Crise grecque : une déclaration de défaut partiel est-elle possible ? le cas de l’Argentine ( 2011-11-07)

On évoque un abandon des créances grecques, une renégociation, de la part des Banques qui demandent en échange une recapitalisation, lourde charge pour la solidarité européenne dont les pays sont déjà en difficulté.

Cependant, dans une situation où l’on est endetté, voire surendetté, à des taux qui grimpent dans une spirale infernale au fur et à mesure que la situation se dégrade,  il faut parfois accepter de déclarer la faillite.

Le cas de l’Argentine qui se déclara en faillite est intéressant.

Argentine

Grèce

Dans les années 1990,  la dette  a atteint les 147 milliard de dollars ( + intérêts +++ ,  et refinancements d’urgence à taux usuraires )

En ce moment, la dette atteint 35O milliards d’euros. Les taux d’intérêt pour la Grèce peuvent atteindre jusqu’à 200 % actuellement !  C’est pourquoi elle vit sous perfusion grâce au FMI qui lui prête à des taux plus bas !

Sa dette représentait 3 fois les dépenses courantes, 6 fois celles liées à l’assistance sociale et 23 fois les montants destinés aux plans d’aide à l’emploi.

Une situation du même genre.

Le déficit du budget est de 8,9%  pour 2011

La déflation, la récession pendant 4 ans, chute du PIB de 11% en raison de taux d’intérêt exorbitants qui frustraient toute tentative de réactivation…

Le PIB grec s’est effondré depuis le début de la crise. On prévoir un recul du PIB à – 2,8% en 2012

Cela a donné lieu  à une catastrophe sociale (54% de pauvres, 35% de chômeurs et la famine pour les plus démunis, accentuée à chaque effort pour rembourser les créanciers) ( salaires diminués, impôts augmentés, budgets sociaux diminués, âge de la retraite repoussé et montant diminué.

En 2011, en Grèce il y  a 908 000 chômeurs ; le  taux de chômage 1 atteint 8,4 % en août 2011, soit + 48% par rapport à 2010.

L’emploi public  y a diminué de 20%, les pensions ont baissé de 10% , la TVA a été augmentée et la santé et l’éducation ont été détruites sans ménagement.

On a privatisé des biens publics (compagnies pétrolière, d’électricité, de téléphonie et de gaz) et promettait d’accélérer les privatisations prévues (Banque nationale, entreprises publiques dans les différentes provinces, loterie, universités).

En Grèce, la privatisation a commencé.  On trouve des acheteurs intéressés par des produits bradés aujourd’hui.

 Contrôle et aide du FMI et des USA

Contrôle de la BCE

But : que les créanciers récupèrent un peu de fonds en reportant tous les sacrifices sur la population et en transférant des titres dévalorisés aux États. Cela leur permet d’assainir leurs bilans et de réduire les pertes occasionnées par l’impossibilité du recouvrement.Cette situation dura plusieurs années : pendant ce temps fuite des capitaux vers… les banques !! Depuis cette époque, les fonds expatriés représentent encore bien plus que la dette publique du pays.Pour remercier les banquiers d’être patients, on leur a fait des faveurs (Plan Baker et Plan Brady)

Idem

Idem

1°) Mais le déficit budgétaire argentin n’était que de 3,2%

Alors que celui de la Grèce atteint 10,5%

2°) Les banques créancières en Argentine  ont transféré au plus vite leurs avoirs, et c’est pourquoi le FMI a pu accepter la cessation de paiement de l’Argentine

Alors qu’en Grèce les banques qui ont des créances pourries ne l’ont pas fait, et c’est pourquoi la BCE ne peut accepter que la Grèce se déclare en cessation de paiement à moins d’accepter que les banques allemandes et françaises perdent beaucoup.

3° ) Pour gérer cette crise le FMI était supervisé  par les Etats-Unis

Alors que l’Europe n’est pas si expérimentée, ni si forte, ni si unie

4°) en 1990-2000, le monde ne connaissait pas la crise

Alors que le monde depuis 2008 connaît la crise et maintenant la crise se révèle au  niveau de l’endettement d’Etat.   Les passifs de la France, de l’Allemagne, du Japon et des États-Unis représentent respectivement 81%, 80%, 220% et 91% du PIB de ces pays.

En 2001 les petits épargnants, qui avaient prêté à l’Etat,  prirent peur et retirèrent en masse leurs fonds. Le gouvernement réquisitionna les petites épargnes. Emotion, mais qui ne déborda pas les frontières.

Mais en Grèce ce sont surtout les banques européennes qui ont prêté à l’Etat grec. Si les petits épargnants grecs retirent leurs fonds, le risque n’est pas pareil.

Les Argentins étaient présentés avec beaucoup de défauts  et jouissant d’une grande aisance

Idem

L’exemple argentin permet de le dire : aucun programme ne peut réellement  faire face aux dettes si le paiement de créanciers à ce niveau est maintenu. La dette est tellement colossale que même avec une croissance annuelle soutenue pendant 50 ans, elle ne parviendrait pas à diminuer son passif au niveau des critères fixés par l’Union européenne… On voit que le refinancement direct des Banques par des Etats ou des groupes d’états ou la pression sur les citoyens d’un pays pour rembourser les Banques, sert  essentiellement aux Banques.

