«Un passionné de Byron : Barbey d’Aurevilly» (par Marguerite Champeaux-Rousselot)

N.B. Dans cet article, l’accent est mis surtout sur Byron pour expliquer par ricochets certains traits de Barbey d’Aurevilly, mais un travail plus long, centré cette fois sur Barbey d’Aurevilly et détaillant ses aspects byroniens, s’intitule :  « Jules Barbey d’Aurevilly et George Byron » et il est consultable sur ce site.

             Byron a fasciné. Il fascine encore. Il a fasciné en particulier Jules Barbey d’Aurevilly au point que, quoiqu’ils ne se soient pas connus, le second a prétendu que nul ne connaissait le premier mieux que lui pour pouvoir en parler.

Un Barbey, heureux de se trouver des ressemblances  avec Byron, un Barbey  byronien, présente un Byron peut-être inexact, un Byron aurevillien.

C’est donc sa passion que nous décrirons au fil de sa longue vie (81 ans), avant  d’en chercher les causes possibles.

 

Premier écrit, premières ressemblances. 

 

Son premier  écrit est un poème lyrique  dédié aux Grecs qu’il encourage dans leur lutte contre les Turcs . Or qui dit Grèce début XIX°, dit aussi, souvent,  Byron … Et l’on pourrait donc légitimement, dès son premier écrit,  se poser la question de son influence .

Ce poème est publié en 1825.  Il a seize ans et, dans une note préliminaire, en  fait remonter la composition à ses « quinze ans et demi »,  cela fait exactement avril 1824 :  coïncidence, Byron est mort le 19 avril 1824 … Mais le jeune Jules  n’y fait aucune allusion . En fait, la composition daterait de ses quatorze ans, soit un an avant le départ pour la Grèce de Byron  en juillet 1823 .[1]

Le choix de ce sujet semble donc bien  personnel. Certes il a connu  sans doute  Byron ( et Alfieri) assez tôt,  mais ne les  attendit pas pour exister. En fait, quand il le découvrit, sa personnalité affirmée et indépendante s’était  précocement bâtie, sur des situations un peu semblables d’ailleurs à celles que vécut  le jeune George : son influence fut plutôt diffuse  et non déterminante. Ce poème d’un  jeune garçon de quatorze-quinze ans  n’est donc pas la première trace de Byron chez un Barbey  malléable, mais la première marque de ressemblances entre les personnalités de Jules et George .

Le jeune auteur : 1830-1844

 

Une publication aussi précoce laissait  bien augurer, et c’est dans la poésie que Jules Barbey  se lance. Mais les éditeurs se refusent à le publier . De dépit, il jette  tout au feu et choisit  le journalisme et le roman .

Là encore, des éléments de forme et de fond peuvent faire penser à Byron:  un style froid et ironique, cynique et désabusé,  passionné et excessif ;  le ton et de la confidence la plus tendre et de la vengeance la plus amère contre ses parents et une femme trop aimée, tantôt mis au service de la passion, tantôt l’en détournant; le thème de l’inceste, de la vengeance, de la mort, de l’amour impossible. Les premiers écrits, surtout  sataniques et lyriques,  sont suivis de textes plus ironiques et sarcastiques . On pressent un passionné qui cherche à se froidir, un sensible qui  se protège en attaquant, un dandy encore instinctif .

Mais il se différencie aussi très nettement de Byron : à l’Italie et à l’Espagne, il  substitue un cadre réaliste, tout proche et contemporain ; même pour des stances, c’est toujours la  prose qu’il choisit  et non les vers ; enfin il prétend ouvertement couler  dans ce moule  des  aventures personnelles et réelles . Il va même jusqu’à juger Byron presque de haut et ne lui ménage pas piques et critiques : par exemple, « On ne rêve jamais quand on a de la force d’esprit  et de caractère. Obermann était presque un niais, et Byron un enfant gâté. » [1]

Dans les oeuvres d’alors composées pour le public,  Barbey n’est donc que fiel l’égard de Byron.

Dans les oeuvres intimes aussi, on trouve des réactions du même type:  ici, se heurtant à des difficultés pour faire paraître Germaine,  il se laisse aller  à rabaisser les raisons de la renommée précoce de Byron : « C’est une douleur que d’avoir l’aristocratie de lord Byron, sans avoir sa fortune. C’est là ce qui explique que je n’aie encore qu’une réputation de salon. » ; là il évoque son  départ pour la Grèce  sans qu’on lui demande rien :   « –  Au fait, ce petit enfantillage militaire était assez ridicule . » [2]

A cette époque là , rejetterait-il  Byron ? Non, car ces mêmes oeuvres intimes contiennent bien plus de louanges profondes que de critiques épidermiques .

Il le  lit assidûment  : « Je suis peut-être le seul en France qui sache  à une virgule près ce qu’a écrit cet homme . J’ai la prétention de connaître Byron jusque dans les lignes les plus négligemment tracées, les moins littéraires, comme je connais sa personne morale dans ses moindres replis . »[3]et comme  une  panacée: « comme (mon) attention est lâche et révoltée, (je) vais lire un peu du Byron, mon immense sympathie par les petites choses et par les grandes.»[4]  Il manifeste souvent son admiration sur tous les points .

