Androgyne, hermaphrodite… (par Marguerite Champeaux-Rousselot)

Androgyne, hermaphrodite… Mythe exact de Platon, et erreurs aujourd’hui à ce sujet.

Marguerite Champeaux-Rousselot ( 2015-08)

Chez Platon (texte complet, assez amusant, tiré du Banquet, ci-dessous), le mythe qui fait intervenir l’androgyne a un but précis : expliquer les différents désirs entre les hommes et les femmes. 

Selon ce personnage que fait intervenir Platon, il y avait à l’origine trois sortes d’êtres :

Les trois types d'êtres créés par Zeus : tous avaient 2 têtes, les deux sexes, 4 bras et 4 jambes. Schéma de Marguerite Champeaux-Rousselot
Les trois types d’êtres créés par Zeus : tous avaient 2 têtes, les deux sexes, 4 bras et 4 jambes.

En effet, explique un des personnages du banquet de Platon, les premiers êtres humains étaient doubles ( 4 bras etc. ), quasiment en forme de boule,  et de trois sortes :

1°) l’androgyne homme-femme en même temps,
2°) l’homme-homme
3°) et la femme-femme.

Puis Zeus, pour diminuer leur puissance,  les a séparés tous en deux moitiés.

Ils ont été divisés par Zeus, et chaque moitié rechercherait maintenant sa moitié, ce qui explique les différentes attirances sexuelles :

Les 3 coupures opérées par Zeus et leurs conséquences, dans le Mythe dit de l'androgyne, chez Platon. Schéma de Marguerite Champeaux-Rousselot
Les 3 coupures opérées par Zeus et lerus conséquences, dans le Mythe dit de l’androgyne, chez Platon

 

C’est pourquoi, dans le premier cas dessiné, l’homme recherche une femme et réciproquement, tandis que dans les deux autres cas, le désir est homosexuel.

On voit que pour Platon, les androgynes n’existaient plus et qu’ils sont plutôt des explications : c’est pourquoi on parle du « mythe de l’androgyne ».

On peut remarquer que, après la division des androgynes par Zeus, un homme est un homme, et une femme, une femme, mais que les attirances sexuelles elles ne sont pas toutes en direction du sexe dit opposé.

( Le texte de la Genèse a plusieurs ressemblances avec ce texte : voir plus loin )

 

Souvent aujourd’hui  cependant, on fait l’erreur de confondre l’androgyne et l’hermaphrodite.

L’hermaphrodite est un être sexué où se mêlent en s’additionnant souvent les traits sexuels masculin et féminin. Ce sont des cas médicaux qui sont des phénomènes naturels exceptionnels. Ce n’est pas cela dont Platon parle.

 

Même avant, mais au XIXème siècle surtout, le terme androgyne est devenu un adjectif et même a repris une valeur de nom, pour qualifier une personne qui était/est entre l’homme et la femme par sa manière, souvent choisie, d’être, de se vêtir etc. C’est en ce sens que le mot est utilisé de nos jours ( sauf si on fait réellement allusion au mythe exact de Platon… )

C’est aussi pour cette raison que parfois on fait désormais également une erreur à propos du mythe conté chez Platon : on croit que Zeus avait divisé un être mixte, masculin et féminin en même temps, en deux moitiés  à peu près semblables, conservant ce mélange homme-femme toutes les deux, selon le schéma symbolique suivant :

C’est cette croyance qui explique, selon certains, la raison pour laquelle une femme peut avoir des côtés masculins et un homme des côtés féminins. C’est aussi éventuellement ce qui est sous-jacent parfois quand on évoque des couples complémentaires ou qui se ressemblent.

Barbey d’Aurevilly, par exemple, se voulait « androgyne » ( dans ce sens moderne ) par certains côtés dandy.

Barbey imagine comme un être où du masculin et du féminin sont plus ou moins mélangés, en quantité variable. Schéma par Marguerite Champeaux-Rousselot
Barbey s’imagine comme un être où du masculin et du féminin sont plus ou moins mélangés. Schéma par Marguerite Champeaux-Rousselot

Il a ( entre autres !! ) cherché des femmes androgynes car il pensait qu’elles lui ressembleraient et qu’ils formeraient un couple harmonieux …

Barbey, déclare qu'il est attiré par les femmes androgynes qui lui ressemblent en cela ... mais ce n'est plus le sens du terme de Platon... Schéma par Marguerite Champeaux-Rousselot
Barbey déclare qu’il est attiré par les femmes androgynes qui lui ressemblent en cela …
Schéma par Marguerite Champeaux-Rousselot

Certaines femmes androgynes l’ont aimé semble-t-il, un temps, mais un temps seulement…  Il a beaucoup joué littérairement sur ces notions … à propos desquelles il avait commis cette erreur de compréhension : voir thèse en se servant du moteur de recherche sur ce site.

 

 

Textes de référence : ( dans l’ordre chronologique )

La Genèse a été écrite au moment de l’Exil, au VIème siècle av. J.-C., et il est intéressant de lire avec précision le texte hébreu qui fait allusion également à un être humain, Adamah, ( nom hébreu signifiant la terre rouge, et désignant l’être humain en général ). Adamah, l’être humain, n’est ni homme ni femme, il contient les deux en puissance, et il donnera naissance à l’homme et à la femme :

