Comment en est-on arrivé à des prêtres catholiques non mariés ? (Marguerite Champeaux-Rousselot)

Au début du christianisme, y avait-il déjà des clercs « chastes » et les autres ?

Le Nouveau Testament ne donne guère de préceptes par rapport aux prêtres que Jésus aurait souhaités.

Les uns disent qu’ils avaient déjà les caractéristiques d’aujourd’hui et que ces Traditions sont imprescriptibles ; les autres disent qu’elles sont récentes et peuvent encore évoluer, peut-être même paradoxalement  pour se rapprocher des intentions initiales de Jésus…

Peut-on tenter, avec simplicité, un voyage dans le temps pour retourner aux tout débuts de notre Eglise ?

Plan

Au début du christianisme,  y avait-il déjà des clercs « chastes » et les autres ?

I Pourquoi cette question. Quelques exemples de raisonnements à faux.

II Bref état des lieux à l’époque de Jésus ou juste après, sur cette question

III  L’évolution concernant cette question vue au fil des décisions des Conciles, et au fil des débats

IV Premières conclusions sur cette question : a) le célibat sacerdotal est le résultat d’une logue évolution ; b) à l’origine, la question n’était même pas posée c) cette non-condition  est une tradition apostolique d) la volonté de Jésus est la non hiérarchisation.

V Le souci de pureté rituelle et ses conséquences : hiérarchisation, sacralisation, divisions.

VI A propos de ce sujet, les Eglises d’Orient et d’Occident jusqu’à aujourd’hui.

VII Une conclusion non-conclusive mais une évolution à poursuivre

 

 

I Pourquoi cette question. Quelques exemples de raisonnements à faux

Au début du christianisme,  y avait-il des clercs « chastes » et tous les autres ?

Le Nouveau Testament ne donne guère de préceptes par rapport aux prêtres que Jésus aurait souhaités, s’il en a souhaités.

On tente d’en trouver au risque parfois d’erreurs de raisonnement volontaires.

Trois exemples :

La lettre aux Hébreux est souvent utilisée à contre-sens. Il y est écrit en effet certes que Jésus est l’unique « grand prêtre », ce qui semble permettre de dire que c’est dans son sillage que s’inscrivent les prêtres de la Nouvelle Alliance. Or ce texte dit au contraire que Jésus a offert le seul et unique sacrifice  parfait après lequel il ne peut plus y avoir de sacrifice ni de prêtre : il a été écrit pour bien montrer la différence avec les pratiques précédentes.

On dit parfois que Jésus se présente dans l’Evangile  comme « l’époux chaste » en faisant référence à Lc 5, 34 : or ce texte ne précise en aucune manière nulle part que le jeune marié est « chaste » (et par ailleurs la comparaison porte sur un tout autre sujet que la définition des prêtres, mais sur celui de s’il fallait jeûner ou non).

On dit parfois que Paul explique que l’Eglise est comme une vierge fiancée au Christ (2 Cor 11, 2) : il est évident que cela ne décrit pas le prêtre et de plus, en réalité ce texte ne dit même pas cela, mais : «  Je vous jalouse de la jalousie de Dieu. En effet, je vous ai fiancés au Christ, comme une vierge pure à présenter à un seul homme » et il continue en disant qu’il a peur qu’ils soient séduits par le premier venu comme Eve par le serpent : cela ne dit rien non plus sur le prêtre.

 

II Bref état des lieux à l’époque de Jésus et juste après, sur cette question

Si Jésus ne s’est pas s’exprimé à ce sujet, on peut penser qu’il situait éventuellement cela dans une continuité avec Israël, et que les premiers chrétiens après Jésus se sont situés dans  une continuité avec Jésus un fils d’Israël qui leur a aussi appris la liberté.

On peut noter qu’en Israël, les lévites n’étaient tenus à l’abstinence sexuelle que le temps de leur service au temple, pendant lequel ils quittaient leur foyer (comme Zacharie cf. Lc 1, 23-24), le sang et le sexuel étant perçus comme impurs. Par ailleurs, les hommes en Israël devaient tous être mariés pour être des hommes accomplis et même avoir une descendance, les rabbis en particulier. La stérilité après mariage était vécue comme un châtiment, de même que le fait de rester «  fille ». On voit que des veuves pouvaient se consacrer à Dieu, mais on ne voit pas de fille à marier le faire.

Dans les Evangiles, il n’est mentionné nulle part que les premiers disciples étaient vierges ou non mariés ; de même pour les disciples au féminin.  De plus, Pierre, de son côté, a bien une belle-mère (Mt 8, 14). (πενθερα[1]) et on ne voit pas que cela ait été un critère de refus ou de rejet.

Alors que certaines tendances et sectes – en Israël comme ailleurs –  se focalisaient sur certaines questions matérielles ou formelles de pureté ou considéraient le corps de chacun et celui de la femme encore plus, comme des sources et des réceptacles de péché, les évangiles ne mentionnent pas de recommandation  de Jésus de ce côté, à part la pureté, la fécondité, et la fidélité  du cœur : la création entière est bonne et c’est l’Homme qui peut éventuellement la salir.

Jésus est très libéral sur ces questions : il considère qu’on peut être romain, samaritain, petit, grand etc. pour Dieu, qu’on peut se faire ermite comme Jean-Baptiste pour Dieu voire eunuque, mais qu’une famille, que des gens (s’) aimant comme Dieu aime est l’image de ce que Dieu souhaite comme relations entre tous. Jésus dit que la relation à la famille, aux biens, à tout, doit être irrigué par l’amour de Dieu pour être réussi : un précepte souvent dit et redit autrement  et qui concerne tout un chacun, homme, femme, de tout âge etc. Toutes sortes de personnes le suivaient. Luc 8, 1-3 : Jésus se déplace «  et les Douze avec lui et quelques femmes qui étaient des guéries d’esprits mauvais et de maladies : Marie dite de Magada dont étaient sortis sept démons, Jeanne, femme de  Chouza, intendant d’Hérode, Suzanne et beaucoup d’autres qui les aidaient d leurs biens. » Des femmes le suivaient : rien ne dit leurs liens de parentés avec les disciples dont on parle juste avant. Ils le suivent  vers le Royaume, c’est tout.

Jésus n’était pas d’une famille de prêtres  et ne se revendiquait pas tel : il critique même assez souvent certains prêtres dévoyés d’Israël. Même un bon prêtre n’est pas son modèle. Ces questions sont  à côté de la Loi qu’il aime.

Dans les Actes et les Epîtres (antérieurs en fait aux Evangiles) il en va  de même quant au remplacement des disciples ou le choix des diacres ou des diaconesses etc. : le mariage n’est ni positif, ni négatif : ce n’est surtout pas un critère. Mieux : il n’est même pas mentionné du tout.

Cependant Paul n’a probablement pas sa femme (s’il est marié) avec lui dans ses voyages : dans la première épître au Corinthiens (du printemps 64 et authentique) quand il demande en effet à  ce que Barnabé et lui soient mieux considérés et pris en charge même financièrement pour ce qu’ils font, il  déclare : « N’avons-nous pas le droit d’emmener près de nous une femme sœur comme aussi les autres apôtres, et les frères du Seigneur et Céphas ( = Pierre) ? » (1 Co 9,5)  et visiblement cette personne est elle aussi à prendre en charge par la communauté : ce n’est visiblement  pas son épouse, mais Paul  n’a pas de relation charnelles ave elle. Les disciples laissaient sans doute leur famille pour ces missions et se trouvaient dans le même cas que lui, mariés ou non.

Cependant,  Paul semble avoir un vécu bien particulier, (qui n’est pas forcément celui de tous même s’il s’estime apte à donner des conseils à tous). Il estime que la chair empêcherait tout simplement de se consacrer à penser à Dieu et comme il faut éviter le péché, (1 Cor 7, 32-38) et  il donne une grande valeur entre autres plus particulièrement au célibat,  à la chasteté et à la continence sexuelles qui juguleront cette chair de péché. Comme Il sait cependant que la frustration entraîne la concupiscence qui empêche de penser à Dieu et fait donc précisément pécher, alors marions-nous ( le mariage devrait être une bonne chose puisque Dieu l’a créé ! ) pour nous libérer de cette occupation de l’esprit en nous désillusionnant sur la chair, malgré beaucoup d’inconvénients et de risques de péché… puisque le fait d’être marié devrait presque à coup sûr entraver lui aussi  la  pratique de la vie chrétienne… D’où sa louange et d’un mariage très orienté vers Dieu et d’une vie consacrée présentée comme un sommet. En fait, si Paul ne sait plus vers quelle Loi se tourner et tourner ses lecteurs, c’est qu’il ne peut fonder sa conception sur des paroles de Jésus qui lui auraient été transmises. Il croit pourtant légitime d’insister sur sa conception car pense sincèrement aller dans le même sens que le Christ. De ce fait, Paul crée une sorte de loi hiérarchisant  plus ou moins volontairement  les statuts des chrétiens, car pour lui, Dieu doit  passer avant tout : là est le critère de l’excellence. On peut se demander pourquoi Paul se trouve dans un monde si tranché, si désuni, et pourquoi  il accorde ce prix si particulier à la virginité, à la continence et à la chasteté : c’est sans doute, à son insu, pour des raisons personnelles et sociétales. Son opinion traduit néanmoins un courant de pensée et représente bien d’autres personnalités qui se mettront vite à l’œuvre en allant dans son sens.