            Pourquoi alors cacher ainsi ses sentiments puisque son esprit critique et mordant  n’a, au vrai,  rien à redire à cette poésie ? Il est jeune et  pense sans doute  qu’il faut éviter d’avoir l’air naïf et béat . Mais il y a aussi  une autre raison qu’il confie dans la Bague : s’il ne montre pas au public son admiration pour Byron, c’est … par byronisme ! Car, à cette époque, il vit masqué, et c’est à Byron  qu’il se compare aussi sur ce plan . Bien plus tard, il confiera : «C’était moi  le  Byronien  furieux  ou plutôt l’Alférien que j’ai été pendant dix ans. (…) J’étais fort insupportable, tourmenté et tourmentant comme un homme qui, pour éviter d’être commun, eût sauté tous les sauts de loup  que le monde appelle les convenances, la morale et la dignité . »[5] Par un processus instinctif, il a dû en effet très tôt se masquer pour se protéger ou pour attaquer afin de  se défendre.[6]

Car  il aimait trouver chez Byron  certains de ces côtés dandy qu’il  allait pratiquer  lui-même sans faille jusqu’à sa mort . Il porte un intérêt très vif  aux vêtements, aux accessoires, aux objets  parce que ces détails matériels sont des parties de la beauté qui l’obsède. Il prend soin de son corps qu’il faut maintenir svelte et viril, tout comme Byron  qui lutta contre  une hérédité « arrondissante ».  Byron brûla sa vie par tous les bouts, mais   Barbey,   qui ne mènera jamais lui ce genre de vie, se plaît par provocation à poser au Don Juan et à l’épicurien libertin, à l’aventurier grec ou normand. Il est heureux de la beauté des autres, y prend plaisir  et ne prétend pas pour lui à l’impossible . Le type de beauté de Byron  lui plaît infiniment,  universel et androgyne. Lui, qui subit le « remords esthétique », -se sentir laid-souffre de sa laideur, mais  a bien pris conscience que Byron, si beau, a aussi sa souffrance : il boite . Cette boiterie est quasiment pour lui un point commun, une ressemblance de plus, une équivalence qui, certes,  ne panse pas la blessure de sa propre laideur,   mais le console un peu . D’autre part,  il  la voit comme une blessure attendrissante qui en augmente la séduction ( et lui donne des motifs d’espérer lui aussi …) .   Ainsi, un jour qu’il s’est blessé au pied,  se réjouit-il  de boiter avec la même grâce que lui  : « Je rentre écrasé, –  un pied dont je ne pourrai bientôt plus me servir en boitant avec une grâce qui eût fait envie à Byron. »[7]  Il en regrette presque d’être bientôt guéri …

S’il y trouve après coup des points communs avec Byron,  sa vie littéraire et affective lui en semble plus riche,  et c’est parfois à travers cette poésie qu’il vit ou surmonte ses problèmes : ainsi Paula, un mystérieux amour, a disparu sans explications  et il  en ressent des effets inattendus :  « Il y a dans cette liaison  expirée  quelque chose de mystérieux qui rappelle et me consacre à jamais  la fin du Corsaire, dans Byron. » [8] C’est en effet son poème préféré parce qu’on y trouve (ou qu’on y cherche sans fin !) «  ce charme de l’étrangeté et du mystère qui nous (le) fait préférer  à tous les autres poèmes de Byron. »[9] Il réfléchit ainsi littérairement sur cette oeuvre et comprend mieux l’attrait qu’exerce sur lui son esthétique.

A force de l’étudier, il commence également à oser « penser » Byron : « Il avait la volonté contredisante de la femme . Si on lui niait quelque chose, il y prétendait immédiatement ; par exemple, on lui nia la  facilité à faire des vers, et il devint poète. S’il était si  affligé d’être boiteux, c’est qu’on pouvait l’accuser d’être tel et qu’il ne pouvait donner de démenti . Très enthousiaste et très impressionnable de  naturel, son scepticisme et son dandysme étaient de la comédie. Aux plaines de Troie, il devint fou de sensations vives. Du reste, beaucoup de sang-froid dans le péril, –  mais seulement dans le péril. »[10] Une attitude bien de dandy ! et c ’est sans doute en effet Byron qui l’a conduit à Brummell.

Il  consacra au dandysme un petit ouvrage qui est centré sur Brummell, lui qui  fut totalement satisfait par le genre de reconnaissance qu’il obtint de son  public . Brummell n’est en effet  « qu »’un dandy, à ses yeux,  et si Byron n’est cité qu’en passant, c’est qu’il fut bien autre chose! Car Barbey s’est rendu compte que le dandysme, affiché et protecteur,  n’est qu’un masque  sous lequel on ne peut pas vivre,  que les froids dandies ont un rôle de composition, et que seule la passion est bonne à vivre  : il  veut bien que les sots le croient encore un dandy, mais il s’en exclut finalement, comme il en exclut Byron.

Cet opuscule  clôt en fait sa période dandyque  :  ce n’est plus  par besoin de cacher ses admirations qu’il  ne donne pas à Byron  la couronne du dandysme, mais parce que s’amorce déjà, en 1845,   une seconde période qui sera riche de grands changements dans sa vie…

 

Deuxième période : de Une vieille maîtresse à Un prêtre marié, ( 1845-66) 

 

Barbey,  libérant maintenant sa parole à tous égards,  ne cache  plus qu’il est un admirateur fervent de Byron . On trouve aussi  des ressemblances non-dites entre les oeuvres, qui viennent de goûts communs avec Byron.