Dieu a pris un côté d’Adamah ( et non pas une côte :  même si le mot a les deux sens, le sens de côté domine largement tous les emplois ), de cet « Humain »  endormi, ( le mot « homme » n’arrive  dans le texte qu’après la naissance de la femme ), l’a refermé en cousant. ( voir un peu plus loin la parenthèse sur cette couture dont les croyants voient la trace sur notre corps et a un nom en médecine. ) l
Il en a ensuite formé une « femme » ( le mot est là dans le texte pour la première fois évidemment ), ce qui montre symboliquement que tous deux ont exactement la même nature. Quand celui qui s’était endormi ni homme ni femme s’est réveillé, il n’était plus l’Humain, mais il était devenu … un homme, et  il s’est écrié en voyant le nouvel être vivant : « Cette fois, c’est (de) la substance de ma substance (ou de l’os de mes os, ou de ma vraie substance, de mes vrais os   ) et (de) la chair provenant de ma chair ». Ce qui suit immédiatement est probablement plutôt un commentaire du scripteur qu’une parole censée être de cet homme tout neuf : «  C’est pourquoi elle sera appelée femme parce qu’elle a été tirée de l’homme » (2,23) : en hébreu le mot « femme » est de la même famille que le mot « homme » à qui il ressemble beaucoup, (ish/isha) mais ces deux mots ne ressemblent pas du tout aux termes hébreux ( noms et adjectifs) spécifiant le mâle et la femelle ( Genèse, 1,27, dans le récit de la première création ), qui ont eux des formes sans aucun rapport, le premier venant peut-être d’une étymologie qui évoque la pointe et le second d’un adjectif signifiant «  perforée ».

Cette version de la création de la femme et de l’homme à partir de l’Humain qui n’est ni homme ni femme, mais à la ressemblance de Dieu dont il a en lui le souffle, n’est pas très loin de ce qu’un Platon décrira  dans son premier schéma, vers 380 avant J.-C.

( pour ceux qui veulent voir l’Hébreu analysé mot à mot avec sa traduction anglaise  et les analyses lexicales : www.saintebible.com,  puis, faire «  hébreu » et éventuellement « text analysis » ( en bas) et cliquer sur les mots désirés…)

Et voici pour la coupure suivie de la couture par Dieu, dans ce récit hautement symbolique de la valeur égale de l’homme et de la femme :

( Gn 2,21) « et il referma bien la chair par en dessous ou à cette place » : suture interne et externe discrète ! Les Anciens ont observé une trace qui ressemble à une cicatrice, à une couture, visible au niveau de l’appareil génital et sexuel chez l’Homme ( avec un grand H, c’est à dire l’Etre Humain, qu’il soit homme ou femme) et y ont vu la preuve de l’androgynie de l’être humain initial et de sa coupure en deux. Mythes mésopotamiens et grecs évoquent cette androgynie qu’acceptent aussi des commentaires talmudiques de ce passage de la Genèse. Cette couture symbolique fait partie de la richesse du mythe : en effet, elle se voit sur le corps humain masculin comme féminin. La médecine lui donne un nom et en explique scientifiquement la cause. Le raphé périnéal ou raphé médian ( d’un verbe grec qui signifie « coudre » ) désigne la ligne à la surface de la peau du périnée, chez l’homme et la femme, qui ressemble à une couture ou une suture très sensible. Ce phénomène est dû au fait que deux côtés de l’embryon se sont réunis durant l’embryogénèse : chez l’homme, il ne reste de ce processus qu’une longue trace linéaire ; chez la femme, cela a formé les petites lèvres mais il en rester aussi une trace linéaire plus ou moins visible. Bien visible chez le bébé garçon ou fille, qu’on voit facilement souvent tout nu ! – la trace peut s’estomper ensuite un peu à l’âge, mais on peut la sentir et la voir.
( il est intéressant que le terme sexe vient probablement du latin secare qui veut dire  » couper) .
Le fait que la couture se trouve chez l’homme et chez la femme montre bien que même la Genèse considère bien que l’être Humain, Adamah, créé par Dieu n’était ni homme ni femme, avant la séparation des sexes; le fait que la Genèse montre que que la femme a été extraite de celui qui n’était encore ni homme ni femme mais contenait les deux en puissance, insiste sur le fait de leur nature identique; le récit symbolique cherche à montrer de façon imagée que leur nature est d’être ressemblants à Dieu dans leur « souffle » ( leur vie ) que Dieu avait insufflé en Adamah, et d’être sexués dans leur corps individuels.

Chaque « moitié » d’être humain se cherche donc .. et est heureuse de se trouver.

( Ceci est complémentaire de l’autre récit de la création de l’être humain, récit différent et également sans prétention scientifique, mais très symbolique et très riche).

 

Platon, le Banquet : extrait concernant le mythe des  androgynes si puissants que Zeus a dû les diviser …  ( Le texte grec est ci-dessous).

« Tu sais, Eryximaque », reprit Aristophane, « J’ai l’intention de parler de l’amour tout autrement que toi et que Pausanias : il me semble que les hommes ont tout à fait ignoré la puissance d’Éros; s’ils la connaissaient, ils lui construiraient des temples grandioses et des autels, lui feraient des sacrifices somptueux; pour le moment, rien de tel en son honneur, alors qu’il le faudrait par-dessus tout.

Il est, de tous les dieux, le plus philanthrope, le protecteur des humains, et médecin de maux qui, s’ils étaient guéris, le plus parfait bonheur en résulterait pour la race des hommes. Je tenterai donc de vous exposer sa puissance, et vous l’enseignerez ensuite aux autres. Mais il vous faut d’abord apprendre la nature humaine et ses passions. En effet, notre nature originelle n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui, loin de là.