Ainsi, sur un plan pratique, la lettre pastorale de Paul à Timothée  parle du «  surveillant » ( le mot donnera « évêque »), des diacres et des femmes recevant officiellement le titre de « veuves » : il y est clairement question de hiérarchie, et un certain type d’abstinence sexuelle est une condition à remplir : le «  surveillant » « doit être choisi mari d’une femme unique » (  μιᾶς γυναικὸς ἄνδρα)  ( 1 Tim ; 3,2 ), c’est-à-dire ne s’étant jamais remarié, mais rien n’empêche qu’il soit marié ; de même les diacres ( (1 Tim ; 3,12 ) ; « une femme pour être sur le rôle des veuves doit avoir  plus de 60 ans et avoir été l’épouse d’un seul mari » ( 1 Tim, 5, 9). Visiblement le remariage est déjà à éviter.  L’authenticité de cette lettre pastorale est contestée presque unanimement : elle  aurait été rédigée par un des derniers disciples de Paul et daterait d’entre 61 et 64, sans certitude.

La chronologie des textes permet de constater que les épîtres sont parfois antérieures aux évangiles, parfois postérieures,  et que, sur le point  que nous traitons ici, les évangiles ont été loin d’annoncer avant ou de conforter après les enseignements de Paul  sur le célibat des fils de Dieu : l’enseignement  en paroles et en action de Jésus avait dû être suffisamment marquant et cohérent pour que sa volonté de ne classer personne selon des statuts hiérarchisés et de ne mettre aucune condition ne connaisse pas d’exception pour les mariés, eunuques, célibataires, vierges, mères, pères, enfants, prêtres, peuple : tous libres et fils d’un même Père qui les aime et veut en fait les rendre heureux.

Malgré tout certains passages de l’Evangile sont régulièrement cités pour soutenir que Jésus prônait le célibat, la continence et la chasteté pour ses disciples. Selon nous, ces textes sont mal compris et Jésus n’a jamais rien dit de tel. A titre d’exemple, voici deux passages souvent utilisés.

Une vague référence à Mt 19, 12, coupé de tout contexte, permet d’écrire par exemple en faveur du célibat des prêtres ou de la virginité que « Jésus donne un rang plus élevé à celui qui se fait eunuque, c’est-à-dire continent/chaste, en vue du Royaume ». Ce texte est-il un fondement sûr, c’est-à-dire en Jésus, de la règle du célibat et de la promotion de la chasteté et de la continence  chez ceux qui voudraient le suivre en vue d’obtenir le Royaume ? Ceux-ci ont assez de bon sens humain pour affirmer (heureusement) que ce texte ne propose pas jusqu’à une castration sanglante  en vue du royaume des cieux, mais ils affirment que ce passage est un appel de Jésus à éradiquer le plus possible la sexualité ( ce dont ils déduisent que la chair est dangereuse voire mauvaise ). Ils affirment que Jésus  prône là le fait de se priver le plus possible de toute sexualité, ce qui se traduit par le vœu de célibat, la chasteté et la continence radicales. Ils affirment souvent la chasteté de Jésus, voire sa virginité supposée, comme argument supplémentaire en faveur de cela en disant qu’il se compte dans ces eunuques qui se font eunuques « en vue du du Royaume des cieux ».

Il faut commencer par remettre cette phrase dans son contexte[2] : juste avant ce texte, Jésus vient d’expliquer dans quels cas le mari pourrait avoir  le droit légitime de répudier son épouse : cela est presque revenu à nier aux maris juifs tant de droits qu’ils croyaient imprescriptibles… Les apôtres renâclent… et Jésus confirme : effectivement, « tous n’acceptent pas cette parole (χωρεω : faire place, c’est-à-dire changer quelque peu pour comprendre intellectuellement ou accepter de pratiquer) mais ceux à qui c’est donné ». Matthieu est le seul évangéliste  à faire continuer à parler Jésus : il leur parle des eunuques, des hommes qui ont peut-être la blessure suprême. Certains en concluent qu’il invite ainsi ses disciples à relativiser en leur montrant quelque chose de beaucoup plus difficile fait pour Dieu… En réalité ce n’est pas cela. Jésus ne change pas non plus du tout de sujet, mais va leur montrer par un détour comment surmonter ce découragement. Il distingue les eunuques selon les trois causes de  leurs malheurs qu’il décrit au passé (aoriste) : « ceux qui ont été mis au monde ainsi », « ceux qui ont été rendus ainsi », et « ceux qui se sont rendus eunuques en vue du/à cause du Royaume des cieux ». La troisième catégorie d’eunuques pourrait désigner certains fidèles de sectes païennes célèbres à son époque qui s’émasculaient, au grand scandale des Juifs. Après quoi Jésus conclut : «  Que celui qui est capable de le pratiquer le pratique », phrase qui fait écho au début de sa réponse aux disciples : «  Tous ne peuvent pas le pratiquer, mais celui  à qui s’est donné. »

Comme Jésus, dans sa grande compréhension, évoque des eunuques qui s’émasculent « en vue du Royaume des Cieux », certains pensent qu’ils propose là à ses disciples les plus motivés de faire de même, ou, un cran en dessous,  de faire radicalement et pour toujours le vœu de continence et de chasteté sur eux-mêmes ?

Il ne semble pas, car, lui qui donne des instructions parfois raides à ses envoyés (partage ; pars à pied, sans rien…) ne donne jamais d’instruction aussi extrême à ce sujet[3]. Certes, il conseille symboliquement de préférer se priver de l’œil, de la main ou du pied qui entraîneraient  au péché plutôt que de se fermer le Royaume, mais il  n’évoque jamais même symboliquement, le fait de s’émasculer. Lui qui parfois parle de sa vie (je n’ai pas de gîte, je suis pauvre, seul, j’ai faim, soif…) n’évoque jamais comme un exploit personnel[4] cette question. D’ailleurs le premier concile de Nicée en 325, qui le sait bien, interdira de se rendre eunuque[5] sans d’ailleurs exclure ceux qui le sont.

Pourquoi donc, dans ce texte, le Jésus de Matthieu, tournant soudain le dos au sujet de la répudiation alors que ses disciples sont découragés, changerait-il d’ailleurs totalement de sujet sans prévenir et sans jamais y revenir ?

Pourquoi, sur ce nouveau sujet, se servirait-il exceptionnellement d’une simple allusion à un fait aussi monstrueux, en le réduisant ensuite, mais sans le dire, à une métaphore purement symbolique ? Est-ce bien pédagogique de sa part de  procéder ainsi ?

Surtout lorsqu’il s’agit de désigner un changement radical  dans les habitudes juives, dans le bon sens, vis à vis  de la Loi juive[6]  pour promouvoir une continence totale chez ses disciples ? D’habitude, il montre ce qui était avant de dire ce qui doit être…

Cette proposition quant au fond serait en plus très andro-centrée : aux femmes encore une fois d’être en arrière sur cet acte théâtral. Elle serait en plus ambiguë : car c’est une atteinte grave vis-à-vis de la Création divine qu’il vient de louer. Au nom de quoi donc, de quelle volonté divine, la présenterait-il  pour affirmer qu’elle serait une bonne chose, – une chose meilleure -,   voire la marque suprême de celui qui se consacre à sa suite à la quête du Royaume ?

Non, il faut revenir à l’ensemble du texte où Jésus a répondu sur question concernant la Loi au sens large. Est-ce une Loi nouvelle ? une opinion qui lui est personnelle ? Non, c’est la Loi de Dieu seulement débarrassée de ce qui l’avait dénaturée et endurcie. La Loi s’avère avoir mis et mettre à égalité maris et femmes, ce qui est si vexant, humiliant, terrorisant pour l’homme… La référence aux eunuques montre qu’il a entendu et mesuré l’effroi de son entourage masculin ( on ne nous dit pas les réactions des femmes .. ). Faire allusion à ces hommes vus comme « déclassés » des hommes, dépouillés de (leur) virilité, sert en fait d’illustration au fait que Jésus est conscient de l’effort demandé :désormais, puisqu’il a expliqué la Loi, les maris seront certes confrontés à une vie très difficile, tout comme les eunuques : l’image employée saute aux yeux avec ses connotations d’humiliation à tous niveaux, de souffrance ressentie, d’amputation intolérable, d’injustice imposée… Le Jésus de Matthieu sait que tous ne pourront pas la mettre en pratique : certains accepteront de changer de point de vue, mais d’autres  refuseront[7]. Il utilise alors cet exemple factuel pour aller plus loin en les rangeant selon les trois « causes » qui leur ont enlevé ce bien ressenti comme essentiel qu’est ce qu’on appelle souvent leur virilité : ces situations différentes auront valeur d’exemples analogiques. A travers elles, il peut expliquer non seulement trois différentes manières de faire place à la Loi, mais encore la seule manière d’y arriver :

1°) – certains vivront  cette Loi comme quelque chose qui (leur) est naturel et les précède peut-être, tout comme les eunuques qui sont nés ainsi,

2°) – d’autres vivront cette Loi comme quelque chose qui leur est imposé de force, tout comme les eunuques qui ont été castrés de force

3°) – et d’autres enfin  choisiront  cette Loi « en vue du Royaume des cieux » comme certains choisissent d’être castrés ou chastes en vue de leur Dieu souvent dans d’autres religions.

Voici enfin l’explication qui permet d’accepter librement et avec sérénité de changer sa conception et son mode de vie, un choix ô combien pénible et risqué pour un mari juif si privilégié. Ce n’est pas  sur le plan sexuel que le choix des païens virils, qui ont pu donner leur bien le plus précieux à leurs dieux, est à suivre, choix même seulement symboliquement converti en continence ; et d’ailleurs, ni les disciples ni personne n’a jamais protesté contre cette phrase sur les eunuques : même si Paul milite pour le choix de la chasteté pour tous ceux qui le peuvent et honore la virginité, il n’emploie jamais le terme « eunuque » et ne peut s’appuyer sur aucune parole de Jésus[8]. Ce que Jésus propose en exemple, c’est la manière dont certains ont choisi de le vivre « à cause de » et « en vue du Royaume des cieux ».

