Miséricorde et doctrine : Enjeux théologiques et ecclésiologiques du synode sur la famille
Par Ignace Berten Bruxelles, novembre 2014
Résumé La première étape du synode sur la famille vient de s’achever. Le pape François a clairement voulu ce synode sur la famille animé par l’esprit de miséricorde auquel il ne cesse d’appeler et qu’il manifeste lui-même dans ses gestes et ses paroles. Dans Evangelii Gaudium il a clairement dit vouloir redonner souffle à la collégialité.
Dans cet esprit, il en appelle à une revalorisation des conférences, mais de plus il a demandé l’implication des communautés croyantes en invitant les évêques à consulter les fidèles des paroisses. Les mois qui ont précédé le synode ont été marqués par une polarisation publique au plus haut niveau des cardinaux sur la question de l’ouverture ou non de l’accès à la communion eucharistique pour les divorcés remariés. Cette question n’est pas la plus importante ni la plus urgente concernant la problématique de la famille et des familles aujourd’hui pour l’Église. On peut se demander alors pourquoi elle a pris une telle place dans le débat public et puis dans le temps de débat au synode lui-même. Cet article montre que la raison en est que cette question constitue comme un paradigme. La mise en œuvre de la miséricorde évangélique est inopérante sans changement de doctrine. Or très majoritairement, les pères synodaux ont dit et redit qu’on ne devait ni pouvait changer la doctrine : il suffirait de mieux l’expliquer et, éventuellement par compassion, ne pas être trop regardant sur son application. Cet article analyse la façon dont le débat s’est développé lors du synode au sujet de cette question des divorcés remariés, et en souligne à la fois les tensions et les contradictions. Il montre ensuite que sur de nombreuses questions la doctrine affirmée de la façon la plus solennelle lors de conciles ou par le magistère de l’Église a de fait changé et qu’il y a, au cours de l’histoire, de véritable contradiction dans les affirmations doctrinales. Il conclut par quelques modestes conclusions et perspectives proprement théologiques. S’il peut être reconnu que sur ce point la doctrine peut changer, d’autres questions en souffrance dans l’Église pourront aussi être progressivement débloquées : ministères, contraception, homosexualité, etc.