D’abord il y avait trois genres, chez les hommes, et non pas deux comme aujourd’hui, le masculin et le féminin; un troisième était composé des deux autres: le nom en a subsisté, mais la chose a disparu : alors le réel androgyne, espèce et nom, réunissait en un seul être le principe mâle et le principe femelle; il n’en est plus ainsi, et le nom seul est demeuré, comme une injure. Ensuite, chaque homme avait la forme d’une sphère, avec le dos et les côtes en arc, quatre mains, autant de jambes, et deux faces reliées à un cou arrondi, tout à fait identiques; pour ces deux faces opposées, un seul crâne, mais quatre oreilles, les parties sexuelles en double, et tout le reste, que l’on peut imaginer, sur le même modèle. Notre homme pouvait se promener où il voulait, comme aujourd’hui, en station droite; et quand il éprouvait le besoin de courir, il s’y prenait comme nos équilibristes qui font la grande roue en lançant leurs jambes en l’air : grâce aux huit membres sur lesquels ils prenaient appui, ils avançaient très vite en roulant. S’il y avait trois genres, et tels que j’ai dit, c’est que le premier, le mâle, était originellement fils du soleil, le second, femelle, tiré de la terre, et le troisième, participant des deux, de la lune, parce que la lune aussi a cette double participation.

Ils avaient, je l’ai dit, une forme sphérique, et se déplaçaient circulairement, de par leur origine; de là aussi venaient leur force terrible et leur vigueur. Ayant alors conçu de superbes pensées, ils les entreprirent contre les dieux, et ce que dit Homère d’Éphialte et d’Otos, que ceux-ci entreprirent de monter jusqu’au ciel pour attaquer les divins, on le dit aussi d’eux. Alors Zeus et les autres dieux délibérèrent sur le châtiment à leur infliger, et ils ne savaient que faire : pas moyen de les tuer, comme pour les géants, de les foudroyer et d’anéantir leur race – ce serait supprimer les honneurs et le culte que leur rendent les hommes – ni de tolérer leur insolence.

Après une pénible méditation, Jupiter donne enfin son avis:  » Je crois qu’il y a un moyen pour qu’il reste des hommes et que pourtant, devenus moins forts, ceux-ci soient délivrés de leur démesure; je m’en vais couper chacun en deux, ils deviendront plus faibles, et, du même coup, leur nombre étant grossi, ils nous seront plus utiles; deux membres leur suffiront pour marcher; et s’ils nous semblent récidiver dans l’impudence, je les couperai encore en deux, de telle sorte qu’il leur faudra avancer à cloche-pied.  » Sitôt dit, sitôt fait : Zeus coupa les hommes en deux, comme on coupe la pomme pour la faire sécher, ou l’oeuf dur avec un cheveu. Chacun ainsi divisé, il prescrivit à Apollon de lui tourner le visage, et sa moitié de cou du côté de la coupure, afin qu’à se bien voir ainsi coupé, I’homme prît le sens de la mesure; pour le reste qu’il le guérît ! Apollon donc retourna le visage, et tira de partout sur ce qu’on appelle maintenant le ventre, serra comme sur le cordon d’une bourse autour de l’unique ouverture qui restait, et ce fut ce qui est maintenant appelé le nombril. Quant aux plis que cela faisait, il les effaça pour la plupart, il modela la poitrine, avec un outil assez semblable à celui dont usent les cordonniers pour aplanir les cuirs sur la forme; mais il laissa quelques plis, sur le ventre, autour du nombril, destinés à lui rappeler ce qu’il avait subi à l’origine.
Une fois accomplie cette division de la nature primitive, voilà que chaque moitié, désirant l’autre, allait à elle; et les couples, tendant les bras, s’agrippant dans le désir de se réunir, mouraient de faim et aussi de paresse, car ils ne voulaient rien faire dans l’état de séparation. Lorsqu’une moitié périssait, la seconde, abandonnée, en recherchait une autre à qui s’agripper, soit qu’elle fût une moitié de femme complète – ce que nous appelons femme aujourd’hui -, soit la moitié d’un homme, et la race s’éteignait ainsi.

Pris de pitié, Zeus imagine alors un moyen : il déplace leurs sexes et les met par devant – jusque-là ils les avaient par derrière, engendrant et se reproduisant non les uns grâce aux autres, mais dans la terre comme font les cigales. Il réalisa donc ce déplacement vers l’avant, qui leur permit de se reproduire entre eux, par pénétration du mâle dans la femelle, et voici pourquoi : si, dans l’accouplement, un mâle rencontrait une femelle, cette union féconde propagerait la race des hommes; si un mâle rencontrait un mâle, ils en auraient bien vite assez, et pendant les pauses, ils s’orienteraient vers le travail et la recherche des moyens de subsister. De fait, c’est depuis lors, que l’amour mutuel est inné aux hommes, qu’il réassemble leur nature primitive, s’attache à restituer l’un à partir du deux, et à la guérir, cette nature humaine blessée.

Chacun de nous est donc comme un signe de reconnaissance, la moitié d’une pièce, puisqu’on nous a découpés comme les soles en deux parts; et chacun va cherchant l’autre moitié de sa pièce : tous ceux, alors, parmi les hommes, qui proviennent de l’espèce totale, de ce que l’on appelait l’androgyne, aimant les femmes; la plupart des hommes adultères ont même origine, ainsi que les femmes qui aimant les hommes et celles qui trompent leurs maris. Pour les femmes qui sont issues de la division d’une femme primitive, elles ne prêtent pas spontanément attention aux hommes, se tournent plu tôt vers les autres femmes, et ce sont nos tribades. Enfin, tous ceux qui proviennent de la division d’un pur mâle, ceux-là chassent le mâle; tant qu’ils sont enfants, en vraies petites tranches de mâle, ils recherchent les adultes, aiment à coucher avec eux et se faire embrasser, et ce sont les meilleurs, entre les garçons et les jeunes gens, parce que les plus proches du courage viril; on a tort de les dire impudiques; ce n’est pas l’impudeur qui les meut mais la hardiesse, le courage, la crânerie virile, dans la recherche de ce qui leur ressemble; et en voici une bonne preuve : au terme de leur développement, ils sont les seuls à s’occuper de politique; à l’âge viril, ils aiment les garçons, et s’ils songent à se marier, à faire des enfants, ce n’est pas spontanément, mais sous la contrainte de l’usage; leurs goûts les portent plutôt à vivre entre eux, et sans mariage, de toute nécessité, un homme de cette espèce doit aimer les garçons et rechercher l’amour, en s’attachant à ce qui a même origine que lui.