On pourrait donner de nombreuses  références .[11] Dans ses propres romans, par exemple, les héros sont clairement affichés  aurevilliens et byroniens, mais d’après les nouveaux Barbey  et Byron : passionnés, sensuels, sans frein… Dans  Une Vieille maîtresse, (1845-1849), l’héroïne voit un homme pour la première fois, un homme dans lequel se dépeint Barbey  tel qu’il se rêve  : « Elle ne le jugea pas . Sa première pensée fut le Lara de Lord Byron; la seconde qu’elle l’aimait. » [12]. Dans un Prêtre Marié, ( 1855-1865), l’écrivain se décrit en trois personnages dont l’un,  Néel ressemble explicitement à Byron  par sa beauté, ou à Barbey   tel qu’il se rêve encore [13]. Mais la beauté remarquable  de Néel va être parachevée, à ses yeux , par un  événement qui lui donne une ressemblance de plus avec Byron… et, d’une certaine façon, avec  son créateur, Barbey  :  à la suite d’une grave chute,  Néel boite . Et « avec cette beauté de cristal, que la chute n’avait pas brisée, et cette claudication légère qui attendrissait sa démarche, il avait l’air « de cet Ange qui s’est heurté contre une étoile » dont Byron parlait un jour en parlant d’un boiteux comme lui. [14] . Ce thème aurevillien   de la beauté qui  n’est parfaite qu’avec un défaut, a trouvé (faut-il  dire « par hasard »? )  son incarnation  en Byron lui-même .

Littérairement aussi, Byron comparaît dans l’écrit aurevillien comme un modèle inégalable d’écrivain: Byron sait écrire sur tout… et opère même des guérisons miraculeuses en littérature : en 1859, Barbey, critique souvent acerbe, rend compte d’un article d’un certain Nisard sur Byron : « Monsieur Nisard n’a pas toujours été aussi heureux, il n’a pas toujours eu  cette critique large et cette sécurité de coup d’oeil . Mais c’est encore l’honneur du génie de lord Byron que d’avoir agrandi et pénétré cette poitrine d’humaniste et d’homme de goût un peu étroit qui  semblait  ne pouvoir respirer que  dans l’air classique du XVII° siècle. »

Byron est aussi pour lui un dieu tutélaire, un professeur d’écriture : «  Je vais maintenant finir mon Château, comme Byron a écrit  Don Juan, – il en faisait quelques vers tous les jours – j’en tracerai quelques lignes, et que je puisse réussir comme lui ! »[15]  Byron là aussi  pensait comme lui, (et non l’inverse!), nous précise-t-il avec jubilation lorsqu’il décide de commencer un 3° Mémorandum  pour un ami et non pour une femme : « Le Mémorandum appartient donc exclusivement aux amis. Lord Byron, qui s’est tant exprimé et tordu l’âme dans ses  Mémoranda, les adresse à lui-même ( son meilleur ami, que  je crois!) ou à Hobbhouse ou à sa soeur . – Il n’y en a pas un seul à une  des femmes qu’il a aimées .  It is not singular !–  Il sentait le vrai de ce que je viens d’indiquer. »[16] ( Par parenthèse, ce mot si innocent «  à sa soeur » montre bien, dans ce contexte que Barbey  n’est sans doute pas au courant, en 1856,  d’un inceste possible de Byron.)

Il n’hésite donc plus à donner ses raisons de l’admirer et note en clair la séduction que Byron exerce sur lui : un  cri du coeur de  1860  résume tout : « Byron ce nom  que j’aime d’ailleurs tant à écrire. »

            Et, conjointement,  on sent que, petit à petit,  il provoque les autres à accepter en lui cette ressemblance dont il se flatte  [17] .

Cependant, les reproches de ses contemporains à l’égard de Byron se font plus vifs. Or Barbey, à cette époque, s’est ouvertement converti à un catholicisme très rigoriste sur le plan intellectuel … Il fait quelques concessions à l’opinion publique, mais  ressent  surtout  le désir, et même le besoin,  de le défendre …En 1860, il plaide :  « Comme poète et comme homme, le lord Byron  du bruit   que fait son nom n’est pas le lord Byron de la réalité, le lord Byron de ceux qui l’aiment et qui, à force de le regarder et de cohabiter  avec son génie dans ses oeuvres, et dans ses  Mémoires avec sa personne, ont vu le vrai lord Byron sous les attitudes, les affectations et le masque. [18] » Son sentiment profond est que les défauts de Byron sont si excusables que Byron n’est pas coupable : «- Pourquoi prétendent-ils que Byron est immoral? Qu’est-ce que deux ou trois plaisanteries, deux ou trois groupes ardents, en comparaison de toutes les adorables puretés de ses poèmes ? Byron est peut-être le plus grand poète des sentiments  désintéressés  et chastes .  (…) Qu’il le veuille ou non, qu’il l’ignore ou le sache, Byron, dans le fond de son âme est un chrétien. »[19] Et d’écrire  en toutes lettres en 1866 : « Byron immoral dans ses oeuvres ! pas plus qu’il ne fut libertin  malgré sa réputation, dans sa vie ! »

Il finit par admettre une partie de ses débordements et les justifie  par la révolte normale contre son infirmité :  « Byron (…) aimait la force physique pour trois raisons souveraines :  parce qu’il était un être idéal, délicat et infirme. [20] » Il décèle  en lui un « esprit de contradiction  avec lequel ( il se  ferait ) bien fort d’expliquer toute la vie de lord Byron (…) Comprimé par la règle anglaise, ce Grec, dilaté par la vie libre de la Grèce, se donna l’affreuse courbature  de se faire fanfaron  de vices, pour justifier et exaspérer les cris de paon de la puritaine Angleterre… » [21] . A y regarder de près, Barbey  est le meilleur avocat de Byron parce que c’est sa propre cause qu’il plaide…

            Mais une période de turbulences encore plus fortes va déferler .