Pas plus ici qu’ailleurs Jésus n’a appelé ses disciples à se rendre eunuques sur un plan sexuel, ni physique, ni symbolique. Il n’a nulle part proposé la continence sexuelle ni comme chose bonne en soi, ni comme un moyen garantissant quoi que ce soit, ni comme une difficulté d’autant plus méritoire simplement du fait qu’elle est difficile, ni comme un sacrifice agréable à Dieu, ni comme une manière de l’imiter, ni comme  un moyen supérieur aux autres.  Mais il a proposé la Loi de Dieu comme guide : vivre  en vue de et à cause du Royaume de Dieu, c’est cela être fils de Dieu.

Le second exemple concerne Lc 18, 28-30 : il est cité également parfois pour montrer que le célibat ecclésiastique  correspond à une demande de Jésus, mais s’agit-il vraiment ici d’une obligation de célibat ecclésiastique ? Jésus vient de parler au jeune homme riche,  et il vient de dire « Qu’il est difficile à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu… » Là-dessus, ceux qui l’écoutent disent : « Mais qui donc alors peut être sauvé ? » et il leur répond «  Ce qui est impossible aux humains est possible à Dieu ». « Alors Pierre dit : « Voici que nous-mêmes, après avoir lâché nos propres biens, nous t’avons suivi. » Jésus leur dit : «  Amen, je vous le dis : il n’y a personne qui a lâché, à cause du royaume de Dieu, maison, femme, frères, parents, enfants, qui ne recevra pas bien davantage en ce temps-ci et, dans le monde à venir, la vie éternelle.»  Jésus veut-il vraiment dire que c’est une obligation impérative, une condition sine qua non, de lâcher tout cela ? Veut-il dire vraiment que la vie éternelle est réservée uniquement à ceux qui ont fait de tels abandons  pour le Royaume ? Non, il n’y a rien d’obligatoire là, car bien d’autres paroles de Jésus montrent que sont accueillis aussi au Royaume de Dieu des gens qui n’ont pas vécu de tels arrachements. Jésus dit seulement que même des peines infinies seront « compensées » très largement.

L’interprétation coupée du contexte puis orientée de paroles de l’Ecriture, leur sur-interprétation ou leurs faux-sens plus ou moins intentionnels,  confirment plutôt le manque d’arguments en faveur de la question du célibat et de la chasteté du clergé.

Ainsi pour conclure sur ce petit panorama à l’époque de Jésus ou peu après, on peut dire que si Jésus ne s’est pas s’exprimé à ce sujet, c’est qu’il se situait sur ces questions dans une continuité avec Israël et la Loi dans sa vérité, et que les premiers chrétiens après Jésus se sont situés dans  une continuité avec Jésus un fils d’Israël qui leur a aussi appris la liberté : la question continence/chasteté/célibat  et ses implications pratiques ne constituait ni une condition, ni un critère, ni une distinction pour être disciple, même éminent( e) …

 

III  Evolution, concernant cette question, vue au fil des décisions des Conciles, et au fil des débats

Mais alors, comme expliquer l’ampleur du contraste avec la situation d’aujourd’hui où les chrétiens catholiques sont différenciés quelque part en clercs et non-clercs ?  où leurs clercs, et en particulier les prêtres qui nous intéressent ici, sont célibataires et font vœu de chasteté et de continence ? où tant de problèmes se posent concernant Eglise catholique et son rapport à la chasteté/continence/célibat : vœu de chasteté, célibat sacerdotal, continence des clercs, ordination de célibataires, le « fait » du célibat sacerdotal et sa « justification théologique », ordination d’hommes mariés et mariage de prêtres…

Il faut essayer de retracer l’évolution qui s’est produite, et voir si elle est légitime et surtout « bonne ».

Or l’histoire des débuts minuscules d’une institution n’est pas facile à retracer : en effet, ce qui  est naturel semble inutile à noter,  et ce  sont les changements ou les débats qui seront plus visibles.  Il en va ainsi dans notre cas.

Pour retracer de façon assez exacte l’histoire  des débats autour des sujets évoqués plus haut (vœu de chasteté, célibat sacerdotal, continence des clercs, ordination de célibataires, le « fait » du célibat sacerdotal et sa « justification théologique », ordination d’hommes mariés et mariage de prêtres), nous pouvons nous servir des décisions publiées lors des premiers conciles œcuméniques : (https://www.apologetique.net/Concile/Concile.aspx : : tous les canons de tous les conciles).

Pour plus de transparence, nous donnons à lire la suite de tous les  textes canoniques des conciles oecuméniques  les concernant, sachant que ces textes, disponibles sur internet,  sont résumés par nous pour plus de commodité. A nous de chercher quelle est la situation antérieure qu’ils veulent modifier.

 

En 325,  au Concile de Nicée, le canon 3 s’occupe des clercs qui cohabitent avec une femme sans être mariés religieusement avec elle : elle doit échapper à tout soupçon, c’est-à-dire être sa mère, sa sœur ou une personne très âgée[9]. NDLR L’objectif est que les clercs doivent échapper à tout soupçon et ne jamais prêter à scandale ; ils doivent toujours vivre de façon exemplaire vis-à-vis du sexuel, et cela semble impliquer, inversement, que des clercs mariés officiellement légitimement  et vivant conformément à l’évangile ne posaient aucun problème à l’Eglise œcuménique.

En 451, au concile de Chalcédoine, ce sont les laïcs comme les clercs qui sont prévenus : « Personne ne peut ravir ou aider à « ravir une femme de force, même sous prétexte de mariage : s’ils sont clercs, ils perdront leur dignité, s’ils sont moines ou laïcs, ils seront anathématisés.». Ce texte confirme indirectement le droit de tous les clercs à se marier, droit qui existait probablement déjà en 325. Il y a également  quelques précisions : les chantres et lecteurs ne doivent pas épouser des hérétiques ; une fois nommée diaconesse, une femme ne peut se marier ; une vierge consacrée à Dieu pas plus qu’un moine ne peuvent se marier. NDLR Les dernières prescriptions vont dans un sens restrictif  concernant le mariage : c’était peut-être bien permis avant, mais plus l’aspect « respectable », voire religieux ou sacré,  augmente, plus le statut et la personne doivent se « purifier ».

En 680 Constantinople III  ( 230 ans après)

Le Canon 3  précise que les clercs qui se sont remariés en seconde noce et y persistent seront condamnés a la déposition canonique. Quant aux prêtres, diacres ou sous-diacres : ou bien,  remariés mais ayant déjà rompu cette union illégitime, veufs, ou chastes et pénitents, ils seront démis de toute fonction religieuse mais garderont les honneurs et leur place, ou bien mariés en première noces mais après l’ordination, ils seront brièvement suspendus de leurs fonctions sacrées et de pénitence, le mariage dissous, avant d’être «  rendus à leur propre grade, sans pouvoir avancer à un grade supérieur ».

Des secondes noces ou un concubinage après le baptême interdisent de devenir clerc.

Le mariage avec une veuve, ou une femme renvoyée par son mari, ou une courtisane ou une esclave ou une comédienne empêche, de même,  de faire partie du clergé.

NDLR : ces précisions ne semblent pas avoir été « connues » bien nettement de tous les clercs  auparavant quant à leur « carrière » dans le clergé…  Cela veut-il dire que les laïcs eux ont ces droits, ou que les sanctions sont différentes pour eux ? En tout cas, concernant les laïcs dans ce cas, les canons des Conciles œcuméniques ne font pas mention de sanctions les concernant.

Le Canon 6 indique qu’il n’est pas permis aux prêtres, diacres  et sous-diacres de contracter mariage après leur ordination : c’est        avant leur ordination qu’ils ils peuvent ou doivent le faire. Seuls les lecteurs et les pré-chantres peuvent  se marier après leur ordination.

Le Canon 12 montre que, avant d’être sacré évêque, un prêtre marié doit renoncer à vivre avec son épouse même légitime : son abstinence sexuelle doit être stricte et entraîne leur séparation définitive et totale. Le Canon 48 précise que son épouse, s’étant alors séparée d’un commun accord d’avec son mari, entrera après le sacre de celui-ci dans un monastère, situé loin de la résidence épiscopale et jouira de l’aide matérielle de l’évêque même qu’elle soit promue à la dignité de diaconesse[10].

Le Canon 13 déclare que les prêtres et diacres et sous-diacres peuvent par contre vivre toute la conjugalité avec leurs épouses : il leur interdit même de répudier leur épouse légitime sous prétexte de piété et il sanctionne ceux qui les déposeraient pour cette raison : NDLR ce faisant, il établit  donc une  nette différence entre l’évêque, cf. le canon 12 précédent.

Le Canon 92 vise les clercs ou les laïcs qui ont commis un rapt de femme sous le prétexte de mariage », ou y ont contribué. NDLR Il est impressionnant de voir que ce canon reprend 229 ans après, le canon 27 du Concile de Chalcédoine, en 451 : faut-il penser que les clercs avaient tant de mal à se trouver femme ?  qu’ils étaient tellement  violents ? que la condition de la femme était si mauvaise ?

Le Canon 26 explique ce qui se passera pour un prêtre engagé à son insu dans un mariage illicite : il ne doit garder que sa place dans le sanctuaire et n’aura plus de fonction religieuse ; son mariage sera dissous et il n’’aura plus aucun rapport avec son ex-femme.

Le Canon 33 s’oppose à l’idée de tout droit patrilinéaire en matière de cléricature. NDLR Ceci implique que certains clercs mariés – et parmi eux ceux qui n’étaient pas encore évêques – avaient des enfants et pouvaient espérer leur transmettre non seulement leurs biens mais aussi leur cléricature.