Ainsi lorsque les amants – amoureux des garçons, ou dans tout autre amour – ont rencontré justement la moitié qui est la leur, c’est miracle comme ils sont empoignés par la tendresse, le sentiment de parenté, et l’amour; ils ne consentent plus à se diviser l’un de l’autre, pour ainsi dire, même un instant. Et tels sont bien ceux qui demeurent ensemble jusqu’au terme de leur vie, et qui ne pourraient même pas définir ce qu’ils attendent l’un de l’autre ! Il est invraisemblable que la jouissance physique explique leur si vif désir d’être ensemble : leurs âmes, de toute évidence, désirent autre chose, qu’ils ne peuvent pas dire, mais qu’ils pressentent et insinuent. Si Héphaïstos, lorsqu’ils se tiennent ensemble, leur apparaissait, tenant ses outils et leur disait: « hommes ! que cherchez-vous à devenir en vous unissant ainsi?  » … et si, devant leur embarras il leur demandait, de nouveau:  » n’est-ce pas là votre désir, de vous assimiler l’un à l’autre autant que possible, et de ne vous quitter ni la nuit ni le jour ? Si c’est bien ce que vous voulez, je veux bien, moi, vous fondre ensemble, vous river l’un à l’autre, et des deux que vous êtes faire un seul : ainsi tant que vous vivrez, ce sera comme un seul être d’une commune vie, et lorsque vous mourrez, même là-bas, chez Hadès, vous ne serez pas deux morts, mais une ombre unique. Réfléchissez, si c’est là votre amour et si cet avenir vous comble…  »

Alors nous savons bien qu’en réponse aucun amant ne dirait non, ni ne manifesterait d’autre désir; il croirait avoir entendu la simple expression de son propre désir d’une réunion et combinaison en un seul, de deux qu’ils étaient, avec ce qu’il aime. La cause s’en trouve dans notre primitive nature, dans la totalité qui faisait notre être; et le désir, la chasse de cette totalité s’appelle l’amour; auparavant, je l’affirme, nous étions un, et maintenant, pour notre injustice, nous avons été divisés par les dieux, comme les Arcadiens par Lacédémone. Il est donc à redouter, si nous manquons de mesure à l’égard des dieux, qu’ils ne nous coupent derechef en deux, et que nous ne restions semblables à ces figures sur les stèles, coupées suivant le profil du nez, ou comme les demi-jetons qui permettent de se reconnaître ! Autant de motifs qui engagent tout homme à la piété envers les dieux, et à y exhorter son prochain, afin d’échapper à ce que l’on redoute et d’atteindre ce que l’on désire, comme fait Éros notre guide et notre chef, que nul n’entre en conflit avec lui – et ce conflit éclate dès que nous concourons la haine divine – mais si nous retrouvons les faveurs du dieu, si nous nous réconcilions avec lui, nous découvrirons et approcherons l’autre partie de nous-mêmes nos amours, aventure qui arrive à bien peu aujourd’hui ! Et je prie Éryximaque de ne pas faire le railleur en prétendant que je veux parler de Pausanias et d’Agathon – peut-être bien qu’ils sont du nombre de ceux dont je parle, et que tous deux possèdent cette nature mâle – mais je parle de tous hommes et femmes, et j’assure que notre race atteindrait au bonheur si seulement nous allions au bout de notre amour, et si chacun, rencontrant les amours qui sont faites pour lui, revenait à sa nature originelle. Si tel est le bien suprême, nécessairement, parmi tous les objectifs aujourd’hui à notre portée, celui qui s’en rapproche le plus est le plus beau : et c’est de rencontrer l’ami naturel de son coeur. Notre hymne à la cause divine de cette rencontre, comment ne monterait-il pas vers Éros qui présentement nous est le plus utile, car il nous guide vers ce qui est fait pour nous et, quant à l’avenir, si nous gardons la piété envers les dieux, il nous apporte l’espérance supérieure d’une restitution de notre nature originelle, d’une guérison qui nous donnera le bonheur et la joie ? »

Platon, Banquet, 189d-193d

Καὶ μήν, ὦ Ἐρυξίμαχε, εἰπεῖν τὸν Ἀριστοφάνη, ἄλλῃ γέ πῃ ἐν νῷ ἔχω λέγειν ἢ ᾗ σύ τε καὶ Παυσανίας εἰπέτην. Ἐμοὶ γὰρ δοκοῦσιν ἅνθρωποι παντάπασι τὴν τοῦ ἔρωτος δύναμιν οὐκ ᾐσθῆσθαι, ἐπεὶ αἰσθανόμενοί γε μέγιστ᾽ ἂν αὐτοῦ ἱερὰ κατασκευάσαι καὶ βωμούς, καὶ θυσίας ἂν ποιεῖν μεγίστας, οὐχ ὥσπερ νῦν τούτων οὐδὲν γίγνεται περὶ αὐτόν, δέον πάντων μάλιστα γίγνεσθαι. ἔστι γὰρ θεῶν φιλανθρωπότατος, [189d] ἐπίκουρός τε ὢν τῶν ἀνθρώπων καὶ ἰατρὸς τούτων ὧν ἰαθέντων μεγίστη εὐδαιμονία ἂν τῷ ἀνθρωπείῳ γένει εἴη. Ἐγὼ οὖν πειράσομαι ὑμῖν εἰσηγήσασθαι τὴν δύναμιν αὐτοῦ, ὑμεῖς δὲ τῶν ἄλλων διδάσκαλοι ἔσεσθε.