 

Troisième période ( 1867-1878   )

 

Car vers 1867, on commença à parler d’un inceste entre George Byron et Augusta, sa demi-soeur de père . Lamartine, très moralisateur pourtant,  ne l’évoque même pas dans sa biographie de Byron parue en 1865. Barbey refusa d’y croire et  se trouva alors plus que jamais dans une position d’avocat . « Lord Byron, naïf et menteur comme les poètes, ces femmes redoublées, et se vantant de vices qu’il n’avait pas, n’est pas plus  compris comme homme que comme poète (…C’ ) était l’être le plus chaste de nature, et probablement de moeurs () Telle est la vérité. Le romantique et le vicieux sont des attitudes dont nous avons tous été dupes. Lord Byron – pour qui ne croit pas ce qu’il dit, car il ne faut pas toujours le croire, – lord Byron n’est qu’un artiste, qui n’aime que son art, et qui, quand il fait l’amour, pense à son art encore, le fait dans une vue d’art supérieur qui ne le quitte jamais, même sur le coeur de sa maîtresse. » [22]

            Barbey  s’agace  autant  contre les détracteurs qui le noircissent  que contre la maîtresse du poète, Clara Guiccioli, qui,  en 1868,  dans un livre de souvenirs, en fait un ange et discrédite  ainsi son  témoignage sur lequel il comptait tant … Lorsqu’il rend compte de ce livre dans un article, il plaide pour Byron dans un portrait très personnel : un bel enfant, héroïque et complexe . « Il était violent et doux, indolent et passionné, efféminé et héroïque, magnanime et mesquin, enthousiaste et moqueur, moral et immoral, sceptique et religieux ; il était tout cela en même temps et  tour à tour, – comme les enfants sont ce qu’ils sont – et comme eux, en l’étant, il obéissait à sa nature .([23]) Certes, il était beau, Lord Byron, – cela n’est pas douteux- et surtout il n’était pas si noir et si diable que les sots et les hypocrites  protestants l’ont fait ; mais sous la plume de celle qui a pourtant un intérêt à le trouver irrésistible, il finit par être trop beau .»[24]

            Cet article est l’occasion pour lui  de rendre à Byron – ni tout noir ni tout blanc-   un hommage presque désespéré,  comme pour conjurer une vérité qu’il pressent inévitable.

Sa vision a donc beaucoup  évolué : le  dandy, ironique et dangereux, a laissé place à un Byron chaste en réalité,  puis à un Byron passionné mais  fragile, et enfin à un Byron « amer, () sauvage et () strident » [25] .

 

C’est en effet aux environs de 1869 qu’il  a sans doute compris que presque tout ce qu’on  reprochait au demi-frère d’Augusta était réel. [26] Sa vie qu’il percevait  en  rouge passion vire au noir. Dans sa poésie,  il avait déjà perçu également le noir comme provenant de sa science à faire naître du mystère. Il approfondit « ces poèmes étranges », « ces merveilles d’invention qui s’appellent le Giaour, Lara, le Corsaire,» qui sont des « chefs-d’oeuvre d’impression pathétique et mystérieuse »[27] car le lecteur peut y rêver inépuisablement ce que ne dit pas le poète . Lui-même écrit lui aussi ainsi et reviendra  souvent sur ce thème noté dès le Salon de 1872,  si souvent que l’on peut parler d’une  littérature du mystère typiquement aurevillienne …

Mais la littérature n’est pas le tout de la vie . Et pour lui, cohérent, les deux doivent être mêlés . Byron est un exemple aussi de ce point de vue  : «  (sa) vie ressemble à ces fragments sublimes interrompus du Giaour, plaques de lumière et d’ombre  et sa destinée est peut-être de rester mystérieuse, comme celle de ces Sphinx de l’Action, Lara et le Corsaire – ces mystères vivants qu’il a chantés! » [28]Cette esthétique structurante du mystère ou du « soupirail » a sa  transposition également, pourrait -on dire, sur le plan moral : le contraste.  Il sait bien qu’il est lui-même fasciné  par « ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une  seule  vertu parmi plusieurs vices  qui a toujours ensorcelé l’âme des hommes » [29]Certains  héros aurevilliens ont, comme leurs frères byroniens, et tout comme le Satan d’Eloa, «  la beauté attristée,  la suavité du mal et de la nuit. » Ils sont noirs mais avec une qualité attachante[30],  et les Célestes sont aimanté(e)s par les Diaboliques[31].

Petit à petit,  Byron prend donc à ses yeux  une  tonalité de plus en plus sombre, celle  de la noirceur du Mal, de « la partie blasphématoire de la passion ». [32] Or il dit comprendre  ceux qui blasphèment et, au moins  une fois,  a avoué qu’il admirait  « ces sombres figures de la Force blessée au coeur et qui continuent de vivre avec la fierté de la Force jusqu’au moment où, d’un dernier coup, Dieu les achève. »  Barbey, croyant et converti, n’ose être plus clair dans son accusation contre Dieu, un Dieu qui s’attaque à Byron .

