De Freud aux neurosciences est d’abord une critique de « L’inconscient contemporain », accusé, entre autres points discutables, de laisser une part marginale au rôle pourtant fondamental que jouent la parole et la langue dans la problématique de la conscience.
A l’encontre de la position de Lionel Naccache, Edmond Cros revient en effet sur deux éléments de la pensée freudienne qui lui paraissent incontournables si on essaie de comprendre ce qu’est une représentation mentale : d’une part, la distinction entre l’impression rétinienne et la sensation, de l’autre, le ‘schéma psychologique de la représentation du mot’, où se superposent la représentation du mot et la représentation visuelle de l’objet.
Ces deux paramètres l’amènent à définir ce que nous appelons généralement ‘la conscience’ comme un univers sémiotique qui se donne à voir non pas comme un point de référence stable par rapport auquel le sujet aurait à se situer, mais comme un ensemble dynamique, étroitement dépendant des fluctuations du lien social, où, avant l’accès du sujet au symbolique, il n’y a pas plus de place pour des notions de finalité, d’intentionnalité ou de morale qu’il ne saurait y en avoir dans un autre organisme vivant. Cette instance intrapsychique du sujet, présente en effet, toutes les caractéristiques du vivant (fonctionnement autorégulé, sur le mode du discontinu et géré par des pôles de contraires), caractéristiques que la Nouvelle critique nous a appris à identifier dans le texte littéraire, sans qu’on n’ait tiré de ce constat les conséquences qui s’imposent. Or la façon dont fonctionne un texte nous renseigne, bien évidemment, sur la façon dont fonctionne la conscience. Les résultats des analyses de textes, conduites sur certaines bases qu’on peut qualifier d’objectives, doivent être considérées, en conséquence, comme significatifs, au même titre que ceux que peuvent enregistrer les neurosciences à partir des expérimentations qui leur sont spécifiques.
Professeur des Universités, Edmond Cros a occupé de 1982 à 1990 une chaire Andew Mellon à l’Université de Pittsburgh. Il préside actuellement l’Institut International de Sociocritique. Romancier et essayiste, il est l’auteur d’une série d’ouvrages de théorie littéraire qui ont été traduits en espagnol et en anglais.
Edmond CROS, De Freud aux neurosciences et à la critique des textes, Paris, L’Harmattan, octobre 2011. 17 euros.