Δεῖ δὲ πρῶτον ὑμᾶς μαθεῖν τὴν ἀνθρωπίνην φύσιν καὶ τὰ παθήματα αὐτῆς. Ἡ γὰρ πάλαι ἡμῶν φύσις οὐχ αὑτὴ ἦν ἥπερ νῦν, ἀλλ᾽ ἀλλοία. Πρῶτον μὲν γὰρ τρία ἦν τὰ γένη τὰ τῶν ἀνθρώπων, οὐχ ὥσπερ νῦν δύο, ἄρρεν καὶ θῆλυ, [189e] ἀλλὰ καὶ τρίτον προσῆν κοινὸν ὂν ἀμφοτέρων τούτων, οὗ νῦν ὄνομα λοιπόν, αὐτὸ δὲ ἠφάνισται· ἀνδρόγυνον γὰρ ἓν τότε μὲν ἦν καὶ εἶδος καὶ ὄνομα ἐξ ἀμφοτέρων κοινὸν τοῦ τε ἄρρενος καὶ θήλεος, νῦν δὲ οὐκ ἔστιν ἀλλ᾽ ἢ ἐν ὀνείδει ὄνομα κείμενον. ἔπειτα ὅλον ἦν ἑκάστου τοῦ ἀνθρώπου τὸ εἶδος στρογγύλον, νῶτον καὶ πλευρὰς κύκλῳ ἔχον, χεῖρας δὲ τέτταρας εἶχε, καὶ σκέλη τὰ ἴσα ταῖς χερσίν, καὶ πρόσωπα [190a] δύ᾽ ἐπ᾽ αὐχένι κυκλοτερεῖ, ὅμοια πάντῃ· κεφαλὴν δ᾽ ἐπ᾽ ἀμφοτέροις τοῖς προσώποις ἐναντίοις κειμένοις μίαν, καὶ ὦτα τέτταρα, καὶ αἰδοῖα δύο, καὶ τἆλλα πάντα ὡς ἀπὸ τούτων ἄν τις εἰκάσειεν. Ἐπορεύετο δὲ καὶ ὀρθὸν ὥσπερ νῦν, ὁποτέρωσε βουληθείη· καὶ ὁπότε ταχὺ ὁρμήσειεν θεῖν, ὥσπερ οἱ κυβιστῶντες καὶ εἰς ὀρθὸν τὰ σκέλη περιφερόμενοι κυβιστῶσι κύκλῳ, ὀκτὼ τότε οὖσι τοῖς μέλεσιν ἀπερειδόμενοι ταχὺ ἐφέροντο κύκλῳ. Ἦν δὲ διὰ ταῦτα τρία [190b] τὰ γένη καὶ τοιαῦτα, ὅτι τὸ μὲν ἄρρεν ἦν τοῦ ἡλίου τὴν ἀρχὴν ἔκγονον, τὸ δὲ θῆλυ τῆς γῆς, τὸ δὲ ἀμφοτέρων μετέχον τῆς σελήνης, ὅτι καὶ ἡ σελήνη ἀμφοτέρων μετέχει· περιφερῆ δὲ δὴ ἦν καὶ αὐτὰ καὶ ἡ πορεία αὐτῶν διὰ τὸ τοῖς γονεῦσιν ὅμοια εἶναι. Ἦν οὖν τὴν ἰσχὺν δεινὰ καὶ τὴν ῥώμην, καὶ τὰ φρονήματα μεγάλα εἶχον, ἐπεχείρησαν δὲ τοῖς θεοῖς, καὶ ὃ λέγει Ὅμηρος περὶ Ἐφιάλτου τε καὶ Ὤτου, περὶ ἐκείνων λέγεται, τὸ εἰς τὸν οὐρανὸν ἀνάβασιν ἐπιχειρεῖν [190c] ποιεῖν, ὡς ἐπιθησομένων τοῖς θεοῖς. Ὁ οὖν Ζεὺς καὶ οἱ ἄλλοι θεοὶ ἐβουλεύοντο ὅτι χρὴ αὐτοὺς ποιῆσαι, καὶ ἠπόρουν· οὔτε γὰρ ὅπως ἀποκτείναιεν εἶχον καὶ ὥσπερ τοὺς γίγαντας κεραυνώσαντες τὸ γένος ἀφανίσαιεν—αἱ τιμαὶ γὰρ αὐτοῖς καὶ ἱερὰ τὰ παρὰ τῶν ἀνθρώπων ἠφανίζετο— οὔτε ὅπως ἐῷεν ἀσελγαίνειν. Μόγις δὴ ὁ Ζεὺς ἐννοήσας λέγει ὅτι “δοκῶ μοι,” ἔφη, “ἔχειν μηχανήν, ὡς ἂν εἶέν τε ἅνθρωποι καὶ παύσαιντο τῆς ἀκολασίας ἀσθενέστεροι [190d] γενόμενοι. Νῦν μὲν γὰρ αὐτούς, ἔφη, διατεμῶ δίχα ἕκαστον, καὶ ἅμα μὲν ἀσθενέστεροι ἔσονται, ἅμα δὲ χρησιμώτεροι ἡμῖν διὰ τὸ πλείους τὸν ἀριθμὸν γεγονέναι· καὶ βαδιοῦνται ὀρθοὶ ἐπὶ δυοῖν σκελοῖν. Ἐὰν δ᾽ ἔτι δοκῶσιν ἀσελγαίνειν καὶ μὴ ‘θέλωσιν ἡσυχίαν ἄγειν, πάλιν αὖ, ἔφη, τεμῶ δίχα, ὥστ᾽ ἐφ᾽ ἑνὸς πορεύσονται σκέλους ἀσκωλιάζοντες.” ταῦτα εἰπὼν ἔτεμνε τοὺς ἀνθρώπους δίχα, ὥσπερ οἱ τὰ ὄα τέμνοντες [190e] καὶ μέλλοντες ταριχεύειν, ἢ ὥσπερ οἱ τὰ ᾠὰ ταῖς θριξίν· ὅντινα δὲ τέμοι, τὸν Ἀπόλλω ἐκέλευεν τό τε πρόσωπον μεταστρέφειν καὶ τὸ τοῦ αὐχένος ἥμισυ πρὸς τὴν τομήν, ἵνα θεώμενος τὴν αὑτοῦ τμῆσιν κοσμιώτερος εἴη ὁ ἄνθρωπος, καὶ τἆλλα ἰᾶσθαι ἐκέλευεν. Ὁ δὲ τό τε πρόσωπον μετέστρεφε, καὶ συνέλκων πανταχόθεν τὸ δέρμα ἐπὶ τὴν γαστέρα νῦν καλουμένην, ὥσπερ τὰ σύσπαστα βαλλάντια, ἓν στόμα ποιῶν ἀπέδει κατὰ μέσην τὴν γαστέρα, ὃ δὴ τὸν ὀμφαλὸν καλοῦσι. Καὶ τὰς μὲν ἄλλας ῥυτίδας [191a] τὰς πολλὰς ἐξελέαινε καὶ τὰ στήθη διήρθρου, ἔχων τι τοιοῦτον ὄργανον οἷον οἱ σκυτοτόμοι περὶ τὸν καλάποδα λεαίνοντες τὰς τῶν σκυτῶν ῥυτίδας· ὀλίγας δὲ κατέλιπε, τὰς περὶ αὐτὴν τὴν γαστέρα καὶ τὸν ὀμφαλόν, μνημεῖον εἶναι τοῦ παλαιοῦ πάθους. Ἐπειδὴ οὖν ἡ φύσις δίχα ἐτμήθη, ποθοῦν ἕκαστον τὸ ἥμισυ τὸ αὑτοῦ συνῄει, καὶ περιβάλλοντες τὰς χεῖρας καὶ συμπλεκόμενοι ἀλλήλοις, ἐπιθυμοῦντες συμφῦναι, ἀπέθνῃσκον ὑπὸ λιμοῦ καὶ τῆς [191b] ἄλλης ἀργίας διὰ τὸ μηδὲν ἐθέλειν χωρὶς ἀλλήλων ποιεῖν. Καὶ ὁπότε τι ἀποθάνοι τῶν ἡμίσεων, τὸ δὲ λειφθείη, τὸ λειφθὲν ἄλλο ἐζήτει καὶ συνεπλέκετο, εἴτε γυναικὸς τῆς ὅλης ἐντύχοι ἡμίσει — ὃ δὴ νῦν γυναῖκα καλοῦμεν — εἴτε ἀνδρός· καὶ οὕτως ἀπώλλυντο. Ἐλεήσας δὲ ὁ Ζεὺς ἄλλην μηχανὴν πορίζεται, καὶ μετατίθησιν αὐτῶν τὰ αἰδοῖα εἰς τὸ πρόσθεν — τέως γὰρ καὶ ταῦτα ἐκτὸς εἶχον, καὶ ἐγέννων [191c] καὶ ἔτικτον οὐκ εἰς ἀλλήλους ἀλλ᾽ εἰς γῆν, ὥσπερ οἱ τέττιγες — μετέθηκέ τε οὖν οὕτω αὐτῶν εἰς τὸ πρόσθεν καὶ διὰ τούτων τὴν γένεσιν ἐν ἀλλήλοις ἐποίησεν, διὰ τοῦ ἄρρενος ἐν τῷ θήλει, τῶνδε ἕνεκα, ἵνα ἐν τῇ συμπλοκῇ ἅμα μὲν εἰ ἀνὴρ γυναικὶ ἐντύχοι, γεννῷεν καὶ γίγνοιτο τὸ γένος, ἅμα δ᾽ εἰ καὶ ἄρρην ἄρρενι, πλησμονὴ γοῦν γίγνοιτο τῆς συνουσίας καὶ διαπαύοιντο καὶ ἐπὶ τὰ ἔργα τρέποιντο καὶ τοῦ ἄλλου βίου ἐπιμελοῖντο. ἔστι δὴ οὖν ἐκ τόσου [191d] ὁ ἔρως ἔμφυτος ἀλλήλων τοῖς ἀνθρώποις καὶ τῆς ἀρχαίας φύσεως συναγωγεὺς καὶ ἐπιχειρῶν ποιῆσαι ἓν ἐκ δυοῖν καὶ ἰάσασθαι