Que s’est-il passé en Argentine après cette cessation de paiement ?  

La cessation de paiement de l’Argentine s’est prolongée pendant plus de trois ans. Elle a affecté les créanciers privés, mais pas les organismes multilatéraux (le FMI a obtenu le remboursement anticipé de tous ses prêts). Plusieurs cycles de négociations ont eu lieu avec les détenteurs de titres. En 2005, un échange a eu lieu avec trois taux de décote d’entre 50 et 60% de la valeur originale. Une minorité de créanciers n’a pas accepté cette proposition et a été convoquée à un second échange de titres, qui a récemment abouti.

Le montant total de la dette argentine s’est significativement réduit en comparaison des exportations et du PIB (48% de ce dernier). Les engagements ont été postposés et la moitié du passif a été libellée en monnaie nationale (avec une part spécifique des obligations dans le service public lui-même

Ce qui s’est passé en Argentine indique que la suspension de paiement est réalisable et opportune pour les débiteurs poussés à une situation d’asphyxie. La cessation partielle des déboursements a donné un ballon d’oxygène à l’économie nationale, pendant la période critique de récupération qui a suivi le défaut. Ce soulagement a permis de négocier dans de meilleures conditions financières l’échange de la dette. Le résultat de cette opération a dégonflé comme une baudruche tous les cauchemars propagés par les banques afin de terroriser les débiteurs. Le pays ne s’est pas retrouvé « en dehors du monde », il n’a pas perdu de marchés pas plus qu’il ne s’est transformé en « paria de la communauté internationale ». Les biens du pays à l’étranger n’ont pas non plus été confisqués. Toutes les lugubres prédictions agitées frénétiquement par les financiers ont été réduites à néant.

Certes, le peuple argentin a souffert d’une terrible dégradation de son niveau de vie. Mais ces peines avaient précédé le défaut et furent provoquées par les mesures imposées par les banques. La cessation de paiement n’a ajouté aucune souffrance supplémentaire au bain de sang social de cette période.

De nombreux économistes de l’establishment soutiennent que la voie « agressive » suivie par l’Argentine a provoqué plus de malheurs que la voie « amicale » suivie par d’autres nations latino-américaines (comme le Brésil, l’Uruguay ou la Jamaïque). Mais cette affirmation ne repose sur rien. L’Amérique latine est passée par de nombreuses expériences de moratoires et l’Argentine elle-même en a connu plusieurs (par exemple entre 1988 et 1992).

Aucune donnée ne vient en étayer le caractère approprié. La négociation du défaut ou son imposition de facto, ne réduit pas en soi les restrictions supportées par le peuple. L’histoire économique contemporaine enregistre, en outre, une variété innombrable de crises de paiements, avec des processus négociés tout aussi douloureux. Ainsi des cas très documentés (comme l’Allemagne en 1953 ou l’Indonésie en 1971) ont permis d’exiger d’importantes contreparties auprès des créanciers.

Les grandes leçons de l’exemple des faillites

Dans les débats sur ces événements, il convient de retenir les trois grandes leçons de l’Argentine  et d’autres pour la Grèce.

– il est nécessaire de déclarer une faillite partielle avec une suspension unilatérale des remboursements

– il faut le faire au bon moment : il aurait été mieux de le faire avant d’avoir perdu toutes ses ressources ; il faut le faire avant que les banques aient négocié tous leurs titres toxiques

– il est également indispensable de mettre immédiatement en pratique un audit de la dette. ( ce qui a été impossible en Argentine à cause des lobbies (des banques en particulier ) mais qu’a fait l’Equateur par exemple : définir la dette légitime et la dette illégitime ( ou dette odieuse ) permet de savoir comment négocier pour éviter si possible une faillite totale.

– il faut contrôler les mouvements de capitaux , voire les empêcher  :  fuites et évasions, en particulier celles qui se font dans l’illégalité  car suite  à des gains non déclarés ou non fiscalisés  ). Il faut étudier l’expropriation éventuelle de certaines banques (  négociation possible puisqu’on suspend les remboursements qu’on doit leur faire …)

Tout cela doit être fait avant la déclaration de suspension du paiement de la dette (ou en modifiant le type de change)  et rapidement, ou par surprise, sinon les fuites de capitaux  vont mettre à mal la convertibilité, donc générer de l’inflation.

Conclusion sur cet exemple  

Certes, dans le cas de l’Argentine, la déclaration de faillite totale a inauguré des  années difficiles, mais le maintien du paiement de la dette entraînait tant de souffrances qu’il devenait impossible d’y faire face plus longtemps et pour longtemps.

Dans le cas de la Grèce, cette déclaration ne sera pas soudaine et ne doit pas être totale : un atout en moins ( d’où des fuites de capitaux ) mais un atout de plus ( la solidarité européenne vis-à-vis de banques dont  on cherchera à déterminer  les gains passés obtenus grâce aux emprunts qu’elles ont  accordé avec des intérêts qu’elles ont  toucé en partie, les responsabilités et les capacités de compensation).