Différents autres canons ont pour but d’éviter le péché de chair aux clercs et le scandale.

En 787   Nicée II

Le Canon 18 précise que des femmes ne doivent pas demeurer dans les évêchés et les monastères d’hommes, pour qu’ils soient à l’abri des tentations et du péché de chair. Les canons 20, 21 et 22 vont dans le même sens en ce qui concerne les monastères. NDLR Rien dans ce concile n’abroge les Canons précédents.

Concluons sur  ces évolutions : au cours de ces sept siècles, on voit historiquement comment des règles canoniques se sont établies  et que les premiers documents évoquant ces règles datent du IVe siècle[11].

Vu la progressivité des choses et vu les répétitions qui furent nécessaires, il est à penser que ces règles sont sans doute nouvelles sur ces sujets, et qu’elles résultent de débats qui ont eu lieu, sans parfois nous êtres parvenus, entre des églises et des chrétiens d’avis différent.

En voici quelques échos textuels.

La première prescription canonique connue sur ce thème serait – conditionnel car il est difficile pour les juristes romanistes de savoir si ce canon est authentique, un apocryphe ou une interpolation –  le concile provincial ou synode d’Elvire ou encore d’Illibéris, en Espagne, en 305-306 : il a traité de la vie interne de son Eglise et décrété en particulier pour tous les clercs même mariés l’interdiction d’avoir des relations sexuelles et de procréer même avec leur propre femme, avec comme sanction l’obligation de défroquer[12], et il a tente d’imposer cette interdiction aux clercs. Il faut noter, d’un point de vue historique, que ce canon fait néanmoins précisément et clairement référence aux épouses des ecclésiastiques et réduit les droits des clercs mariés sans leur interdire en rien le mariage.

Mais, en réaction à ce concile provincial d’Elvire, Paphnuce et d’autres s’élèvent contre toute obligation de ce genre pour les prêtres,  si bien que, comme nous l’avons vu, au concile œcuménique de Nicée 20 ans plus tard, ces tendances ne seront ni soutenues ni étendues : en effet, le canon 3 de ce concile  de  325, loin de suivre la recherche de la sacralisation et de la hiérarchisation qui en découle, loin de défendre absolument aux évêques, aux prêtres et aux diacres ou à tous les clercs préposés aux ministères de s’abstenir de leurs épouses et de ne pas engendrer, a seulement évité aux clercs d’être ne occasion de scandale  ou de s’exposer à des tentations : il interdit « aux évêques, aux prêtres et aux diacres, et en un mot à tous les membres du clergé, d’avoir avec eux une sœur-compagne » ( une expression  qui indique que cette femme n’est pas leur épouse légitime) et précise « à moins que ce ne fut une mère, une sœur, une tante, ou enfin les seules personnes qui échappent à tout soupçon », c’est-à-dire une personne par exemple très âgée. Puisque ce canon 3 s’occupe des clercs qui habitent avec une femme sans être mariés religieusement avec elle pour qu’elle échappe « à tout soupçon », cela implique que des clercs mariés officiellement légitimement et vivant avec leur épouse ne posent aucun problème à l’Eglise œcuménique.

En 345, un jugement doit être rendu pour condamner les fidèles qui ont refusé un sacrement administré par un prêtre marié.

A Carthage, le concile provincial[13] décrète en 390  (en faisant mine déjà de se référer à du passé qui en fait n’a pas existé, technique souvent reprise ensuite )  : « […] il convient que les saints évêques et les prêtres de Dieu, ainsi que les lévites, c’est-à-dire ceux qui sont au service des sacrements divins, observent une continence parfaite, afin de pouvoir obtenir en toute simplicité ce qu’ils demandent à Dieu ; ce qu’enseignèrent les apôtres, et ce que l’Antiquité elle-même a observé, faisons en sorte, nous aussi de le garder » et il conclut «  qu’ils s’abstiennent (du commerce conjugal) avec leur épouse afin qu’ils gardent une chasteté parfaite, ceux qui sont au service de l’autel.» Comme progrès proposé à Carthage, les prêtres mariés doivent désormais se perfectionner en s’abstenant du commerce conjugal avec leur épouse.  Mais ces volontés ne sont pas validées, loin de là,  par les conciles œcuméniques, qui ne reçoivent aucune preuve textuelle de cela   et  n’y reconnaissent pas, malgré ce qui a été avancé par Carthage, la volonté de Jésus et des apôtres…

Dans le sens opposé, les exemples historiques sont très nombreux… en particulier dans les vies de saints.  Cela ne pose aucun problème d’écrire alors que Grégoire le Grand  ( 540-604) est l’arrière petit-fils du pape Félix III, fils du prêtre Félix, veuf et père de deux enfants.

Dans un sens conciliant, les unions et les mariages intrinsèquement « mauvais »  mais aussi d’autres unions sont interdits plus spécifiquement aux clercs «  supérieurs » ; on rappelle la pureté qui leur est particulièrement demandée ; des règles sont édictées spécialement pour eux ; moines et vierges, puis évêques en sont les premiers visés car devant être exemplaires sans doute, puis les prêtres, diacres et sous-diacres…

C’est seulement en 680, lors du concile de Constantinople III,  que les canons[14] cités plus haut interdisent aux prêtres, diacres  et sous-diacres de contracter mariage après leur ordination : c’est avant leur ordination qu’ils peuvent ou doivent le faire . De même, c’est avant d’être sacré évêque, qu’un prêtre marié doit renoncer à vivre avec son épouse même légitime et être strictement abstinent sexuellement. Le Canon 13 déclare que les prêtres et diacres et sous-diacres peuvent par contre vivre toute la conjugalité avec leurs épouses  car la sexualité est une bonne chose  : ce faisant, il établit  donc une  nette différence entre l’évêque et les autres cf. le canon 12 précédent.  . À partir de leur ordination, il est demandé aux évêques de garder la continence perpétuelle d’un commun accord avec leur épouse antérieure éventuelle.

Concluons sur ces débats plus ou moins individuels ou  généraux qui ont duré sept siècles  et ont dû faire souffrir bien des couples et des personnes : c’est bien une influence croissante de personnes responsables parfois isolées et de nombreux mouvements locaux qui a promu la discipline du célibat-continence pour les membres supérieurs du clergé,  et l’obligation faite aux diacres, aux prêtres et aux évêques mariés de garder la continence parfaite avec leur épouse. Cette tendance a commencé à s’exprimer canoniquement en luttant avec raison contre des abus scandaleux à ce sujet au IVème siècle : progressivement et  jusque vers 680, en premier les clercs dits supérieurs virent ces droits restreints ou supprimés, en commençant par ceux qui étaient les situations qui pouvaient être occasion de pécher, prêtaient le flanc à la critique ou étaient les moins fréquentes. Et ce n’est que bien après cette période de sept siècles qu’apparaîtront peu à eu d’autres pratiques locales puis des décisions de plus en plus générales et consensuelles, qui aboutiront, au XIIème siècle seulement, au fait reconnu  par les catholiques de ne plus admettre aux ordres que des hommes non mariés.

Au début du christianisme, y avait-il déjà des clercs « chastes » et les autres ?
Premières conclusions sur cette question :
  1. a) non, car la condition du célibat obligatoire pour le clergé est le résultat d’une longue évolution ;
  2. b) à l’origine d’ailleurs, la question n’était même pas posée, et même, le mariage semblait mieux.
  3. c) le mariage des « prêtres » était la pratique la plus ancienne,  et dura une dizaine de siècles après Jésus  
  4. d) la volonté de Jésus était (est ? )  la non-hiérarchisation et l’absence de conditions de ce genre

 Les textes officiels d’une part témoignent d’une importante  évolution qui va toujours dans le même sens ; d’autre part les réalités vécues et débattues qui les sous-tendent témoignent des forces qui causent cette évolution. On peut ainsi connaître les étapes  de cette évolution, son histoire, de son origine à son aboutissement qui sera la loi sur l’abstention conjugale et la chasteté/continence complète  des clercs supérieurs.

Retracer cela a permis de voir que, contrairement à ce que certains avancent ou disent ignorer, à l’origine, aux tout débuts de la vie de l’Assemblée  qui s’est réunie après Jésus, le « célibat sacerdotal » n’est donc pas la première réalité qu’ont vécue les chrétiens.

Retracer cela montre néanmoins que, surtout lorsque Paul a fait partie de l’Assemblée et lorsque les Juifs  et les païens convertis ont été plus nombreux, il existait certes des tendances  favorables à la virginité et à la continence, pour mieux se centrer sur Dieu,  puis des églises locales qui voulaient ce type d’ascèse et de réformes pour lutter contre des abus. Mais ces tendances étaient au début très minoritaires, voire  ne représentaient que des cas exceptionnels.

Connaissance prise de ces évolutions,  peut-on[15] encore déclarer que le  statut initial des clercs était celui du célibat, ou que l’abstention conjugale des clercs supérieurs est la situation de départ de notre clergé. C’est une contre-vérité historique. Il n’est pas possible non plus  de soutenir que ces sept premiers siècles ont vu conciles et synodes ainsi que constitutions, lutter pour maintenir ce prétendu statut initial contre ceux qui auraient promouvoir des clercs mariés, peut-être pour affaiblir voulu affaiblir la sainteté du  clergé. Est-il honnête  de déclarer, comme dans Wikipédia  ou ailleurs, que « lors des sept premiers siècles, beaucoup de clercs, évêques, prêtres et diacres, sont choisis parmi les hommes mariés » ? Cela laisse planer le doute sur ce qui était le plus habituel et sur les principes qui présidaient aux choix des prêtres. Laisser planer un doute, plus ou moins volontairement, est encore plus grave lorsqu’il s’agit dans un tel média, d’un enseignement. Si on cherche à être fidèle aux intentions de Jésus ou à ses instructions, c’est d’autant plus grave.