Certes, il lutte contre cette attirance, mais il  vit le présent en référence avec Byron  : dès son retour en Normandie,  il confie : « je vis ici sur les grandes routes, entre des paysages immenses qui auraient plu à Byron »[33] .  Ou  il  se retrouve toujours à 67 ans à lire et relire Byron : « Je viens de relire – ce matin même – le Giaour  ! – Quel charme amer ! le poète y est pour beaucoup – d’abord pour la  cause première  –  la cause – sans lui, rien ! Mais il y a autre chose que sa poésie . Il y a toute ma jeunesse ressuscitée et debout autour de moi ! c’est dans Byron que j’ai appris à lire  – littérairement. (…) Je ne puis dire, ce n’est plus littéraire, l’incroyable sensation que vient de me donner cette centième ( peut-être) relecture du Giaour. » Il ne peut s’en déprendre et constate lucidement : « Quoique j’ estime être bien guéri aujourd’hui, je  sens cependant quelque bouton byronien qui repousse encore en moi  et ne demande qu’à s’y épanouir. » [34]

            La force de cette attirance est telle  que, dans une dernière période, nous assistons à un retournement inattendu de la part de celui qui est le champion de l’ultra-orthodoxie de son temps.

 

Barbey  prend définitivement parti pour Byron (  1877-1889)

 

Certes, il ne peut plus oser faire ouvertement son apologie morale, mais Byron  reste encore la référence , au point que dans les rééditions, il corrige avec soin bien des reproches  antérieurs qu’il avait osé faire à Byron .[35]

A  70-80  ans, il semble en effet revenir à ses premiers sentiments envers Byron. La thématique des  dernières oeuvres à elle seule laisse déjà transparaître suffisamment clairement le sens de ses préoccupations.  Il reprend Germaine  et écrit alors  un roman, Une Histoire sans nom,  où domine le thème de l’inceste et des relations parents-enfants excessives, froides et passionnées ;  puis il compose une dernière oeuvre, Une Page d’histoire, qui conte un inceste sous la Renaissance,  dans laquelle la référence à Byron est dominante au point qu’il  la publie d’abord avec ce sous-titre  :  Un poème inédit de lord Byron . Il précise la raison de cette attribution : « on n’a pas encore trouvé de poète  qui ait osé l’écrire, comme si les poètes n’aimaient pas la difficulté jusqu ’à l’impossible ! Il lui en faudrait un comme Chateaubriand, qui fit René, ou comme Byron, qui fit  Parisina et Manfred. Deux sublimes génies chastes qui mêlaient la chasteté à la passion  pour l’embraser mieux ! C’eût été à lord Byron surtout qui se vantait d’être Normand de descendance qu’il aurait appartenu d’écrire avec les intuitions du poème, cette chronique normande, passionnée comme une chronique italienne, et dont le souvenir ne plane plus que vaguement sur cette placide Normandie, qui respire d’une si longue haleine dans sa force. »[36] Les motifs qu’il allègue ( la chasteté de Chateaubriand et de Byron ! et le normandisme de ce dernier) cherchent –  paradoxalement de façon ambiguë d’ailleurs –  à dissimuler le thème irrépressible de l’inceste . Certes, il   ne dit pas qu’ils ont  eu cette expérience et qu’ils ont eu raison : il dit simplement qu’ils auraient su en parler mieux que lui …[37].

Par un retour aux sources,  ces oeuvres  reprennent donc le thème initial de l’inceste. Certes, les Barbey  étaient 4 frères, et Jules n’avait  pas de soeur, mais il a vécu mentalement, et plus qu’en rêve, cette tentation  : Jules, tout petit, jeune, ou en âge d’épouser, aima le plus souvent des femmes inépousables,  de sang trop proche ou trop âgées… et lui-même cite comme une des  causes du désir incestueux la froideur d’une mère dont on  désire la tendresse si violemment, si contradictoirement,  qu’on  vit ce désir dans la culpabilité .  Cette dernière nouvelle , surtout soumise à la beauté, au désir et au plaisir, est hantée par ses propres souvenirs rêvés autant que par le Byron incestueux qu’il vient de découvrir.

Ainsi, sur ce point aussi et d’une manière aussi inattendue,  il a retrouvé en Byron  un prédécesseur, un frère  qui l’attendait …

 

On peut aussi mesurer cette passion de Barbey  dans le quotidien le plus simple : lui qui vécut dans un dénuement matériel presque complet ( à part ce qui était la parade physique  du dandy ), dans deux chambres dépouillées, a  gardé des objets symboliques très byroniens lui semblait-il : sur la cheminée, une tête de mort sculptée dans un bloc de marbre blanc et lamée d’or. Sur la table, les cachets avec sa devise Too LateNever More, ou un casque fermé, ou ses armes, tout ce qu’il faut pour écrire. Pas de bibliothèque (il donnait ses livres, empruntait les autres… ) sauf un missel en anglais, et les oeuvres de Byron, en anglais elles aussi, – fatiguées, et dont, disait-il, il savait tous les textes à la virgule près…

 

Jusqu’à sa mort, il  restera dans les mêmes dispositions : catholique ultra, mais relaps dans sa passion pour  Byron à qui il pardonne tout .  En 1878,  sans dire qu’ils sont réellement chrétiens,  il  donne place dans une Eglise  invisible à des auteurs condamnés :  « Shakespeare nous appartient, et Byron nous appartient, Musset, Lamartine, Hugo lui-même nous appartiennent aussi  et tous ceux qui ont eu une minute de désintéressement adorateur et de vraie tendresse. »[38] : au soir de sa vie, à  80 ans,  non seulement il  aime Byron autant qu’au début de sa vie, mais il l’aime tout à la fois comme un dandy, un passionné, un révolté, un artiste, un enfant, un grand écrivain, un malheureux, un frère qu’il a découvert petit à petit .