τὴν φύσιν τὴν ἀνθρωπίνην. ἕκαστος οὖν ἡμῶν ἐστιν ἀνθρώπου σύμβολον, ἅτε τετμημένος ὥσπερ αἱ ψῆτται, ἐξ ἑνὸς δύο· ζητεῖ δὴ ἀεὶ τὸ αὑτοῦ ἕκαστος σύμβολον. Ὅσοι μὲν οὖν τῶν ἀνδρῶν τοῦ κοινοῦ τμῆμά εἰσιν, ὃ δὴ τότε ἀνδρόγυνον ἐκαλεῖτο, φιλογύναικές τέ εἰσι καὶ οἱ πολλοὶ τῶν μοιχῶν ἐκ τούτου τοῦ γένους γεγόνασιν, καὶ [191e] ὅσαι αὖ γυναῖκες φίλανδροί τε καὶ μοιχεύτριαι ἐκ τούτου τοῦ γένους γίγνονται. Ὅσαι δὲ τῶν γυναικῶν γυναικὸς τμῆμά εἰσιν, οὐ πάνυ αὗται τοῖς ἀνδράσι τὸν νοῦν προσέχουσιν, ἀλλὰ μᾶλλον πρὸς τὰς γυναῖκας τετραμμέναι εἰσί, καὶ αἱ ἑταιρίστριαι ἐκ τούτου τοῦ γένους γίγνονται. Ὅσοι δὲ ἄρρενος τμῆμά εἰσι, τὰ ἄρρενα διώκουσι, καὶ τέως μὲν ἂν παῖδες ὦσιν, ἅτε τεμάχια ὄντα τοῦ ἄρρενος, φιλοῦσι τοὺς ἄνδρας καὶ χαίρουσι συγκατακείμενοι καὶ συμπεπλεγμένοι [192a] τοῖς ἀνδράσι, καί εἰσιν οὗτοι βέλτιστοι τῶν παίδων καὶ μειρακίων, ἅτε ἀνδρειότατοι ὄντες φύσει. Φασὶ δὲ δή τινες αὐτοὺς ἀναισχύντους εἶναι, ψευδόμενοι· οὐ γὰρ ὑπ᾽ ἀναισχυντίας τοῦτο δρῶσιν ἀλλ᾽ ὑπὸ θάρρους καὶ ἀνδρείας καὶ ἀρρενωπίας, τὸ ὅμοιον αὐτοῖς ἀσπαζόμενοι. Μέγα δὲ τεκμήριον· καὶ γὰρ τελεωθέντες μόνοι ἀποβαίνουσιν εἰς τὰ πολιτικὰ ἄνδρες οἱ τοιοῦτοι. Ἐπειδὰν δὲ ἀνδρωθῶσι, [192b] παιδεραστοῦσι καὶ πρὸς γάμους καὶ παιδοποιίας οὐ προσέχουσι τὸν νοῦν φύσει, ἀλλ᾽ ὑπὸ τοῦ νόμου ἀναγκάζονται· ἀλλ᾽ ἐξαρκεῖ αὐτοῖς μετ᾽ ἀλλήλων καταζῆν ἀγάμοις. Πάντως μὲν οὖν ὁ τοιοῦτος παιδεραστής τε καὶ φιλεραστὴς γίγνεται, ἀεὶ τὸ συγγενὲς ἀσπαζόμενος. Ὅταν μὲν οὖν καὶ αὐτῷ ἐκείνῳ ἐντύχῃ τῷ αὑτοῦ ἡμίσει καὶ ὁ παιδεραστὴς καὶ ἄλλος πᾶς, τότε καὶ θαυμαστὰ ἐκπλήττονται φιλίᾳ τε καὶ [192c] οἰκειότητι καὶ ἔρωτι, οὐκ ἐθέλοντες ὡς ἔπος εἰπεῖν χωρίζεσθαι ἀλλήλων οὐδὲ σμικρὸν χρόνον. Καὶ οἱ διατελοῦντες μετ᾽ ἀλλήλων διὰ βίου οὗτοί εἰσιν, οἳ οὐδ᾽ ἂν ἔχοιεν εἰπεῖν ὅτι βούλονται σφίσι παρ᾽ ἀλλήλων γίγνεσθαι. Οὐδενὶ γὰρ ἂν δόξειεν τοῦτ᾽ εἶναι ἡ τῶν ἀφροδισίων συνουσία, ὡς ἄρα τούτου ἕνεκα ἕτερος ἑτέρῳ χαίρει συνὼν οὕτως ἐπὶ μεγάλης σπουδῆς· ἀλλ᾽ ἄλλο τι βουλομένη ἑκατέρου ἡ ψυχὴ [192d] δήλη ἐστίν, ὃ οὐ δύναται εἰπεῖν, ἀλλὰ μαντεύεται ὃ βούλεται, καὶ αἰνίττεται. Καὶ εἰ αὐτοῖς ἐν τῷ αὐτῷ κατακειμένοις ἐπιστὰς ὁ Ἥφαιστος, ἔχων τὰ ὄργανα, ἔροιτο·