Contrairement à ce que certains avancent, le « célibat sacerdotal » n’est donc pas la première réalité qu’ont vécue les chrétiens

Mais alors quelle pouvait donc bien être la tradition commune à l’Orient et l’Occident concernant des prêtres mariés ou non  depuis les premiers temps de l’Église puisque  c’est en 680 seulement que les concile œcuménique de Constantinople III déclare (Canon 6) qu’il n’est pas permis aux prêtres, diacres  et sous-diacres de contracter mariage après leur ordination et que c’est avant leur ordination qu’ils ils peuvent ou doivent le faire ? que son Canon 12 montre en outre que, avant d’être sacré évêque, un prêtre marié doit renoncer à vivre avec son épouse même légitime : que son abstinence sexuelle doit être stricte et entraîne leur séparation définitive et totale ? que son  Canon 13 déclare que les prêtres et diacres et sous-diacres peuvent par contre vivre toute la conjugalité avec leurs épouses, et que, même,  il leur interdit de répudier leur épouse légitime sous prétexte de piété et qu’il sanctionne ceux qui les déposeraient pour cette raison (ce faisant, il établit  donc une  nette différence entre l’évêque, cf. le canon 12 précédent.) ?  Il est visible que ces canons de 680  ne donnaient pas des permissions nouvelles mais restreignaient des habitudes légitimes anciennes.

Le vécu commun concernant ceux qui vivaient aux premiers temps de l’Eglise[16] et allaient devenir les presbuteroi puis les prêtres de 680, ne peut avoir été que la suivante : on avait toujours admis des hommes mariés ou non à l’ordination, et ils avaient même le droit ensuite de se marier, voire de se remarier une seconde fois.

C’est d’ailleurs seulement au xie siècle qu’on se demandera si les prêtres, diacres et sous-diacres légitimement mariés doivent respecter la continence avec leurs femmes : ce qui prouve bien, là encore, que le mariage des clercs allait de soi au concile de Nicée. Cela signifie qu’il  était autorisé depuis longtemps, bien avant toute prescription écrite, qu’il faisait probablement suite aux coutumes juives qui proscrivaient le célibat mais étaient selon Jésus trop sourcilleuses sur la pureté « externe », et cela signifie aussi sans doute que le mariage des clercs était au départ et pour longtemps le cas très largement majoritaire ( il suffit d’ailleurs de regarder les Vies de saints).

Si on se fiait au principe augustinien ( 354 – 430)  voulant que « ce qui est gardé par toute l’Église et a toujours été maintenu, sans avoir été établi par les conciles, (soit) regardé à très juste titre comme n’ayant pu être transmis que par l’autorité apostolique », on pourrait dire qu’il s’applique ici de façon  adéquate et justifiée, dans toute l’acception du terme, pour montrer que le statut des clercs mariés et peu différents des fidèles en cela, excepté peut-être par une vie plus exemplaire et de service, est bien une tradition non-écrite d’origine apostolique…

Cependant, ce vécu ne remonte-t-il pas plus haut que les apôtres : à Jésus ?

Il en fut immédiatement après lui comme il en avait été avec lui : il savait appeler chacun à un service à une mission, grands et petits, hommes et femmes, simples et doctes, riches ou pauvres… Tous les disciples y compris  ceux qui étaient choisis pour certaines responsabilités ou avaient une fonction particulière, – le cas de Pierre ou du jeune Jean  seraient typiques s’il fallait chercher des « modèles » à qui se conformer   –  pouvaient être mariés ou non : ce  n’était pas cela qui importait…  Jésus n’était pas d’une famille de  prêtres. Il n’apprécie rien de ce qui fige Dieu ni si on prétend que Dieu fige ou a figé. Pas de catégorie, pas de hiérarchie, choses trop humaines. Pas de sacré trop humain,  alors que Dieu imbibe tout sans exception de sa présence. Pas de Temple défini, pas de  prêtres spéciaux pour ce Royaume, trop matériels et trop humains: c’était sans aucun doute la préférence naturelle de Jésus, une préférence naturelle due à sa naissance et au contexte, mais aussi choisie et justifiée en vue du Royaume et à l’écoute de Dieu.

On peut retrouver ici les quelques traits relevés par les évangélistes le concernant, esquissés au début  de cette étude,  et qui ont valeur d’exemple pour nous.

 

V Le souci de pureté rituelle et ses conséquences : hiérarchisation, sacralisation, divisions

Ces changements au cours de ces sept siècles se comprennent mieux néanmoins à la lumière de l’histoire du christianisme et de son contexte qui les définit et les explique en partie : sans doute  ont-ils  été nécessaires et ont-ils  eu « du bon » à l’époque.

En effet, après Jésus, l’amour respectueux accordé à ce qui le touchait et transmettait sa vie se traduisit, traductor-traditor, ou plutôt se déforma : la chasteté d’un cœur plein d’amour qu’il proposait même aux gens mariés ou vierges, comme un atout pour des relations respectueuses entre tous, se durcit avec des exigences matérielles concernant des puretés extérieures. Certes cela n’avait pas été demandé par Jéus, ne vient pas de lui et n’est pas spécifiquement chrétien au départ. Comme Roger Gryson l’explique, c’est « ce principe de la pureté rituelle (…) qui se trouve aux origines de la loi du célibat ecclésiastique »[17]. C’est de là que vinrent les restrictions  faites progressivement par certains aux ouvertures d’une générosité presque illimitée faites par le Christ, car ce principe lui, avance que  « seuls ceux qui sont purs, peuvent avoir accès à la sphère du sacré ». Or, les mêmes affirment, selon un autre principe, que le commerce charnel est une souillure et qu’il faut donc s’en abstenir avant de poser un acte religieux. Ce principe tient à une conception très négative de la sexualité, considérée comme quelque chose de purement animal, voire même de bestial. Les chrétiens n’ont pas découvert ce rejet dans l’Évangile, mais en milieu païen et dans l’Ancien Testament. C’est en vertu de ce principe, semble-t-il, que déjà Tertullien ( 150-220)  et Origène ( 184-253) marquent leur préférence « pour les clercs qui s’astreignent à la continence.» Peu à peu, l’idée se répandit (un peu comme chez les Juifs) que le commerce charnel était /risquait d’être une souillure ( le sang et la femme sont perçus comme impurs : Jésus le pensait-il, comme Israël  ? ) et qu’il valait mieux ou qu’il fallait s’en abstenir avant de poser un acte religieux.

Or, poursuit Gryson, « à Rome, à la fin du IVe siècle, on tend à célébrer l’eucharistie tous les jours, alors qu’il n’en va pas ainsi, de façon générale, en Orient » où la communion est beaucoup  moins fréquente : si bien que, à cause de ce souci de pureté rituelle, en Orient, les ministres sacrés qui seraient mariés, peuvent donc continuer à user du mariage comme on disait, dans l’intervalle qui sépare les célébrations, tandis qu’à Rome,  par précaution, on aura tendance à leur  imposer à partir de leur ordination, s’ils sont mariés, une continence perpétuelle. Ces différences de rite entre Est et Ouest ne feront, on le sait, que s’accentuer.

Selon Gryson toujours, « il importe de souligner que l’obligation port[ait] sur la continence ; il n'[était] pas question d’exiger des ministres sacrés le célibat ou la virginité», pas encore…, mais cette préoccupation de la pureté a mis en route la lente évolution historique qui a progressivement monté en puissance jusqu’à l’emporter à partir de 690 de plus en plus nettement. Par la suite, l’argumentation s’est fondée sur la recherche de plus de respect, de sacré : il fallait  établir et/ou rétablir une distinction entre clercs qui approchaient le sacré et non-clercs qui en étaient écartés pour diverses raisons : plus cette distance était grande, plus le sacré semblait respecté aux yeux de ceux qui promouvaient ce sacré ( qui pourtant est loin d’être une valeur  centrale dans l’Evangile ).

Cette distinction  autour  des particularités  concernant le sexuel et le mariage, a abouti rapidement à cristalliser des catégories  selon une hiérarchie quasi-sacralisante.

Déjà alors, la certitude et la confiance des simples fidèles dans les décisions prises par une autorité acceptée qui pose des affirmations incontestables, ferment les yeux de lacuriosité et de la réflexion et facilitent l’oubli des réalités historiques passées …  L’on pensera même assez rapidement, et de bonne foi !  qu’il en est ainsi depuis le début,  et selon la volonté même exprimée par Jésus ( bien difficilement argumentable toutefois, mais il est demandé à tous d’accepter les « mystères »…).

Les plus savants et les plus convaincus, souvent des clercs eux-mêmes, purent (et d’autres le font encore ) déclarer de bonne foi que ces ( nouveaux ) Canons relevaient de la Tradition (de l’Ancien testament en particulier ou des apôtres ) : qu’ils se fondaient sur des valeurs positives autant que sur la crainte du péché et de l’impur,  combinées avec la préoccupation de ne pas renier l’héritage des siècles précédents, et en particulier d’apôtres, comme Paul dont le discours sur la virginité et la continence est marquant.

