Pour faire suite à l’article publié sur 1-360.net le 2011-10-16 par R.V., nous pouvons ajouter d’abord quelques informations datant du début de novembre qui permettent de préciser le tableau des dépenses militaires grecques et leur impact sur la crise grecque, puis quelques réflexions et suggestions pour son futur, et enfin, une réflexion sur l’imbroglio financier qu’organisent les pays vendeurs d’armes, et leur responsabilité, ( celle de leurs citoyens, la nôtre donc ) qui est dissimulée assez hypocritement.
Quelques informations datant du début de novembre qui permettent de préciser le tableau des dépenses militaires grecques
Pour l’année 2010, et même avec son statut de pays en faillite ! la Grèce reste le 4° importateur d’armes au monde pour l’année 2010, avec 6 milliards d’euros.
Ce chiffre est à comparer avec d’autres : le plan d’austérité imposé par l’Etat aux citoyens grecs permettrait d’économiser quelque 10 milliards d’euros. Je suis tentée par un raccourci un peu malhonnête il est vrai : 6 des 10 milliards économisés douloureusement vont donc être consacrés à l’achat des armes ?!!
Dans le budget militaire, il faut observer la part des salaires, une lourde charge : il y a 150.000 sur 800.000 fonctionnaires.
La Grèce consacre 4,3% de son PIB en dépenses militaires, un montant qui peut être comparé à celui des 4% du PIB consacré à l’éducation ( et l’on sait qu’en Grèce, les parents doivent souvent, bon gré mal gré, offrir à leurs enfants des cours particuliers, le niveau et le mode d’enseignement public nécessitant des complément extérieurs ) : encore un raccourci facile pour montrer que l’Education est pénalisée par ce budget militaire ?
Le budget grec de la Défense s’élève à 4,9 milliards d’euros, nous dit-on. En ce cas, en 2010, la Grèce a acheté pour 6 Milliards d’euros : elle a donc réussi le tour de force d’emprunter pour faire ses emplettes ! Nous y reviendrons.
Ce budget est certes en hausse incessante depuis des années. Mais si on se risque à des évaluations, ( on commence à réfléchir ainsi avant d’affiner ), il faut envisager d’additionner les budgets passés pour en mesurer le poids. Ainsi à supposer que ces dépenses militaires ont duré 30 ans, cela représenterait une somme de 150 milliards d’euros. Ce chiffre est à rapprocher du montant de la dette : on parle souvent de 300 milliards. Il est certes impossible de vivre actuellement sans budget militaire, mais en le ramenant à 1,9 % du PIB (comme la France ), cela voudrait dire que, si la Grèce s’était limitée à un budget militaire de 1,9% de son PIB pendant 30 ans, elle aurait pu ne dépenser que 75 milliards.
Quelques réflexions et suggestions pour son futur
Si la Grèce décidait de ne pas dépasser des valeurs moyennes comme par exemple le budget militaire de la France par rapport au PIB ? ( 1,9%), si elle le décidait, si elle le pouvait, un budget militaire de la moitié représenterait une belle différence à long terme…
Certains des militaires pourraient fort bien et assez facilement être reconvertis en fonctionnaires de police, de sécurité, en éducateurs, en enseignants, en techniciens : des métiers qui tous, apportent réellement de la richesse au pays, à court et à long terme.
Une réflexion sur l’imbroglio financier qu’organisent les pays vendeurs d’armes, et leur responsabilité (celle de leurs citoyens, la nôtre donc) qui est dissimulée assez hypocritement
On sait que parmi les plus gros vendeurs d’armes au monde, figurent en bonne place deux Européens : l’Allemagne (6°) et la France (4°).
Pour l’année 2010, nous avons vu que la Grèce a réussi à acheter pour 6 milliards d’euros d’armes, et, selon l’agence Reuters, malgré la faillite grecque, la France et l’Allemagne presseraient malgré tout aujourd’hui encore la Grèce d’ acquérir des armements. Certains officiels grecs confiant en privé que Paris et Berlin utilisent la situation de crise de la Grèce pour avancer des contrats ou régler quelques litiges sur le paiement de ces dépenses.
Interrogé sur l’utilisation de la situation de crise dans son pays par les fournisseurs d’armes européens pour les pousser à acheter des armes, le ministre grec de la défense, Panos Beglitis répond que la pression a toujours existé de la part des pays exportateurs d’armes et qu’il n’y avait « aucun lien avec la crise actuelle ».
Cependant, lorsque la Grèce a emprunté pour acheter des armes, qui se frottait les mains lorsqu’elle achetait ? Les pays vendeurs d’armes … Quelles sont les banques qui ont alors prêté à la Grèce ? Il y a fort à parier que c’étaient les banques des mêmes pays, rassurées qu’elles étaient par ces marchés passés d’Etat à Etat… Les banques ont alors oublié de chausser leurs lunettes pour observer si les créances étaient solides. Ont-elles oublié ou ont-elles fermé les yeux ? Ce n’est pas pareil, car leur responsabilité est différente ! Et les Etats, étaient-ils de purs philanthropes lorsqu’ils aidaient indirectement la Grèce à s’armer ? Ne connaissaient-ils pas la situation en 2010 ? La guerre était-elle si pressante ? Ou n’était-ce pas une autre guerre, et l’ennemi n’était-il pas celui qu’on laissait supposer ?
Mais aujourd’hui, en 2011, lorsque la Grèce est tentée, est poussée, d’acheter alors qu’elle est, à la face du monde, en faillite réelle, comment se fait-il qu’elle pourrait encore trouver des banques assez crédules pour lui faire crédit ? Ce seraient naturellement des banques à qui les Etats vendeurs d’armes persuasifs et intéressés auraient sussuré : « Certes , vous allez avoir une créance « pourrie » mais vous aurez un client de plus , au moins un moment, et vos intérêts sont élevés, et de plus nous nous engageons à ce que vous soyez recapitalisés si vous deviez plus tard faire une croix sur une partie du remboursement »…
Prenons une comparaison : soit un groupe de 30 amis solidaires. L’un d’entre eux, M. Renard, réussit à vendre une voiture de sa fabrication à un autre, M. Paon, pour qui c’est un luxe superflu et qui fait ici une folie bien déraisonnable… Pour l’acheter, M. Paon s’endette dans une Banque qui trouve ainsi un client de plus. Pour des raisons différentes, M. Renard et M. Paon sont très satisfaits, le banquier aussi. Mais, bientôt, M. Paon ne peut plus faire face aux échéances, le banquier prend des intérêts de plus en plus élevés et la dette s’alourdit. M. Renard le conseille, voire le rudoie pour qu’il rembourse ses dettes ! Mais bientôt M. Paon est sur la paille ! Tant pis pour lui ! M. Renard alors, se fait l’avocat du banquier auprès de tous ses amis : le banquier veut bien effacer la moitié de la dette de M. Paon, mais il faut que les amis se cotisent pour la lui rembourser. Les amis vont-ils consentir ?
Quel est celui qui a tiré le plus d’avantages dans cet imbroglio habilement tricoté ?
On n’entend pas les pays vendeurs d’armes conseiller à la Grèce des économies en matière militaire : c’est que charité bien ordonnée commence par soi-même et que nos gouvernants pensent à notre propre chômage. Vendeurs d’armes et créanciers de la Grèce lui font la leçon… alors qu’ils en mériteraient une bonne eux aussi. ( Et nous ne vendons pas des armes qu’ à la Grèce , mais aussi, tout aussi cyniquement, à des pays encore plus pauvres, encore plus loin… et parfois à des gouvernements indignes de les acheter. )
L’Europe, tout au contraire, doit non seulement ne pas vendre d’armes dans ces conditions, mais encore contribuer à faire baisser les tensions entre pays et entre voisins.
Il est évident que les avantages que les vendeurs d’armes et les banquiers ont reçus, lors de cette opération, doivent servir à apaiser et réguler une situation dramatique. Ainsi , le banquier peut considérer qu’il a déjà tiré profit de l’emprunt qu’il a permis à M. Paon de souscrire, contrairement à la déontologie de son métier ; M. Renard pourrait reconnaître qu’il a bien profité de son « ami » puisque la vente de sa voiture lui a permis d’investir ailleurs et de faire d’autres bénéfices ; les 28 autres amis, qui n’y étaient pour rien, mais qui sont de vrais amis, peuvent tous mettre un peu la main à la poche, et M. Paon, depuis sa botte de paille, peut demander une aide pour redémarrer et promettre qu’on ne l’y prendra plus !
Les suggestions de réaménagement de la dette grecque et des créances des banques doivent et peuvent tenir compte des faits exposés ci-dessus.
Et il ne peut être question de dire ni qu’on est solidaires sans avoir défini les responsabilités de chacun, ni qu’on reste dans l’euro sans avoir défini les modalités à payer pour y rester.
Pour le moment, Monsieur Renard et le Banquier espèrent faire contribuer à égalité avec eux les 28 amis et se soucient en réalité fort peu de M. Paon : « ça lui apprendra », disent-ils, la bouche en cœur. Oui, à condition qu’il ne meure pas de faim.
La question du budget militaire permet ainsi de prendre conscience des imbroglios entre Etats et Banques.
Cette situation expliquerait-elle que France et Allemagne voudraient éviter qu’on discute de façon transparente et avant le referendum, des modalités nécessaires pour que la Grèce puisse rester dans la zone euro, et qu’elle choisisse en connaissance de cause ?
I.L.