Des protections maison, solidaires et altruistes, c’est mieux que rien… si on est obligé de sortir.
Article du Quotidien du médecin (02-04-2020). Titres modifiés par nous.
Ce spécialiste de santé publique estime que la meilleure façon de mettre fin à l’épidémie serait de généraliser le port du masque pour tout le monde, fût-il en tissu, comme de règle dans son CHU, à Grenoble.
Lors de la conférence de presse très pédagogique du Premier ministre le 28 mars, Olivier Véran, ministre de la Santé, a évoqué « des masques alternatifs : anti-projections ». De quoi s’agit-il ?
Jusqu’à présent, le discours officiel sur les masques médicaux était centré sur la protection de la personne qui porte le masque, enjeu vital pour les soignants. On sait que les masques FFP2 assurent le plus haut niveau de protection et sont réservés aux professionnels de santé en contact avec des patients infectés. Il y a aussi les masques dits « chirurgicaux », moins protecteurs, qu’il est recommandé de mettre aux patients infectés pour éviter qu’ils disséminent le virus. Mais qu’en est-il des porteurs sains, ces personnes qui sont infectées sans le savoir car elles n’ont pas ou peu de signes et ne seront donc pas testées ?
Il faut rappeler que le virus se disperse essentiellement par les voies aériennes. Une personne infectée, qu’elle ait ou non des signes d’infection, émet quand elle respire et quand elle parle un petit nuage de microgouttelettes chargées de virus. Ces gouttelettes se dispersent dans l’air et retombent sur les surfaces proches où le virus va persister plusieurs heures.
Le périmètre contaminé mesure théoriquement moins d’un mètre, mais il est plus grand si la personne tousse ou éternue. Si une autre personne touche une surface ou un objet contaminé, elle garde du virus sur sa peau jusqu’au prochain lavage de ses mains et peut se contaminer à son tour en se touchant une muqueuse. Ainsi une personne qui fait ses courses peut-elle se contaminer en touchant un objet, ou un fruit, ou un légume, à proximité duquel une personne infectée aura respiré.
Les gens qui n’ont pas de symptômes doivent quand même ! se soucier toujours de protéger chaque autre personne de leurs propres postillons qui peuvent être infectés sans qu’ils le sachent…
Il paraît évident que le port d’un masque, quel qu’il soit, qui couvre le nez et la bouche, limite le périmètre de dispersion du virus et la probabilité de contamination des surfaces. Il serait logique de recommander à toute personne qui sort de son domicile de porter un masque. Mais on ne possède pas assez de masques médicaux pour mettre en œuvre une telle mesure. Les masques médicaux sont réservés aux soignants (et il en manque) et aux patients diagnostiqués malades du Covid-19.
Mais la majorité des gens infectés n’ont pas ou peu de symptômes et sortent pour faire leurs courses ou autre activité et contribuent à disperser le virus. Ces personnes pourraient, tant qu’on n’aura pas assez de masques médicaux, porter des masques en tissu ou même des foulards. Il suffit en effet que le nez et la bouche soient couverts pour que le périmètre de dispersion des gouttelettes et du virus soit diminué.
Ainsi les hygiénistes et infectiologues du CHU de Grenoble-Alpes ont imaginé une procédure qui recommandait le port d’un masque pour toute personne circulant dans l’hôpital. Les soignants travaillant dans le parcours des patients Covid et dans les unités Covid, devaient porter des masques FFP2, les soignants des autres unités avaient des masques « chirurgicaux », et tous les autres, patients, visiteurs, personnels techniques, logistiques et administratifs devaient porter un masque en tissu fabriqué sur un patron largement diffusé.
Un masque système D est mieux que rien, même si pas homologué… Il bloquera beaucoup de nos postillons et de nos éventuels virus, pour la santé des autres
Cependant les autorités sanitaires n’ont pas validé la procédure du fait de l’absence d’homologation des masques en tissu à la production artisanale. De fait on peut comprendre le réflexe d’une autorité qui ne peut donner son aval à un usage ou un produit dont l’efficacité n’a pas été démontrée. D’ailleurs, Olivier Véran a présenté les « masques alternatifs » en précisant qu’ils étaient en cours d’homologation. Il n’a pas été dit clairement à qui seraient destinés ces masques mais il est évident qu’ils devraient (devront) être utilisés par l’ensemble de la population. On comprend que c’est l’insuffisance d’équipements validés qui empêche les autorités sanitaires de recommander l’usage systématique des masques.
Nous pensons qu’il n’est pas nécessaire d’attendre pour recommander le port de masques en tissu anti-projections pour l’ensemble de la population. Les médecins généralistes qui se trouvent en première ligne dans la lutte contre l’épidémie voient chaque jour plusieurs patients. Parmi ces patients, il en est qui n’ont pas de signes d’infection et qui peuvent contaminer le cabinet médical et le médecin, si celui-ci ne porte pas de masque FFP2. Le port d’un masque, quel qu’il soit, par tous les patients quel que soit le motif de consultation, permettrait de diminuer le risque de contamination.
Une prévention (imparfaite certes) mais de bon sens, facile et pas coûteuse, en l’absence de mieux. Protégeons les autres de nous-mêmes car nous sommes peut-être porteurs du coronavirus sans le savoir…
L’éditorial du 28 mars du JAMA (Journal of the American Medical Association), une des grandes revues scientifiques américaines, est consacré aux équipements de protection des soignants confrontés à l’épidémie [1]. Les auteurs annoncent que ces équipements vont manquer aux USA : « Une pénurie critique de tous ces produits devrait se développer ou s’est déjà développée dans des régions à forte demande. » Ils recommandent aux soignants de se protéger de toutes les manières possibles et plaident pour « l’utilisation de masques faits maison, peut-être à partir de bandanas ou foulards si nécessaire ». La revue a lancé un appel aux idées et initiatives parmi lesquelles ils citent l’utilisation de filtres à café. On voit là une approche pragmatique, fondée sur le bon sens, qui prône la prévention, même quand les équipements validés ne sont pas disponibles.
Certes, les mesures barrières actuelles (lavage des mains, périmètre d’un mètre entre les personnes, etc.) permettent de réduire le risque de contamination et il faut certainement continuer à les appliquer. Mais on peut raisonnablement penser que le port systématique d’un masque anti-projections réduirait encore plus ce risque et réduirait probablement la durée des mesures de confinement.
1- Edward Livingston E et al. Sourcing Personal Protective Equipment During the COVID-19 Pandemic. JAMA. Published online March 28, 2020. doi:10.1001/jama.2020.5317
D’après le professeur Patrice François, épidémiologiste, Université de Grenoble-Alpes
« Pour arrêter la propagation du Covid-19, masques alternatifs pour tous », préconise un épidémiologiste
Merci pour cet article ! Cela semble le bon sens : pas de postillons, pas d’émission (ou beaucoup moins) de particules virales. Le CHU de Grenoble a proposé un patron de masque maison : un bout de polaire qui fait écran, entre deux bouts de tissu, à coudre avec un élastique, à laver tous les soirs à l’eau savonneuse.
https://www.hospitalia.fr/Masques-%C2%A0maison%C2%A0-%C2%A0-le-tuto-du-CHU-Grenobles-Alpes-largement-relaye_a2095.html
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Pour une fois le bon sens est validé même si ce n’est pas parfait …rapidement. La crise doit être bien grave ..
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