 

VI A propos de ce sujet, les Eglises d’Orient et d’Occident et d’ailleurs jusqu’à aujourd’hui

Après le VIIème siècle, les prescriptions  et restrictions  se sont multipliées : progressivement, la continence et le célibat des clercs, qui étaient plutôt rares et n’étaient toujours pas obligatoires,  gagneront de plus en plus  de terrain. La  continence  deviendra  proposée aux clercs mariés   comme facilitant la vertu,  puis deviendra obligatoire pour être pur afin de pouvoir sans sacrilège s’approcher du sacré ; le célibat lui sera proposé comme   devenant une condition souhaitable, puis préférable, et enfin obligatoire. Les divergences à ce sujet entre les Eglises continueront à s’accentuer. L’Orient changera moins que l’Occident qui édictera des canons de plus en plus  précis et rigoureux.

 

Églises orthodoxes et christianismes orientaux à partir du VIIe siècle

Le pape Serge Ier ne veut pas assister au concile de Trullo dit aussi Quinisexte de l’an 692, qui a été convoqué par l’empereur d’Orient Justinien Ier afin de mettre fin à la décadence des mœurs qui afflige, selon lui, l’Empire : Justinien  veut réformer le droit canonique. Ce concile ne rassemble finalement que des évêques orientaux, mais  Serge Ier y envoie des légats apostoliques et d’autres, si bien  que ce Concile  devrait tenir «  lieu de l’ensemble du synode de la sainte Église romaine »  et sera censé supporter l’unité politique  de Rome avec Constantinople. Or le concile de Trullo décide entre autres l’autorisation du mariage des prêtres : ne nous étonnons pas de cette mesure qui correspond effectivement au bon sens naturel concernant les besoins de la majorité des être humains. Le célibat lui devenait obligatoire seulement pour les moines et les évêques ( qui sont souvent choisis de ce fait, parmi les moines.) ; la possibilité pour un homme, même adultère, de rejeter sa légitime épouse et après une longue pénitence, d’être réintégré à la communion ; l’interdiction de représenter l’image du Christ comme Agneau de Dieu ; et le fait que Constantinople devrait jouir des mêmes privilèges que l’ancienne Rome. Ce concile a été voté par une majorité orientale d’où la grande distance qui s’y manifeste avec les habitudes plus romaines où  es diacres romains se voient interdits de vivre conjugalement après leur  ordination ; où les prêtres romains ne peuvent avoir été mariés deux fois avant leur ordination ; où les chrétiens romains eux ne peuvent jeûner le samedi de Grand carême ;  et où ils sont autorisés à consommer du sang animal. C’est pourquoi le pape Serge Ier lui-même en vient à rejeter certains canons de ce concile de Trullo en tant que « nouveautés erronées »: le manque de textes fait qu’on ne sait pas lesquels exactement[18] mais on voit bien que ces pratiques ainsi que d’autres diffèrent des habitudes d’autres Eglises. Les évolutions sont différentes ; les chemins divergent largement entre les pratiques des églises d’Orient et d’Occident,  et en particulier en matière de continence et de célibat des clercs. C’est pourquoi, finalement, le concile de Trullo ne sera pas qualifié d’oecuménique…  et c’est pourquoi les décisions de Trullo vaudront pour l’Est seulement. L’empereur Justinien II est furieux, mais le pape Serge 1er le calmera.

Actuellement dans l’Eglise orthodoxe, environ quatre prêtres orthodoxes sur cinq sont mariés et ont une famille. Les hommes mariés peuvent en effet accéder au diaconat, puis à la prêtrise ; en revanche, si c’est un célibataire qui est ordonné diacre ou prêtre,  il ne peut plus se marier ensuite. Le principe canonique concernant le statut marital des prêtres orthodoxes ( les popes) est  encore aujourd’hui le suivant : le choix du sacerdoce est le dernier qu’un homme peut faire dans sa vie. Quant aux évêques, ils ne peuvent être élus depuis le VIème siècle que parmi les moines et les prêtres non mariés, et sont donc toujours célibataires.

( N.B. Cette discipline orientale concernant le mariage des clercs sera en partie étendue à l’Eglise catholique romaine lors du Concile Vatican II ( 1962-1965) puisque, avec le rétablissement du diaconat permanent, il y est de nouveau licite d’ordonner diacres des hommes mariés catholiques, cette fois-ci en les laissant libres d’user de leur mariage.)

2018 : Jusqu’alors, aucun  prêtre orthodoxe n’avait le droit canonique de se remarier, mais le saint-synode du Patriarcat de Constantinople a annoncé le 2 septembre sa décision de permettre aux prêtres veufs ou abandonnés par leur femme de se remarier, (mais pas à ceux qui veulent se remarier en quittant leur première épouse, c’est-à-dire en clair qui quittent leur première épouse en voulant se remarier ou pour se remarier avec une femme qu’ils connaissent déjà ). L’autorisation sera alors accordée au cas par cas par une commission du Saint-synode.  « Cette disposition s’appliquera dans un premier temps au sein du Patriarcat de Constantinople, mais si les autres Églises grecques-orthodoxes l’acceptent aussi, le droit canonique pourrait changer ».

A méditer ..

 Église catholique romaine à partir du VIIe siècle

Les prêtres catholiques  continuent à être mariés comme le montre la controverse  qui éclata au xie siècle entre Bernold de Constance et le Chanoine Alboin pour savoir si les épouses légitimes font partie des femmes « qui échappent à tous soupçon »  lorsqu’elles vivent avec leur mari qui est clerc, et si, dans ce cas, la continence aussi vis-à-vis d’elles, même légitimes épouses, doit être imposée ou non aux clercs mariés…

Cependant, à cette époque, comme l’Eglise se soucie d’augmenter son « pouvoir » et « donc » de  préserver désormais son patrimoine grandissant, elle va chercher à soustraire les clercs mariés à la tentation de s’enrichir personnellement sur ses biens pour transmettre un bon héritage à leurs enfants. La réforme dite grégorienne se met alors en place aux  XI et XIIèmes siècles : les synodes célébrés du pape  Léon IX  au pape Urbain II imposent une nouvelle législation canonique qui menace d’excommunier tous les prêtres mariés et promulguent cette législation ; le pape  Grégoire VII, au concile de Rome en 1074, réitère le caractère obligatoire du célibat des prêtres en Occident, et, en 1079, vu les débats, condamne par avance toutes les tentatives de justifier historiquement et théologiquement le mariage des prêtres. Toutefois, cette consigne sera peu respectée jusqu’au XIIème siècle : les textes montrent que l’Eglise continuera à recruter ses prêtres parmi des hommes déjà mariés.

Peu à peu les évêques, prêtres et diacres mariés doivent s’abstenir de tous rapports conjugaux ; le mariage est interdit aux clercs supérieurs déjà engagés dans les ordres. La séparation entre le clergé et le peuple chrétien s’agrandit. Plus le statut des clercs comporte de restrictions et d’exigences officielles,  plus le prestige et l’aura les entourent,  plus les abus dissimulés augmentent.  C’est pour ainsi dire un cercle vicieux qui met en place le cléricalisme.

Lors de la Réforme protestante, Luther (1483-1546) et à sa suite tous les réformateurs soulignent au contraire la valeur du mariage des clercs sur le plan théologique comme sur le plan moral (étant donné qu’il faut réduire l’immoralité et l’inconduite de certains ecclésiastiques, même s’il existe aussi de bons prêtres vivant correctement leur célibat et leur  chasteté). Ces idées sont partagées par une partie de la chrétienté catholique et des empereurs romains germaniques.

Cependant, à l’opposé, la Réforme Catholique continue depuis le XIVème siècle à promouvoir la méfiance à l’égard de la sexualité  et rejette toujours  plus loin le mariage des clercs, puis vient  la Contre-Réforme pour s’opposer aux Protestants, et enfin le Concile de Trente, (1545-1563) qui  dans son canon n°9, ferme la porte à tout retour en arrière : le célibat des prêtres est une règle qui ne souffrira pas d’exception. L’application sera très contrôlée  cette fois. On cherche à fonder alors cette obligation sur des arguments théologiques de manière à ce qu’ils ne s’effondrent pas, comme en témoigne l’encyclique Sacerdotalis Caelibatus  où Paul VI en 1967 les reprend.

Mais comme ces décisions étaient fondées surtout sur la notion d’effort et de sacrifice, et sur la crainte du péché, au cours des siècles suivants, le catholicisme a cherché à donner un sens positif et joyeux au célibat sacerdotal. Aujourd’hui, il se focalise sur le Christ prêtre : le dévouement, l’offrande exclusive de soi-même pour le Règne de Dieu, les vœux définitifs, la notion de Sacrifice de la croix, l’état de virginité et bien d’autres aspects sont présentés comme des caractéristiques du Christ qui ont inspiré fidèlement le statut des prêtres : « En réalité, il est une conformation particulière au style de vie du Christ lui-même » écrit le pape Benoît XVI[19]. Certes il y a des points communs entre eux, mais il est néanmoins permis de se demander si la réalité n’est pas l’inverse : c’est la volonté de Jésus concernant le célibat du prêtre qui devrait être trouvée dans les évangiles, et comme elle en est absente, on projette ces notions sur sa parole et sa vie, et on les dénature si nécessaire, en croyant bien faire, pour leur faire promouvoir ce que Jésus n’a pas établi.

Aujourd’hui donc, les prêtres catholiques latins, de rite romain, le jour de leur ordination, font promesse de célibat et d’obéissance à leur évêque, tandis que les moines suivent les trois conseils évangéliques en faisant vœu d’obéissance, de pauvreté et de chasteté. L’obligation du célibat[20] est pour eux, selon l’Eglise catholique, une conséquence de l’obligation de chasteté parfaite ou de  continence parfaite, pour pouvoir s’unir plus facilement au Christ avec un cœur sans partage et s’adonner plus librement au service de Dieu et des hommes[21]. Le prêtre mène souvent une vie dure pour lui et pleine de l’amour des autres. Son statut le rend inimitable et…  inimité : il est en voie d’extinction. De même pour le fidèle laïc homme.

