l’Eglise grecque à se gérer normalement.

5°) Le statut des armateurs,  les premiers au monde dans leur secteur,  qui ne paient pas d’impôts sur les bénéfices de la première flotte du monde,  mais seulement une taxe en fonction de leur tonnage, sont basés dans des paradis fiscaux, battent pavillon étranger les ¾  du temps etc. représentent seulement  6% PIB et rapportent seulement 12 à 15 milliards d’euros par an.  Il est clair que les armateurs doivent laisser une partie supérieure de leurs bénéfices à leur pays.

6°) Le nombre élevé de chômeurs et le patriotisme élevé ( à promouvoir plutôt que le nationalisme ) en Grèce montre qu’il y a ici un gisement de bénévoles :  l’Etat peut probablement coordonner  une vie associative en vue de refaire du pays un pays attractif pour les touristes ( cf. les Athenistes) et un pays  qui retrouverait ses valeurs d’avant les excès et les déviances d’un matérialisme égoïste et malhonnête.

7°) Les dépenses militaires déraisonnables ( achats aux producteurs d’armes ) : les diminuer jusqu’à un ratio raisonnable et exiger de l’Europe une aide pour faire cesser les risques de guerre.

8°) Des droits sociaux trop élevés : les retraités touchent 96%  du montant  brut du dernier  salaire,  à partir  de  65 ans, contre 59% en moyenne dans l’OCDE ; les retraites représentent 11,5%  du PIB contre 7,2% en moyenne dans l’OCDE. Des réformes devraient avoir lieu  pour modifier à l’avenir des avantages devenus hors de saison, et qui  plombent le pays de bien des façons : la fin progressive des avantages passés se fera sans rétroactivité mais de façon clairement annoncée. Il est impossible de les baisser immédiatement car on voit aussi que 23% des  personnes âgées en Grèce  sont  pauvres contre 13% dans l’OCDE : c’est la conséquence du travail au noir ( estimé à 25% du PIB )   qui a évité l’imposition quand on était en activité mais n’ a pas préparé leur retraite : quand celle-ci arrive,  choisie ou forcée, le retour de bâton est terrible, entraînant également des dépenses sociales importantes, et une dégradation des êtres humains  et de leurs relations.

 

Chacun de ces douze  points qui sont des causes du déficit et des handicaps, se révèlent être également des gisements de ressources récupérables au prix d’une action qui  est à la portée des Grecs eux-mêmes   : c’est une chance qui relève  de l’exceptionnel, car ce n’est pas le cas de beaucoup de pays européens…

Les contrevenants (élus, fonctionnaires, décideurs, financiers…  ou simples citoyens )  devront verser des  réparations financières individuelles à hauteur du délit passé ou présent,  ( la prison coûte )  ou rembourser en Travail d’Intérêt Général.  Expulsion,  déchéance du droit de vote, inéligibilité, publication  des faits et des sanctions, représentent   un aspect  essentiel  de cette lutte contre ce qui a détruit la société, pour la reconstruire.

Le maximum des fonds ainsi dégagés, retrouvés ou levés, doit être affecté à ces tâches qui elles-mêmes permettent de trouver des fonds plus élevés et ont un effet de levier.

 

Une manière d’investir l’argent et les moyens disponibles

L’Etat doit utiliser sa capacité de contrôle et d’orientation de l’activité économique et financière en visant l’élargissement des exportations, l’investissement  productif qui rapporte (en particulier dans l’écologie) ce qui entraînera la création d’emplois. Pour ce faire, il peut  organiser une politique fiscale incitative  ( écologie, démographie,  formation, production ) en direction des investissements à but non lucratif, ou  à but semi-lucratif…

La reprise de la consommation interne  se fera par la justice fiscale et sociale, par des choix tournés vers l’élévation du niveau et de la qualité de vie de ses habitants pour le long terme, ( paix, écologie, baisse de la TVA sur  biens et services vitaux ) et en dehors de préoccupations  politiciennes  ou corporatistes.

En signalant qu’elle va faire  un programme pour porter son effort sur tous ces points, la Grèce, redevenue un partenaire responsable et fiable,  peut attirer les investisseurs étrangers, non pour qu’ils achètent la Grèce, ( stop  à la braderie ! ),  non pour qu’ils lui fassent miroiter des prêts, mais pour qu’ils emploient, forment, et fassent produire  les Grecs.

Enfin,  en prévoyant un tel programme, la Grèce peut faire appel à la solidarité européenne, et demander,  non que la BCE  lui accorde un prêt de plus, ! mais  qu’elle accélère sa croissance,  de manière  à éviter l’emprise trop  forte d’acheteurs étrangers.

Les fonds européens ( non des prêts ! ) peuvent être consacrés en Grèce  à la mise en place d’investissements concernant

  • une aide  au gouvernement pour moderniser la gestion du pays  ( audit des dettes illégitimes/légitimes,  administration, fiscalité, cadastre, gestion des fonds disponibles…  )

–  l’énergie (  la Grèce dépend du pétrole à 80%  alors qu’elle a du soleil, du vent et des torrents méditerranéens ),

  • le tourisme ( modernisation des structures, diversification du tourisme),

  • la culture ( rénovation du patrimoine culturel, poursuite des fouilles et des restaurations),

  • l’agriculture (modernisations et adaptation des matériels,  en pensant au changement de climat  et à l’écologie),

  • l’industrie agroalimentaire (  cesser de manufacturer  à l’étranger,  remettre des productions disparues),

  • la formation ( harmoniser les niveaux européens ).

Il faut éviter au maximum l’injection de tout ce qui alourdirait et prolongerait la dette, et  préférer des Eurobonds, des euro-obligations,  un néo-plan Marshall.

Les gisements d’améliorations possibles sont donc nombreux ! L’Europe est concernée  à plusieurs titres par ces réformes  et doit y apporter un puissant appui, d’autant qu’elle y a intérêt elle-même.

Le cas grec est loin d’être le plus compliqué que nous aurons à traiter car il dispose de ressources qui sont  en fait,  à portée des Grecs s’ils veulent les redécouvrir.

M. C.-R.