Covid 19 : une réponse laconique (et l’étymologie de ce terme), par Marguerite Champeaux-Rousselot

En ces temps de Covid19 …

Les Spartiates habitaient la Laconie, région de Grèce centrale ( ( dans la paume de la main qu’est la forme  géographique de la Grèce ! ). Ils étaient réputés pour la force, la netteté  et la brièveté de leur langage, d’où en français le sens du terme laconisme  et de ses termes parents. Exemple : une réponse laconique, il répondit laconiquement

Un exemple : Philippe de Macédoine, le père d’Alexandre le Grand, parti à la conquête de la Grèce, envoya une ambassade exiger la soumission de Sparte avec ce message « Je vous conseille de vous soumettre sans délai, car si je conduis mon armée sur votre territoire, alors je détruirai vos fermes, je tuerai votre peuple, et je raserai votre cité… »
La réponse des Spartiates : « « Si… »… »
Et Philippe renonça à attaquer Sparte…

Voyez sur Wikipédia quelques exemples  si j’ose dire éloquents !
https://fr.wikipedia.org/wiki/Laconisme
et  voir plus bas pour le texte grec exact et sa traduction précise.

Mais le virus, à la différence de Philippe,  n’a pas d’oreilles, n’envisage pas de négociation avec nous et ne  nous pose pas de questions,   et nous,  pour le moment, à la différence des Spartiates, nous sommes nus et sans défense…
Nous  n’avons pour le  moment que notre courage  ( celui des « soignants » de notre société, et celui des blessés ou des familles de morts ), et nous n’avons d’autres armes qu’une prudence individuelle et collective …
Tout « risque » doit donc être couru de façon mesurée et  prévue, collectivement et intelligemment.
A virus sourd et muet,  telle sera notre réponse en actes, laconique et efficace.

Marguerite Champeaux-Roussselot (2020-05-25)

J’ai trouvé cet exemple dans les commentaires à la fin d’un blog traitant de risques statistiques à propos du Covid !  https://www.pauljorion.com/blog/2020/05/23/covid-19-il-y-a-contamineur-et-contamineur-par-timiota/?cn-reloaded=1

Plutarque, (46-125)  a écrit «  Du bavardage », ou « Du trop parler », un ouvrage très formateur d’ailleurs !
Il y traite évidemment longuement de la concision des Spartiates ou Lacédémoniens  et en donne plusieurs exemples, dont celui qui m’intéresse ici  car nous avons aujourd’hui à décider de l’action à mener pour résister  au coronavirus Covid19.
Voici  donc un exemple du célèbre laconisme  de ces Grecs qui avaient un modèle de société, d’éloquence, d’art, d’éducation, un peu à part   des autres Grecs :

οἷόν ἐστι  τὸ ‘Λακεδαιμόνιοι Φιλίππῳ Διονύσιος ἐν Κορίνθῳ’ καὶ πάλιν γράψαντος αὐτοῖς τοῦ Φιλίππου ‘ἂν ἐμβάλω εἰς τὴν Λακωνικήνἀναστάτους ὑμᾶς ποιήσω, ’ ἀντέγραψαν ‘αἴκα.’  (Plutarque, De Garrulitate, 17)

« Par exemple les Lacédémoniens, à Philippe, Dionysos étant à Corinthe,  Philippe leur  ayant écrit : « Si j’entre dans Sparte, je vous raserai »,  ils répondirent : « « « Si…  » !! »

Texte entier :
en grec : http://www.perseus.tufts.edu/hopper/text?doc=Perseus%3Atext%3A2008.01.0286%3Asectio
et en anglais :
http://www.perseus.tufts.edu/hopper/text?doc=Perseus%3Atext%3A2008.01.0288%3Asection%3D17

Merci à G. de Rosny, animateur à la suite de Louis de Balmann, du Café homérique, qui m’a aidée à retrouver la référence du texte !
site du café homérique : http://www.homeros.site/spip.php?rubrique8

Imaginer les gestes-barrière contre le retour à la production d’avant-crise, par Bruno Latour (2020 – 03)

2020-04-07 Bruno Latour P-202-AOC-03-20

Allez lire cet  article qui m’a semblé remarquable par sa largeur de vue et sa capacité prospective.