La crise de l’Eglise entraîne aujourd’hui  une « évaluation » pour y remédier qui comprend également ce statut que nous avons étudié et surtout les fondements anthropologiques historiques de ce statut : ce travail voudrait contribuer à la  sortie de cette crise. Des fissures longtemps rafistolées et masquées, trop importantes, sont en train d’éclater à la vue de tous, un peu comme à l’époque où François d’Assise a tenté de revenir à l’Evangile.

Osons le bon diagnostic pour appliquer ensuite le bon remède. Des deux médecins qui s’affrontent, lequel est le  bon ?  Quelques exemples pris dans la même thématique :

Le Droit de Gratien du XIIe siècle a été remplacé seulement par le premier code de Droit canonique latin qui ne date que de 1917, puis  par un nouveau Code en 1983 : les veuves par exemple n’y  étaient même plus citées, et l’année suivante fut publié un rituel spécifique de la consécration des veuves qui cherchait à pallier cette négligence. Il semble qu’un mouvement se dessine récemment pour leur redonner une place.

Ce Droit canon de 1917 a mis en valeur le statut des  clercs, quasi sacralisé, un idéal élevé certes, mais  au nom de quoi ?, et qui n’a cessé de se durcir. Autour de la statue et du statut indéboulonnable du clerc se constitua un désert horizontal relatif qui l’a sans doute fait ressortir, mais l’a isolé, stérilisé et fragilisé à l’excès. Il est désormais une des causes majeures de l’écroulement de l’Eglise et de la Foi qu’elle avait construite, ce qui porte même  atteinte à l’intérêt pour Jésus et pour nos frères. Est-ce pour cela aussi que la discipline orientale concernant le mariage des clercs a été en partie étendue à l’Eglise catholique romaine lors du Concile Vatican II (1962-1965) ? Avec ce rétablissement du diaconat permanent, il y est de nouveau licite d’ordonner des hommes mariés, cette fois-ci en les laissant libres de vivre entièrement leur vie conjugale  de couple.

Dans des assemblées de plus en plus maigres, les femmes sont de plus en plus nombreuses, proportionnellement : pourtant il leur est encore demandé arbitrairement de vivre l’humilité – ( « valeur féminine » … ?? ) et la discrétion. Il n’y avait pas du tout de servants d’autel avant le concile de Trente et aujourd’hui on invente « les servantes d’autel » : les uns et les autres ont des tâches délimitées ni selon leurs goûts ou leurs compétences, mais selon leur sexe. Etrange chose…Surtout par rapport aux valeurs les plus partagées et à notre époque. Par ailleurs, « les servantes d’autel » ( pas les servants ) sont exclues de certaines tâches :  a-t-on  créé une catégorie pur elles afin de les motiver tout en les dissuader de désirer un jour le … presbytérat ?

Lorsque le nombre baisse par suite de crises, le risque de dérive sectaire augmente, avec ses gourous indiscutés et ses extrémistes.

L’Eglise catholique doit restaurer la dynamique relationnelle dont Jésus nous a montré l’exemple. Catégories, hiérarchies, exclusions, rites formels purifiant ce qui est ou vient de l’extérieur, obligations à serment pour toute la vie.. tout cela est-il vraiment dans l’Evangile ? est-il fondé sur Jésus ?

Le judaïsme

Comme autrefois, il réprouve le célibat comme non conforme au plan de Dieu.

De même l’Islam en général .

Le protestantisme

Il croit en la sanctification de la vie conjugale : pour cette raison, l’une des premières actions de Luther, qui fut moine avant d’être réformateur fut de se marier.. Les ministres (hommes et femmes) protestants sont aujourd’hui généralement mariés.

 

VI En conclusion : une évolution passée .. à poursuivre  autrement si nécessaire

Une vue d’ensemble résumée de cette étude

Si le Nouveau testament ne donne guère de préceptes explicites par rapport aux prêtres que Jésus aurait souhaités, il est possible d’éviter les contre-sens en lisant sans préjugés la Lettre aux Hébreux, en ne prenant pas une parabole ni un symbole dans l’Ecriture au sens propre ni au pied de la lettre. Le fait de resituer ces questions dans la continuité que Jésus  voulait et dans la contestation, qu’il pratiquait si nécessaire, des habitudes de son peuple, le fait que les évangiles donnent peu de détails sur ces questions excepté que Pierre a une belle-mère, la prise de conscience que ces questions ne sont pas même évoquées lors du choix des disciples remplaçants ou des diacres et diaconesses, tout cela confirme l’esprit très libéral de Jésus, loin des sectes, loin du manichéisme : au sujet du célibat d’éventuels prêtres pour ses fidèles, inutile selon lui, de faire une loi à ce sujet ou même de rappeler un commandement, quitte à le parfaire.

Paul et d’autres ont des conceptions, qu’il ne peuvent fonder sur des paroles de Jésus qui leur auraient été transmises ; elles reposent sur ce qu’ils croient sincèrement aller dans le même sens que le Christ : le célibat/chasteté/continence s’opposerait à la chair  qui empêcherait tout simplement de penser à Dieu, même en l’absence de  péché.

Jésus ne semble craindre aucune impureté car son cœur est pur.

Les décisions des premiers conciles œcuméniques jusqu’en 780 témoignent de la situation réelle initiale des premiers chrétiens : les juifs réprouvant le célibat, ( comme contraires aux lois de la nature apparemment voulues par Dieu) c’est à tous, mariés si possible ou non, qu’étaient ouvertes missions et responsabilités diverses. Au cours des sept premiers siècles, les habitudes rituelles juives et leurs conceptions de la pureté (mise en danger par le sang, le sexe et, à ces deux titres, surtout par la femme) ainsi que la relation avec les pouvoirs politiques en place ont favorisé sans doute le retour aux vieux  schémas, une tentation bien séduisante contre laquelle Jésus avait lutté et luttés ans cesse en paroles et en actions. Après lui, sous la pression de personnes et de groupes sociaux croyant peut-être bien faire mais non-libérés des préjugés de leur espace-temps,  règles et catégories cristallisent progressivement autour  des particularités  concernant le sexuel et le mariage, selon une hiérarchie quasi-sacralisante. L’évolution des conceptions du rôle de ces ministres se fait sous la montée de l’idée de sacré, d’autorité, de sacrifice et de la nécessité pragmatique et bien intentionnée de s’organiser plus efficacement. Mais l’évolution n’est pas identique entre l’Orient qui reste, sur ce plan,  un peu plus proche des origines, et l’Occident qui continue  à renforcer la différence entre les clercs et les non-clercs. C’est seulement en 1074, que le clergé catholique sera choisi uniquement parmi les célibataires, accentuant encore le fossé entre les Eglises.

En 1079,  le ton de Rome se durcit pour prévenir que toutes les tentatives de justifier historiquement et théologiquement le mariage des prêtres sont condamnées. C’est le début d’un raidissement qui multiplie par crainte consignes et dogmes, et se sert de l’autorité déjà  acquise dans un domaine d’un côté pour renforcer son autorité de l’autre  côté dans un autre domaine, et ainsi de suite : ces procédés sont dénoncés et continuent à provoquer protestations et défections de la part d’opposants tandis que les fidèles pratiquent la foi qu’on leu inculque de façon plus axée sur l’obéissance et l’« extérieur ». Le XIXème siècle, usant du sentiment et de l’idéalisme, représente le prêtre, dans ses efforts vers la perfection et le don total, comme un Homme de Dieu, quasi-sacré. Actuellement, il s’inscrit plutôt parmi les baptisés au plus près du Christ « prêtre, prophète et roi » dont le style de vie et la fonction de pasteur lui sont exemples. Certes il y a de bons et saints clercs. Certes, célibat, chasteté et continence pour les clercs sont présentés au mieux comme des choix positifs qui ne discréditent rien de la Création, comme des moyens évidents de se consacrer sans partage et donc mieux aux autres et à Dieu, mais bien souvent ces trois « valeurs » se sont révélées porteuses d’effets qui mériteraient plutôt le nom de « pervers » et ont étouffé involontairement beaucoup de positif.  Par ailleurs, pour les baptisés, le triple  rang de prêtre prophète et roi semble établir un système que Jésus lui-même semble n’avoir pas vraiment indiqué, préférant être « fils »  et révélant à tous, non-baprisés compris, qu’ils sont fils du même Père et sont appelés à l’être toujours plus.

 

La question a trouvé ses réponses au fil de l’étude, mais elles ouvrent  sur un questionnement  à la lumière de l’Evangile

Ce n’était pas un souhait de Jésus qu’il y eût un clergé distingué du reste du troupeau, ni que les fils de Dieu doivent connaître ou s’imposer d’autres Lois que celle de Dieu, qu’il débarrassait d’une gangue incrustée  par la dureté humaine.

L’ouverture de Jésus et sa compassion sont incompatibles avec des empêchements et des interdits : il a laissé ouverts à chacun tous les chemins positifs, ne menaçant pas de jugement ceux qui agissaient « en vue du Royaume des cieux ».

C’est ainsi qu’on peut expliquer que certains, dont le plus visiblement et le plus tôt Paul, ont pensé se fonder sur des valeurs positives et se conformer à l’esprit de Jésus en prônant des moyens non-évangéliques pour « se consacrer » mieux à Dieu. La crainte du péché et de l’impur  la peur de la mort éternelle etc. et  un grand amour de Dieu leur ont fait alors déprécier la chair bien au delà du sexuel, et privilégier la virginité, la continence, la chasteté. De même, la préoccupation de ne pas renier l’héritage d’Israël aux siècles précédents, le besoin d’organisation et de puissance au nom de Dieu leur a fait peu à peu reconstituer l’équivalent d’un clergé avec ses catégories et la différence avec les non-clercs. Les deux tendances se sont réunies en une seule, qui a fini par l’emporter, dans le but sincère de s’approcher d’un Dieu assez différent du Père de tous, et toute une théologie cléricaliste s’est bâtie de façon autoritaire ainsi qu’une exégèse également orientée dans le but de la soutenir. Un succès relatif (surtout social et temporel) obtenu par des moyens contestables a pu masquer un temps de graves incohérences et faire oublier les schismes qui s’en sont suivis de façon ininterrompue.

