(2011-11-07) Monde de la finance : crise grecque, crise mondiale. Sortir de l’euro ou faire sortir (partiellement) le banquier qui a exagéré ?

Sortir de l’euro est-il possible ?

 Certes « Aucune sortie, ni expulsion de la zone euro n’est possible d’après le traité de Lisbonne« , mais est-il prévu qu’une voiture sorte de la route pour tomber dans un ravin ? Cela arrive néanmoins : c’est un accident ou une catastrophe… On peut peut-être expliquer à un conducteur imprudent ce qui se passerait s’il  prend son virage à 90 km/ h… et qu’il le prenne alors à 50 ?

Et si la Grèce, par catastrophe,  rompait  avec l’euro ? Que se passerait-il ?

 – elle  récupérerait sa monnaie nationale : possible,  mais il faut , auparavant, avoir assuré ses réserves en empêchant la fuite frénétique des capitaux qu’accompagnerait un virage économique reconnu comme fort risqué. Ce n’est qu’en intervenant sur les banques et au travers d’un strict contrôle des changes qu’il serait possible de contrebalancer la perte des devises.  Tout cela doit être fait avant une déclaration  soudaine de sortie de l’euro ou de suspension soudaine du paiement de la dette (ou en modifiant soudain le type de change)[1]. Il semble que cela soit presque trop tard dans le cas grec : beaucoup d’évasion a déjà eu lieu.

– sa monnaie serait sûrement très dévaluée, vu les circonstances, par rapport à la monnaie commune. Mais comme la dette contractée par l’Etat, les entreprises et les ménages grecs l’a été en euros, ils devraient donc rembourser dans une monnaie dévalorisée, ce qui augmenterait d’autant la charge.  Au final : chute du pouvoir d’achat, baisse de la consommation, chômage, récession, et taux prohibitifs sur le marché de la dette.  Donc, sortir de l’euro serait une catastrophe de plus, à moins que la Grèce ne se mette en défaut de paiement.

– La dévaluation serait  d’abord un atout pour les exportations du pays qui fonctionnent encore. Mais le prix de tous les produits importés serait renchéri, et progressivement les exportations de produits transformés et le commerce maritime  s’en ressentiraient : l’autarcie est difficile à notre époque. Du chômage s’en suivrait

– L’inflation s’envolerait sur les produits importés, et la consommation baisserait, d’où également du chômage. Le tourisme, en réalité une « exportation »,  sera découragé, d’où du chômage.

 Ces quatre conséquences montrent  que  dans les conditions actuelles, la sortie de l’euro (et de l’Europe)  n’est pas viable pour la Grèce sur un plan  financier. ( Bien entendu, les conséquences seraient aussi très graves pour l’Europe,   et contribueraient  à accroître la crise mondiale  dont souffrirait aussi la Grèce ).

Mieux  vaut pour la Grèce que la Grèce reste dans l’euro, quitte à se déclarer en défaut partiel.

Se déclarer en défaut partiel : avantages et inconvénients ?  est-ce possible ? comment ?  

 Il faut donc que la Grèce reste dans la zone euro. Or c’est également le souhait de l’Europe, et même son besoin. Dans ces conditions, la Grèce peut demander  à l’Europe d’appuyer sa demande auprès des banques pour que celles-ci remettent ses dettes en tout ou partie.

 En effet, lorsqu’un pays était visiblement hors d’état de rembourser,  on a déjà pratiqué des annulations de dettes dans le passé  ( voir http://fortune.fdesouche.com/14308-les-annulations-de-dette-et-suspensions-de-paiement-dans-le-passe)   , des moratoires, des abandons de créances etc.