            Pourquoi cette passion?

 

Barbey  a dit «   Etre byronien, ce n’est pas être d’une école, c’est être d’une race ». Cette impression de consanguinité naît de la constatation progressive de plusieurs traits de ressemblance, souvent précocement constitutifs d’une personnalité.  En voici un bref rappel :

Barbey se veut marin, nordique, Normand au sens de Viking,  pirate passionné à la laideur séduisante , et cherche ainsi  un cousinage avec Byron, homme du Nord, écossais et calédonien, Pirate libre et mystérieux .

Byron jeune   souffrit lui aussi de son physique[39], d’où l’échec d’un premier amour dont le souvenir lui resta toute la vie  et lui inspira des vers que je traduis ainsi :

Et tous deux étaient jeunes, et un seul était beau,

                        Et tous deux étaient jeunes- mais d’une jeunesse différente.

Barbey  débute  tout aussi amèrement dans  Treize ans :

                         « Elle était belle ; moi laid . »

 

Ce sentiment de laideur a des prolongements également ressemblants car George et Jules    le vivent en relation avec leurs  parents. Selon Barbey , son père n’a jamais été un vrai père pour lui,  et sa mère fut  une mère « morte », froide et cruelle, (ils furent les premiers à lui révéler qu’il était laid et il les accuse presque de l’avoir laissé mourir le jour de sa naissance )[40] . Lord Byron  père, lui,  abandonna ses deux enfants, Augusta , 7 ans et George, 2 ans,  et  mourut  un an après. Byron accusa toujours la coquetterie de sa mère d’être responsable de sa boiterie [41], d’où des relations frustrantes et orageuses et une éducation en dents de scie…[42] George et Jules eurent  donc, de ce point de vue, une enfance assez malheureuse[43]dont l’inceste – accompli ou fantasmé –  n’est qu’une des conséquences.

 

Lorsque le jeune Jules, à la personnalité déjà bien marquée, découvrit Byron,  il a eu  la surprise de discerner des ressemblances et  en imagina aussi peut-être d’autres . Sans doute l’a-t-il lu très tôt, et peut-être en anglais[44].

Plus tard, il racontait ainsi ses années de prime jeunesse [45] « Byron et Alfieri (…) n’ont que trop empoisonné les dix premières années de ma jeunesse. Ils ont été à la fois ma morphine et mon émétique (…)  C’est dans Byron que j’ai appris à lire  littérairement . Ses poèmes sont la première guirlande  de roses noires qui ait tourné autour de mon adolescence, et qui en ait fait le thyrse de bacchante qu’elle a été. »

 

 

 

Conclusions

 

Nous avons tant parlé de similitudes qu’ il faut préciser qu’on peut être de la même race sans être une copie servile ! Il y aurait certes beaucoup plus à dire pour nommer toutes les différences entre Barbey  et Byron.

Barbey ne s’efforça  pas tellement  de ressembler à Byron, inimitable, mais accueillit les ressemblances et se trouva en Byron un appui puissant qui lui laissait son indépendance  : un semblable qui lui préexistait sans qu’il le sache…, un semblable mais beau, mais célèbre,   et qui en plus avait souffert presque comme lui, ce qui n’allait pas sans le consoler …

Certes Byron lui a posé des problèmes de cohérence de pensée, de foi et de vie, mais sa passion   lui faisait dépasser tout cela …

Laissons Barbey  conclure presque humblement : «   Le mot de la fin sur Byron ne sera jamais dit . Prenons-en notre parti, si nous  pouvons . Pour le dire, il aurait fallu une âme passionnée, vaillante et fière, et qui eût regardé l’opinion de ses contemporains bien en face, et qui eût dit : «  Va te coucher! » à cette opinion  qui, dans quelques jours, ira se coucher dans la tombe. »[46]

N’en est-il pas encore ainsi maintenant pour qui veut parler de Byron  ?

Et Jules Barbey  d’Aurevilly ne fut-il pas cette âme fière, vaillante et passionnée?

 

 

 

 

Marguerite Champeaux-Rousselot.

Société française des Etudes Byroniennes.

 

 

Citer cet article :

Un passionné de Byron : Jules Barbey  d’Aurevilly, par Marguerite CHAMPEAUX-ROUSSELOT ,  année 2003, publié sur www.barbey-daurevilly.com

Il a été publié sur papier  comme suit

« Un passionné de Byron : Barbey d’Aurevilly »,   in Lord Byron : a multidisciplinary open forum.  23° congrès  de l’International Byron Society. Ed. Thérèse Tessier . 1999 . ISBN : 2-9513559-0-4

( N.B. Dans cet article, l’accent est mis sur Byron, mais un travail plus long,  détaillant les aspects byroniens de Barbey s’intitule :  « Jules Barbey d’Aurevilly et George Byron »)

 

 

 

 

 


[1] cf le témoignage de son frère entre autres.


Bibliographie: Pour désigner les Oeuvres complètes de Barbey , parues dans la Pléiade, nous nous servirons des simples abréviations I pour tome I , et II pour tome II . LT signifie Lettres à TrébutienOH signifie Les Oeuvres et les Hommes .

[1]Dans Germaine, de  1833-36, II page 449 . Le nom de Byron n’y figure pas autrement !

[2]4 oct 36, II p. 763

[3]LT 7 nov 1844 .