“τί ἔσθ᾽ ὃ βούλεσθε, ὦ ἄνθρωποι, ὑμῖν παρ᾽ ἀλλήλων γενέσθαι;”

καὶ εἰ ἀποροῦντας αὐτοὺς πάλιν ἔροιτο·

“ἆρά γε τοῦδε ἐπιθυμεῖτε, ἐν τῷ αὐτῷ γενέσθαι ὅτι μάλιστα ἀλλήλοις, ὥστε καὶ νύκτα καὶ ἡμέραν μὴ ἀπολείπεσθαι ἀλλήλων; εἰ γὰρ τούτου ἐπιθυμεῖτε, θέλω ὑμᾶς συντῆξαι καὶ [192e] συμφυσῆσαι εἰς τὸ αὐτό, ὥστε δύ᾽ ὄντας ἕνα γεγονέναι καὶ ἕως τ᾽ ἂν ζῆτε, ὡς ἕνα ὄντα, κοινῇ ἀμφοτέρους ζῆν, καὶ ἐπειδὰν ἀποθάνητε, ἐκεῖ αὖ ἐν Ἅιδου ἀντὶ δυοῖν ἕνα εἶναι κοινῇ τεθνεῶτε· ἀλλ᾽ ὁρᾶτε εἰ τούτου ἐρᾶτε καὶ ἐξαρκεῖ ὑμῖν ἂν τούτου τύχητε·” ταῦτ᾽ ἀκούσας ἴσμεν ὅτι οὐδ᾽ ἂν εἷς ἐξαρνηθείη οὐδ᾽ ἄλλο τι ἂν φανείη βουλόμενος, ἀλλ᾽ ἀτεχνῶς οἴοιτ᾽ ἂν ἀκηκοέναι τοῦτο ὃ πάλαι ἄρα ἐπεθύμει, συνελθὼν καὶ συντακεὶς τῷ ἐρωμένῳ ἐκ δυοῖν εἷς γενέσθαι. Τοῦτο γάρ ἐστι τὸ αἴτιον, ὅτι ἡ ἀρχαία φύσις ἡμῶν ἦν αὕτη καὶ ἦμεν ὅλοι· τοῦ ὅλου οὖν τῇ ἐπιθυμίᾳ [193a] καὶ διώξει ἔρως ὄνομα. Καὶ πρὸ τοῦ, ὥσπερ λέγω, ἓν ἦμεν, νυνὶ δὲ διὰ τὴν ἀδικίαν διῳκίσθημεν ὑπὸ τοῦ θεοῦ, καθάπερ Ἀρκάδες ὑπὸ Λακεδαιμονίων· φόβος οὖν ἔστιν, ἐὰν μὴ κόσμιοι ὦμεν πρὸς τοὺς θεούς, ὅπως μὴ καὶ αὖθις διασχισθησόμεθα, καὶ περίιμεν ἔχοντες ὥσπερ οἱ ἐν ταῖς στήλαις καταγραφὴν ἐκτετυπωμένοι, διαπεπρισμένοι κατὰ τὰς ῥῖνας, γεγονότες ὥσπερ λίσπαι. Ἀλλὰ τούτων ἕνεκα πάντ᾽ ἄνδρα χρὴ ἅπαντα παρακελεύεσθαι εὐσεβεῖν περὶ [193b] θεούς, ἵνα τὰ μὲν ἐκφύγωμεν, τῶν δὲ τύχωμεν, ὡς ὁ Ἔρως ἡμῖν ἡγεμὼν καὶ στρατηγός. ᾧ μηδεὶς ἐναντία πραττέτω — πράττει δ᾽ ἐναντία ὅστις θεοῖς ἀπεχθάνεται — φίλοι γὰρ γενόμενοι καὶ διαλλαγέντες τῷ θεῷ ἐξευρήσομέν τε καὶ ἐντευξόμεθα τοῖς παιδικοῖς τοῖς ἡμετέροις αὐτῶν, ὃ τῶν νῦν ὀλίγοι ποιοῦσι. Καὶ μή μοι ὑπολάβῃ Ἐρυξίμαχος, κωμῳδῶν τὸν λόγον, ὡς Παυσανίαν καὶ Ἀγάθωνα λέγω — ἴσως μὲν [193c] γὰρ καὶ οὗτοι τούτων τυγχάνουσιν ὄντες καί εἰσιν ἀμφότεροι τὴν φύσιν ἄρρενες—λέγω δὲ οὖν ἔγωγε καθ᾽ ἁπάντων καὶ ἀνδρῶν καὶ γυναικῶν, ὅτι οὕτως ἂν ἡμῶν τὸ γένος εὔδαιμον γένοιτο, εἰ ἐκτελέσαιμεν τὸν ἔρωτα καὶ τῶν παιδικῶν τῶν αὑτοῦ ἕκαστος τύχοι εἰς τὴν ἀρχαίαν ἀπελθὼν φύσιν. Εἰ δὲ τοῦτο ἄριστον, ἀναγκαῖον καὶ τῶν νῦν παρόντων τὸ τούτου ἐγγυτάτω ἄριστον εἶναι· τοῦτο δ᾽ ἐστὶ παιδικῶν τυχεῖν κατὰ νοῦν αὐτῷ πεφυκότων· οὗ δὴ τὸν αἴτιον θεὸν ὑμνοῦντες [193d] δικαίως ἂν ὑμνοῖμεν ἔρωτα, ὃς ἔν τε τῷ παρόντι ἡμᾶς πλεῖστα ὀνίνησιν εἰς τὸ οἰκεῖον ἄγων, καὶ εἰς τὸ ἔπειτα ἐλπίδας μεγίστας παρέχεται, ἡμῶν παρεχομένων πρὸς θεοὺς εὐσέβειαν, καταστήσας ἡμᾶς εἰς τὴν ἀρχαίαν φύσιν καὶ ἰασάμενος μακαρίους καὶ εὐδαίμονας ποιῆσαι.

( N.B. C’est un hymne à l’amour mais rappelons-nous aussi  un autre passage du même ouvrage qui relativise cet Hymne :  le bel Alcibiade amoureux fou de Socrate raconte comment ce philosophe, laid mais fascinant, à qui il déclarait son désir, l’a refusé : « A ce discours, il me répondit avec ce ton d’ironie qui lui est familier : Oui-dà, mon cher Alcibiade, tu ne me parais pas mal avisé, si ce que tu dis de moi est vrai, [218e] et si je possède en effet le vertu de te rendre meilleur; vraiment tu as découvert là en moi une beauté merveilleuse et bien supérieure à la tienne; à ce compte, si tu veux faire avec moi un échange, tu m’as l’air de vouloir faire un assez bon marché; tu prétends avoir le réel de la beauté pour son apparence, tu me proposes [219a] du cuivre contre de l’or … »  et c’est pourquoi  Socrate ne cédera jamais à Alcibiade…)

 

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