Les voisins voient deux familles en pleine croissance : l’une emprunte pour acheter parce que le père pense qu’en faisant vivre le commerce de sa rue, son appartement prendra de la valeur ; la mère pense qu’en dépensant plus en produits de beauté elle restera jeune et sera plus aimée, le fils ainé parce qu’il pense qu’en dépensant largement, le banquier impressionné continuera à lui faire des fleurs, la fille aînée parce qu’elle pense qu’en étant habillée à la mode, un patron l’embauchera, et le cadet parce que … tant qu’on peut dépenser, il ne faut pas s’en priver, etc etc.
La famille d’à côté, vous imaginez, à peu près l’opposé : elle préfère mettre de côté régulièrement pour un projet construit ensemble , et ensuite soit payer cash en marchandant et en obtenant une bonne réduction, soit payer par mensualités sur quelque chose de déjà mis de côté qui rapporte des intérêts. Elle préfère fonder sa vie sur des valeurs moins superficielles . Un système qui fait moins d’espoirs mirobolants et un aspect moins reluisant, mais qui, ma foi, marche fort bien !
Le mot croissance est ambigu.
Si elle est fondée sur de nouvelles dettes (embauches publiques et augmentation du smic par exemple) qui ne sont là que pour faire repartir de la « consommation » c’est une illusion : certes la consommation va repartir un an ou deux ( encore faudra-t-il faire attention à la provenance de ce qu’on achète si c’est la croissance française qu’on veut faire repartir ), mais après, ce sera l’inflation qui la « mangera » et aucune exportation n’aura été faite : il y aura eu simplement un peu plus de cotisations sociales versées et peut-être un peu moins de chômeurs.
La croissance ne doit se faire que sans augmentation de la dette et surtout sans penser que, automatiquement, sûrement, « ça ira mieux demain » !
La croissance doit être quelque chose de concret fondé sur du solide ( du passé ) et non sur des « espérances » futures, sur une réalité même modeste et non sur une apparence trompeuse.
On ne doit emprunter que si on a une certitude de pouvoir rembourser.
Les méthodes antérieures ( relances de la consommation individuelle ou étatique ) ont prouvé leur inefficacité, et lorsque cela n’a pas correspondu à de vrais besoins, on peut parler de gaspillage : il aurait mieux valu que les mêmes sommes soient consacrées à du remboursement. Evidemment , c’était moins médiatique.
Il s’agit donc de mettre en route une croissance immédiate et progressive par la réduction des dépenses inutiles, des impôts supplémentaires sur les revenus qui sont basés sur la spéculation, la suppression des niches fiscales ( à moins qu’on ne démontre qu’elles rapportent réellement à l’Etat finalement : il paraît pour le moment qu’elle représentent 100 milliards d’euros par an en France : rapportent-elles annuellement au delà de cette somme ? ), et une croissance à long terme par les investissements choisis dans cette optique ( matériel, industrialisation, formation, éducation, mais aussi naissances ) : ces investissements coûtent au départ mais rapportent ensuite ( une baisse démographique est quasiment irrécupérable dans notre société actuelle : or ce sont là de vrais consommateurs qui manquent là… et non de la consommation artificielle « de luxe » encouragée chez tous au prix de dettes. Notre augmentation de population actuelle en France se fait par l’allongement de la vie des personnes âgées et non par les naissances, et le poids des retraites sera difficile pour chacun comme pour l’Etat ).
L’Allemagne a connu un temps difficile lors de l’absorption de l’Allemagne de l’Est et a fait en sus d’énormes efforts de saine gestion. Elle en recueille aujourd’hui les fruits : elle devrait plutôt être un modèle pour nous ( sur ce plan du moins ! ) , alors que certains, dont des pays en décroissance, essaient – encore aveuglés – de l’attirer vers le mirage d’une croissance dorée auquel ils se sont laissés prendre, mais qui n’est que bulle de savon.
Si l’Allemagne ( qui est très endettée elle aussi , même si sa balance d’exportation est meilleure tant qu’elle a des acheteurs, mais ceux-ci vont se raréfier ) se laisse elle aussi entraîner dans cette démagogie de fausse croissance, ce sont les dettes de l’Europe qui seront insolvables.
Néanmoins l’Allemagne doit aussi envisager que des mesures d’austérité seules ne peuvent qu’induire récession accélérée, contraction, déflation sur les produits superflus et inflation sur les produits nécessaires, et injustice pour tous ceux pour qui compte chaque euro.
Elle doit faire évoluer le système actuel où la BCE/BCI prête aux Banques à 1%, lesquelles Banques sont libres de fixer les intérêts pour prêter aux Etats ( c’est à dire dans les faits, des intérêts de 2% pour les pays « sûrs », 4 % environ pour la France, de plus en plus élevés quand le pays est aux abois, jusque 14 % et plus à la Grèce, !! ) : car ce système est précisément celui qui a incité les Banques à laisser des Etats emprunter pour des politiques au-delà du raisonnable, voire à les inviter ou les inciter à le faire … Et les Etats européens se sont laissé convaincre plus ou moins, non pas tant pour répondre à de vrais besoins de leurs citoyens, que pour se faire réélire sur une belle croissance; ils ont, dans une crise de « consummite » aiguë très contagieuse, poussé leurs concitoyens à faire de même, bref à faire grossir cette croissance illusoire ( « oh ! le bel hôpital » : mais il n’est pas payé en fait …), et finalement faussé le jeu mondial de l’économie et du bon sens.
C’est une chance de pouvoir faire encore cette réforme car tous les pays le voient maintenant : ce système ne répond pas à notre besoin actuel et a mis en marche une machine infernale. Il faut le modifier avant que, comme la chèvre de monsieur Seguin, la dette mange l’Europe toute crue quand elle se sera bien battue…
L’Europe peut se libérer de ce système qui ne date que de 1973 en France et que de 1991 en Europe !
L’Europe l’a fait, elle peut le défaire.
G. Abbot