[4] II p.1024

[5]  II, p. 1265-6 : 2 sept. 1875.

[6]Sa sensibilité  a dû  précocement dissimuler les souffrances causées par des parents peu aimants  et un amour durablement malheureux.cf ma thèse : « Moi qui suis laid … » Jules Barbey d’Aurevilly et la laideur . ( 1995. Paris III)

[7]II p. 915 , 27 juin 38

[8]10 oct 38,  II  page 982

[9] 16 juin 38  II p.  905

[10]II p. 932, 20 juillet 38:

[11]  Exemples  :    16 septembre 1858 : « lu du lord Byron  – les quatre premiers chants de  Childe-Harold. – Le côté commun de Byron, si l’on peut employer ce mot enparlant  de Byron, c’est qu’il est  touriste. Double échec à l’aristocrate et au poète.! On ne serait pas voyageur si on était encore plus aristocratique que l’on  est. Il y a quelque chose de démocratique dans les voyages, un amour secret des majorités qu’on croit mépriser. Un plus grand poète encore que lui n’aurait pas, je crois, été si esclave  des choses extéreures, et si admirateur de la Nature. – Mais alors quel poète c’eût été! »

[12]Autre exemple : Hermangarde et  Ryno  vivent un grand amour  près de la mer : le romancier justifie ainsi son choix : « Le plus grand de tous (les poètes)  n’a-t-il pas suspendu le frais tableau  d’un amour sublime de passion vraie et d’innocence  aux côtes sinueuses d’une des Cyclades? Dans tout amoureux, il y a un grand poète. »   (I p. 368).

[13]  II p. 918. etc.

[14]II p. 1065. J.Petit n’a pu retrouver l’origine de cette citation .

[15] II p. 1452 , 25 mars 1856

[16] 28 sept.1856  II p. 1028

[17]La première fois où il se dit tel :  « ce portrait noir, sévère et  Byronien  » 30 nov. 1864  II p. 1099

[18] Le Pays,  28 nov. 1860 .

[19] 23 sept. 1858 ,  II p. 1093

[20] art.paru le 29 mars 1859 dans Le Pays, sur Souvenirs sur les derniers jours de la vie de Shelley et de Byronpar E.J.Trelawney, et sur Lord Byron et la société anglaise par D.Nisard.)

[21] Art.de 1864 . C’est grâce à cette révolte, selon Barbey, qu’il existe .

[22] A propos du Lara de lord Byron à l’Opéra Comique, article dans Le Pays au 24 avril 1864.   Autre excuse : « Il n’y a dans le monde que deux familles d’esprits, ceux qui ont la puissance du rire, les légers, les aériens, les fiers, les ironiques et les charmants qui sonnent les fanfares de l’esprit  et la marche trimphale des sentiments humains  les plus vainqueurs, et les plaintifs, les gémissants, les lourds, les ténébreux, les accroupis dans les lamentations  et dans les larmes, les Job enfin, avec plus ou moins de femmes, d’amis, de lèpre et de fumier ! » (1867 Les Oeuvres et les Hommes, XII, p.  316)  .  L’intransigeance habituelle de Barbey  va jusqu’à comprendre les blasphèmes de Byron :  « Ah je comprends la misanthropie, je comprends l’impiété ! cette misanthropie contre Dieu  ! Ce n’est pas moi qui repousserai  jamais un sentiment quand son expression sera énergique, le plus haut point de sa vérité ! » (idem) Or c’était le cas de Byron qui a, selon lui,  «  le rire gastralgique et saccadé dans lequel tombent les larmes  et qui les dévore, et cette passion infinie qui fait trembler le feu  de l’esprit dans des plaisanteries désespérées. » (28 nov.1860, O.H. XII, p.293, Lawrence, A Outrance).

[23]Et parcequ’il était tout cela  également, parce que sa nature  était toutes les natures, ceux qui l’ont haï et ceux qui l’ont aimé ont pu choisir en lui ce qu’ils ont voulu de ces contrastes  pour l’accuser ou pour le défendre, pour le faire adorer ou pour le maudire ! Il  a été leur Musée d’armes, à tous! Pour lui ou contre lui  ; et ils ont pu prendre ce qu’ils voulaient dans le tas!

[24] page 290, Les Bas-Bleus Ed. Slatkine Reprints, Genève I968 .

[25] « Jamais en effet l’amer, le sauvage et le strident Byron  n’eut même dans ses oeuvres qui voulaient être tendres (…) la tendresse, la pureté, la mélancolie  au divin sourire d’Alfred de Musset . Jamais Byron n’eut de ces touches mouillées, de ces rosées d’éther … Byron rugit toujours un peu quand il roucoule (…) (art.du 9 avr. 1877, O.H. XXIII ).

[26]Au delà du choc initial que ce dut être, lui qui a toujours voulu garder son gant blanc a sans doute finalement admis  que Byron avait, dans une certaine mesure, fait preuve de faiblesse(s) dans sa vie . Mais sa condamnation ne va pas au-delà .

[27]et de figures héroïques et fatales creusées dans l’imagination du lecteur, comme aucun poète n’en creusa jamais à pareille profondeur dans l’imagination humaine. » (30 juin 1875)

[28] 1877, article des  Bas-Bleus. Doctorat de 3°cycle :  La mise en scène du masque dans les romans de Jules Barbey d’Aurevilly.                  (Besançon . 1980, sous la direction de J.Petit )

[29] et qui l’a transportée d’enthousiasme, bien plus, hélas! que l’étendue de la lumière complète  et que la pureté de toutes les vertus .(article sur Lawrence, O.H. XII, 98) . Ce thème du contraste rejoint celui de la beauté : selon Barbey, la beauté pure qui n’est que beauté a quelque chose d’impossible ou de diabolique . Elle  n’est  séduisante et parfaite  qu’avec un défaut . Et ceci s’applique également à Byron.