J’y ajoute  un commentaire …

Il s’agit pour nous de donner au mot « crise » toute sa valeur  : le terme vient du grec krinô  qui signifie voir, discerner, juger  juger; une racine qui a donné en latin  cerno d’où le français discerner… 

Tout ne doit pas repartir …

Nous prenons conscience en ce moment de ce qui est nécessaire /superflu;  de ce qui est utile/nuisible ;  de ce que nous maîtrisons/ ou  non ;  de la puissance de la Nature et de la faiblesse de notre  espèce ; de l’équilibre de la Nature à laquelle notre espèce s’est adaptée au fil de millions d’années  et de la capacité exponentielle de nuisance   de certains  groupes humains ne réfléchissant  pas plus loin que leur ego…

Mettons toutes nos forces à  un effet-cliquet   pour empêcher des tentatives de retour en arrière  en oubliant les leçons de la crise. Il ne peut être question de rattrapage, de retour, de « comme avant »  ou d’ « autant »   mais de « mieux ».
Mettons toutes nos forces de réflexion sur le long terme, sur les choix à faire.
La  machine était devenue écervelée  ( rien d’étonnant ) et folle, le conducteur somnolait … Un cliquet de sécurité a joué déclenchant la sirène d’alarme  et arrêtant  pour un temps les dommages.

Empêchons  une reprise irréfléchie  dans les conditions précédentes :  l’Etat a des moyens d’infléchir  d’une façon souple et compréhensible par tous  : pas d’aide d’Etat pour certaines entreprises, voire certaines personnes :

  • celles qui  donnent  des dividendes aux actionnaires au delà de l’indice de la consommation par exemple  et prennent alors sur les deniers publics
  • celles qui ont des fonds dans les paradis fiscaux ou consacrent une part trop grande de leur énergie   et des fonds qu leur sont confiés à trouver et profiter des niches fiscales
  • celles qui n’infléchissent pas leur production à vendre en tenant compte des aspects planétaires de notre biotope commun à tous
  • celles qui comptent sur les autres sans faire réellement l’effort en contre partie qui leur sera demandé

Cela impliquera sans doute des reconversions et des sélections , des mots qui nous inquiètent aujourd’hui certes,mais qui  sont positifs  puisque ce sera laseule façon de pouvoir encore aider ceux qui  enont réellement besoin ensuite.

Les aides doivent être orientées  pour permettre aux entreprises de régler leurs dettes , mais les aides  ne sont pas faites pour  refaire comme avant . D’ailleurs, certaines entreprises, si on les aide à redémarrer comme avant feront faillite peut après …
Qui peut croire en effet aujourd’hui que nos impôts directs et indirects ne vont pas augmenter et que notre  niveau de vie ne va pas être impacté?
Il est donc évident et prévisible que nous, 4 personnes sur 5 peut-être,   aurons des budgets bien plus serrés : nous irons donc moins au restaurant, au théâtre, en voyage,  dans un magasin d habits de marque,  et achèterons moins de produits qui auraient voyagé en avion… Toutes ces entreprises, ces métiers,  doivent se reconvertir,  sans attendre et préventivement,  dans des secteurs  qui seront porteurs et que nous avons discernés pendant cette période de confinement : production plus locale pour circuits courts, éducation, hygiène, écologie, services ( lutte pour une bonne justice financière,  prévention des violences, des  comportements nuisibles à la santé  et aux autres etc. ),  techniques utilisation  le virtuel pour remplacer les déplacements trop coûteux  ou la culture  trop « luxueuse »… ou  trop abondante en offre aidée  non concertée, éducation à la simplicité goûteuse du beau  et de la vie etc.

Il s’agit pour nous de donner non seulement au mot « crise » toute sa valeur, mais encore  de profiter de toute la valeur  de  la crise elle-même.

Ce n’est pas un retour que nous devons viser, un  retour qui ferait revenir une crise inévitablement pire.

Nous devons pousser de toutes nos forces pour infléchir la direction et reprendre le contrôle pour aller  vers un mieux.

Marguerite Champeaux-Rousselot ( 2020-04-26)