 Il y a deux façons complémentaires d’y réfléchir pour la Grèce :

 1°)  On peut s’inspirer de ce qui avait été fait pour l’Allemagne après la seconde guerre mondiale.  On peut estimer que le montant de la part du budget de l’État destiné au remboursement de la dette doit toujours être plafonné en fonction de l’état de l’économie, de la capacité des pouvoirs publics à rembourser et du caractère incompressible des dépenses sociales.  Ainsi l’Accord de Londres de 1953 sur la dette allemande qui consistait notamment à réduire de 62 % le stock de la dette stipulait que la relation entre le service de la dette  et  les revenus d’exportations ne devait pas dépasser 5 %. On pourrait donc définir un ratio de ce type : la somme allouée au remboursement de la dette ne peut excéder 5 % des recettes de l’État.  L’Allemagne a plusieurs fois bénéficié de moratoires et en particulier n’a toujours pas versé à la Grèce les réparations de la guerre pour ces raisons…

 2°) On peut également faire établir d’abord  la responsabilité des créanciers qui ont abusé d’abord en fermant  les yeux sur des emprunts inconsidérés, ensuite en pratiquant des taux très élevés quand la Grèce commençait à devoir emprunter pour payer sa dette et a eu sa note dégradée de ce fait, entrant dans une spirale infernale ; ensuite  le fait qu’ils ont largement profité de ces intérêts élevés et compté sur la solidarité des autres lorsque le risque  se concrétiserait ; enfin que rien ne leur a servi de leçons et qu’ils déjà pris des mesures égoïstes au détriment des pays en déficit.

Cette responsabilité permet de définir en compensation,  ou en sanction, quelle partie de la dette ils doivent effacer. Cet état de la dette illégitime/légitime  peut se faire par un audit des emprunts publics grecs, audit sous contrôle  ( participation citoyenne et contrôle indépendant etc. pour garantir objectivité, transparence et autorité  à  cet audit.) . Avec un audit international,  la décision sera cautionnée et légitime.

A partir de ce constat, le gouvernement et l’opinion publique  grecque et internationale aura  les preuves et les arguments nécessaires  à la légitimité soit d’une annulation/répudiation/suspension, immédiate, unilatérale et souveraine, du remboursement de la partie illégitime de la dette publique ( on parle parfois de la « dette odieuse ») ,  ou à un moratoire, sans ajout d’intérêts de retard, sur les sommes non-remboursées.

Le remboursement  de la dette légitime restante  sera négocié  dans l’esprit des 5% vus plus haut : abandon des créances, baisse des taux d’intérêts, allongement de la période de remboursement.

Comme les 350 milliards de dette grecque font 3% seulement des dettes européennes ( l’Italie pesant 17%), cette annulation totale ou partielle serait donc supportable par le monde de la finance qui peut se serrer les coudes.

Ce défaut partiel sur la dette  illégitime doit s’accompagner d’autres mesures parmi lesquelles :    des réparations financières individuelles à hauteur du délit, (la prison coûte ) à verser par les personnes convaincues de délits  à  propos de la Dette  ( élus , fonctionnaires, décideurs, financiers… publics et privés ) ; une liste des détenteurs de titres  pour indemniser parmi eux les personnes les plus modestes  et des petits porteurs de titres de la dette publique qu’il conviendra de rembourser normalement ( discrimination positive ).

On inscrira dans la loi l’interdiction de socialiser des dettes privées, l’obligation d’organiser un audit permanent de la politique d’endettement public avec participation citoyenne, l’imprescriptibilité des délits liés à l’endettement illégitime, et la nullité de dettes illégitimes…

Dans les deux cas,  l’organisation d’une solution légitime permet de sortir d’une crise de façon juste et fructueuse.

 Elle permettra d’éviter plus tard d’autres crises ayant les mêmes causes et les mêmes effets, accélérera les résolutions des crises qui sont déjà en vue  et  permettra le rétablissement plus rapide de la Grèce et des pays déjà  touchés. Elle tirera aussi le signal d’alarme pour un monde de la finance qui ne croit jamais courir de risques lui-même.

La Grèce pourrait, non pas attendre passivement et  humblement qu’on abandonne des créances, mais demander un audit, si possible européen et plus autorisé de ce fait,  pour faire la part entre les créances légitimes et celles qui relèvent d’un monde financier qui a pensé à ses propres intérêts avant celui de son « client », et a parfois poussé à des emprunts de façon exagérée.


[1] En Argentine, ces mesures ne furent pas adoptées et le résultat fut un effondrement chaotique de la convertibilité, au milieu de l’inflation et de l’appauvrissement de la population.