[30] Jéhoël, Sombreval, Monsieur Jacques .

[31] Sombreval et sa fille, Jehoël et Jeanne, Dorsay et Hortense, Hermangarde et Ryno etc..

[32]En constatant cette fascination que cela exerce sur les hommes, le chrétien maistrien y décèle les conséquences du péché originel que  Byron  lui, a refusé.

[33] II page 430 , en 1875.

[34]4 juin 75  : Disjecta membra .

[35] Ce travail est  constant .  Voici   quelques suppressions  et ajouts . – Dans la réédition  du IV° Mem., suppression du texte sévère pour Byron que voici  : « Double échec à l’aristocrate et au poète! On ne serait pas voyageur si on était encore plus aristocratique que l’on  est. Il y a quelque chose de démocratique dans les voyages, un amour secret des majorités qu’on croit mépriser. »  – Suppression en 1884 du texte sévère de 1835: « On ne rêve pas quand on a de la force d’esprit et de caractère. Oberman était niais, et Byron un enfant gâté » Germaine. – Ajout d’une note au Dandysme :  « Si on était passionné, on serait trop vrai pour être Dandy. Alfieri n’aurait jamais pu l’être, et Byron ne l’était qu’à certains jours . »  (II p. 686) . – Il reprend, 40 ans après, en 1884,  Germaine, et ajoute toute une page décrivant le bel Allan, (à propos duquel le nom de Byron n’était même pas mentionné) , beau car fantasmé par sa mère folle de Byron . II p. 388 .  – Mais il  n’ose plus maintenir en 1884  ce  texte de 1858 :  » Byron immoral dans ses oeuvres ! pas plus qu’il ne fut libertin  malgré sa réputation, dans sa vie ! on sera bien étonné le jour où un homme intuitif et qui ne se paiera pas de phrases toutes faites, dira la vérité sur lord Byron et tordra avec ses pincettes, les oreilles d’âne de la critique superficielle. » ( var.  II p. 1557), ce qui montre clairement que Barbey  sait  les fautes de Byron.

[36] II p. 373

[37]et il se présente comme un émule. Il  y dit lui-même son  désir d’une façon symbolique mais claire .

[38]p. 514

[39] Gilbert Martineau : Lord Byron, la malédiction du génie Ed.Taillandier, 1984, page 24.

[40]Des réflexions de 1833 dans Germaine et la pitié font penser au poème de Byron :

Le monde est plein d’orphelins ./ D’abord ceux qui le sont au sens propre du mot(…)

Puis ceux qui ne sont pas condamnés à perdre /Leurs tendres parents, dans leurs jours de bourgeonnement,

Mais seulement la tendresse de leurs parents,/ Ce qui ne les laisse pas moins orphelins de coeur » ( cité dans la Thèse dactylographiée Barbey d’Aurevilly et l’Angleterre, par John  Greene,  Grenoble, 1968, pages 11-12) Voici, par comparaison,  le texte de Barbey  qui a 25 ans alors : la jeune Camille est délaissée par sa mère:  « Parmi les déshérités de ce monde, les plus malheureux sont les déshérités de leurs mères, pauvres orphelins du coeur, sacrés aux orphelins eux-mêmes entre tous . »

[41]En 1810, Byron montre «  son pied difforme : « Voyez, s’écria-t-il, c’est à sa fausse délicatesse, à sa pruderie, lors de ma naissance, que je dois cette difformité; et cependant, du plus loin que je me souvienne, elle n’a cessé de me le reprocher et de me railler là-dessus. () » Pour se faire une idée de son regard, de l’expression de sa physionomie, en racontant cette circonstance, il faut l’avoir vu dans ses plus violents accès. » Vie de Byron, Lamartine, rééditée par la Bibl. nationale, page 45).

[42]«  je suis intimement persuadé que  s’il fut toujours si humilié et si enragé d’être boiteux, ce fut bien moins  parce que c’était là une infirmité et une laideur, que parce que  c’était une destinée, – parce que c’était une des choses contre lesquelles  sa volonté, ses furies, toutes ses énergies ramassées dans son âme et s’efforçant, ne pouvaient absolument rien. » ( Art. de 1864)

[43]et Byron se « vit » d’abord  « en animal solitaire… condamné à exister – on ne peut pas dire vivre – dans ce cratère d’ennui jusqu’à ce que le contrat avec l’enfance soit expiré. »(Lord Byron, la malédiction du génie Ed.Taillandier, 1984, p. 33 ).

[44]Il y avait beaucoup d’Anglais en Normandie. Barbey était bon en anglais . Sa mère était une lectrice passionnée.

[45]Barbey d’Aurévilly, par Octave Uzanne, Paris, La cité des Livres, 1927, pages 17 et 19

[46] article sur la biographie de Byron par Clara Guiccioli.

 

 

« Un passionné de Byron : Barbey d’Aurevilly »,   in Lord Byron : a multidisciplinary open forum.  23° congrès  de l’International Byron Society. Ed. Thérèse Tessier . 1999 . ISBN : 2-9513559-0-4