Marcel Légaut : réflexions pour rencontrer Jésus à travers les textes qui nous sont parvenus

Marcel Légaut à Fribourg, 20 juillet 1977

A la rencontre de Jésus dans la mutation actuelle (suite du n° 225)

… Il est impossible d’apprécier le degré d’exactitude des textes qui transmettent cette tradition issue des origines chrétiennes. Ils rapportent les événements comme on le faisait à l’époque, sans le souci de rigueur historique que l’esprit scientifique moderne exige avec raison. Ainsi voué à une ignorance sans remède, autant par ce qui a été ajouté que par ce qui a été omis inconsciemment ou même retranché peut-être volontairement, on ne saurait écrire une vie de Jésus avec quelque certitude que dans ses grandes lignes et non dans le détail. Ce qui reste de Jésus est semblable aux vestiges d’un édifice d’un passé lointain dont l’importance laisse encore à l’homme la possibilité, s’il s’y efforce vraiment, non pas d’en retrouver avec exactitude toutes les parties, mais de concevoir son exceptionnelle grandeur et surtout d’entrer par l’esprit dans son style. Devant ce monument d’un temps reculé qu’une végétation luxuriante et désordonnée recouvre, dissimule, mais aussi signale par son abondance même, l’homme, quand il s’y arrête avec l’attention nécessaire, est appelé à une réflexion qui le porte bien au-delà de l’architecture et de l’histoire. Il est conduit jusqu’en lui-même, là où il est non pas spectateur mais témoin. Il participe de loin mais aussi de près, du plus intime de lui-même, à cette épopée spirituelle, lumière mais aussi pierre d’achoppement, révélation d’une grandeur qui lui fait encore signe.

Les Ecritures nous rapportent ce que les premières Eglises ont compris et vécu du message et de la vie de Jésus. Même si leurs auteurs rapportent des événements du temps, des actions et des dires de Jésus de façon sommaire et simplifiée à l’extrême jusqu’à conduire parfois le lecteur, enfermé dans un univers mental tout autre, à les dénaturer, à leur attribuer une réalité et une portée sans commune mesure avec celles qui leur étaient alors données, même si en outre ces auteurs ajoutent à leurs récits quelques anecdotes de pure fabulation, quelques gloses de leur cru qu’ils jugent convenables, ils le font dans un climat très particulier qui confère indirectement une grande valeur humaine à ce qu’ils écrivent. Ce qu’ils écrivent vient de ce qu’ils vivent en profondeur et dans l’authenticité. Ces auteurs avaient la conviction, en se consacrant à la rédaction de ces récits, de se livrer à une œuvre capitale, unique, I’œuvre de leur vie, d’une vie transformée totalement par leur rencontre avec Jésus, par leur foi en Jésus. Ils le firent avec un intérêt dont témoigne, comme en écho à travers les premiers siècles de l’ère chrétienne, la ferveur de la multitude des copistes et innombrables commentateurs qui s’affairèrent autour de ces manuscrits vénérés comme les antiques tables de la loi. Même les œuvres les plus géniales de l’Antiquité n’ont rien suscité de comparable. C’est pourquoi malgré le caractère étrange de nombreux passages, les évangiles interpellent leurs lecteurs comme nulle autre œuvre. Encore faut-il que ces lecteurs aient suffisamment pris conscience de leur condition d’homme. Encore faut-il que cette lecture soit faite dans un climat suffisamment recueilli, climat qui dépasse de beaucoup la simple attention au texte. Alors les évangiles interpellent avec une force qui ne tire pas sa puissance des matériaux utilisés, des procédés de l’exposition, mais de l’universel dans lequel ils s’enracinent et dont ils portent témoignage d’une manière directe quoique encore sous une forme comme neutre et impersonnelle

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