Cependant, aujourd’hui, la crise de l’Eglise obligé à se poser des questions : les fidèles eux aussi partent en « votant avec leurs pieds ». La crise permet de discerner, de juger : c’est le sens du terme  grec krisis. Ce travail est destiné à permettre de lever les barrières qui empêcheraient ce changement nécessaire chez des chrétiens de bonne foi qui s’ancreraient sur des conceptions erronées concernant des impossibilités théologiques, la Tradition, le message de l’Ancien Testament, du Nouveau Testament, de l’Evangile ou des volontés de Jésus.

Avoir ainsi retracé l’histoire de la question des clercs et du célibat des prêtres, rend désormais impossible d’affirmer ou de penser qu’on ne peut rien y changer, au nom de la volonté de  rester en continuité avec les intentions exprimées de Jésus, ou parce qu’on doit rester fidèle à une Tradition qui n’a jamais changé. Jésus a montré une direction et a montré une manière de penser le « faire » ; la manière de faire a ensuite sans cesse évolué selon les contextes : elle a évolué et peut donc évoluer encore ; si elle s’est trop écartée, elle peut revenir ; si elle a piétiné, elle peut repartir ;  et l’on retrouve aujourd’hui la synodalité, la subsidiarité  et le Sensus fidei, ainsi que la convergence avec des valeurs humaines.

Sans être dans les accusations ni les condamnations, on peut se demander comment notre Eglise pourrait/pourra vivre, être et agir aujourd’hui dans un esprit semblable  à ce qu’ont vécu Jésus et ses premiers disciples, des disciples qui, une fois livrés à eux-mêmes en apparence,   étaient proches de ses volontés, même non-écrites.

-Est-ce adapté aujourd’hui ?

-Jésus décrirait-il l’Eglise qu’il souhaite comme elle fonctionne aujourd’hui ? Oui ? non ? dans quels domaines ?

-quels sont les modes d’être et d’action qui sont évangéliques et comment les transposer aujourd’hui ?

 

La Bonne Nouvelle, Jésus, sont nos pierres de touche.

 

Marguerite Champeaux-Rousselot, 2018-09-01

 

[1] Pour un homme, la mère de sa femme,  (et non la seconde femme de son propre –père , la marâtre).

[2] Il y a une étude plus complète disponible sur les eunuques dans la Bible.

[3]  Or les relations sexuelles n’étaient jusqu’ici en Israël un péché ni pour la personne de sexe féminin tant qu’elle était libre de tout engagement d’appartenir à un autre homme, ni pour la personne de sexe masculin du moment que ce n’était pas avec la femme propriété d’un autre. Mais un note un peu plus haut  rappelle rapidement l’ensemble de la vie sexuelle telle que la propose Jésus à la lumière d’une Loi d’amour bien comprise.

[4] Jésus vivait sans doute une chasteté au niveau de son attention aux autres.

[5] Lors de ce tout premier concile œcuménique, celui qui a défini que Jésus était Fils de Dieu, le canon numéro 1 est le suivant :

« 1. De ceux qui sont devenus eunuques de leur propre gré ou qui l’ont subi de force.
Si quelqu’un a été mutilé par les médecins durant une maladie, ou bien par les barbares, qu’il reste dans le clergé; mais si quelqu’un étant en bonne santé s’est mutilé lui-même, qu’on l’exclue du clergé dont il fait partie, et à l’avenir on ne devra pas admettre celui qui aura agi ainsi. Mais comme il est évident que ce qui vient d’être dit ne regarde que ceux qui ont agi avec intention et qui ont eux-mêmes voulu se mutiler, ceux qui l’auront été par les barbares ou par leurs maîtres pourront, conformément à la règle ecclésiastique, être reçus dans la cléricature, s’ils en sont dignes par ailleurs. »

[6] Pour les Juifs du temps de Moïse, toute atteinte à la loi de la nature et à sa perfection est une faute contre son Créateur ou relève d’une faute. Le Lévitique et le Deutéronome ont ainsi ordonné l’exclusion du bâtard et de ses descendants jusqu’à la 10e génération (il porte la faute d’un de ses parents ), du bossu, du nain ou de la personne qui louche ( leur défaut est le signe d’une faute également, d’eux ou de leurs parents).

[7] Jésus en disant  « cela n’est pas donné à tous », se refuse par avance à les juger et leur enlève avec délicatesse des excès stérilisants de culpabilité.

[8] Cette question qui a des racines lointaine et entraîne loin, est traitée ailleurs.

[9] « Le grand Concile a défendu absolument aux évêques, aux prêtres et aux diacres, et en un mot à tous les membres du clergé, d’avoir avec eux une sœur-compagne, à moins que ce ne fût une mère, une sœur, une tante, ou enfin les seules personnes qui échappent à tout soupçon» (s.e. d’inconduite sexuelle).

[10] Le rédacteur de Wikipédia semble se tromper quand il écrit : « même lorsqu’il n’est pas la norme, le célibat sacerdotal est tenu pour quelque chose d’excellent, et ainsi le concile in Trullo ou Quinisexte  de 691 à 692, réuni dans une atmosphère hostile à Rome, exigera la continence pour l’épiscopat (cf. canons 12 et 48) » . Il est plus exact d’écrire que pour devenir alors évêque, si on n’est pas célibataire, il faut se séparer de sa femme légitime (https://www.apologetique.net/Concile/Concile.aspx : tous les canons de tous les conciles).

[11] Après le concile de Nicée (325), les règles apparaissent. Une lettre de l’empereur Valentinien II au préfet de Rome indique que, après la mort de Damase, Sirice  (334-399) est élu pape à l’unanimité en 384 : il est le premier à porter ce titre. Il n’est consacré évêque que peu après.

Il écrit dès 385 entre autres ses Décrétales sur l’ordination, en reprenant des dispositions du Concile de Nicée (325) ou de Sardique (343) pour les assortir de sanctions. C’est ainsi que le rôle papal commence. D’autres suivent,  sur la consécration de l’évêque et sur l’obligation de chasteté des clercs, puis sur la candidature aux ordres.

[12] Le canon (la décision) n° 43 disait : «Placuit in totum prohibere episcopis, presbyteris et diaconibus vel omnibus clericis positis in ministerio abstinere se a coniugibus suis et non generare filios. Quicumque vero fecerit, ab honore clericatus exterminetur.» ( Le concile d’Elvira, ca. 306 : « Il a plu de défendre absolument aux évêques, aux prêtres et aux diacres ou à tous les clercs préposés aux ministères de s’abstenir de leurs épouses et de ne pas engendrer. Qui aura fait cela sera déposé de sa cléricature.»

[13] Cité dans Christian Cochini (ouvrage de 1929).

[14] Le Canon 6 indique qu’il n’est pas permis aux prêtres, diacres  et sous-diacres de contracter mariage après leur ordination : c’est avant leur ordination qu’ils ils peuvent ou doivent le faire. Seuls les lecteurs et les préchantres peuvent se marier après leur ordination.

Le Canon 12 montre que, avant d’être sacré évêque, un prêtre marié doit renoncer à vivre avec son épouse même légitime : son abstinence sexuelle doit être stricte et entraîne leur séparation définitive et totale. Le Canon 48 précise que son épouse, s’étant séparée d’un commun accord d’avec son mari, entrera après le sacre de celui-ci dans un monastère, situé loin de la résidence épiscopale et jouira de l’aide matérielle de l’évêque même qu’elle soit promue à la dignité de diaconesse.

Le Canon 13 déclare que les prêtres et diacres et sous-diacres peuvent par contre vivre toute la conjugalité avec leurs épouses : il leur interdit même de répudier leur épouse légitime sous prétexte de piété et il sanctionne ceux qui les déposeraient pour cette raison : ce faisant, il établit  donc une  nette différence entre l’évêque, cf. le canon 12 précédent.

[15] Cf. C. Cochini, 1929, cité par Wikipédia.

[16] Pour ce qui est de l’impossibilité de se marier pour un homme ordonné, selon Wikipédia, cela reprendrait une tradition déjà relatée par le recueil des Constitutions Apostoliques, Constitutiones apostolicæ ; Διαταγαὶ τῶν ἁγίων ἀποστολῶν,  un recueil du IVe s : la référence donnée est la suivante : (el + et + la) F. X. Funk, Didascalia et Constitutiones Apostolorum, vol. I, Paderborn, 1905, p. 349-351. Or à ces pages, rien ne se réfère au célibat des prêtres.  Cette  interdiction œcuménique semble donc remonter non au IV° siècle comme allégué, mais  au concile de Constantinople III (690)  ou au concile de Trullo, peu après.

[17] Roger Gryson, Les Origines du célibat ecclésiastique, Gembloux, J. Duculot, 1970, 228 p., p. 203. Autre livre important : Elizabeth Abbott, Histoire universelle de la chasteté et du célibat, éditions Fides, 2003.

[18] Ekonomou, Andrew J. Ekonomou, Byzantine Rome and the Greek Popes: Eastern influences on Rome and the papacy from Gregory the Great to Zacharias, A.D. 590–752 (New York: Lexington Books, 2007),p. 222.

[19] Exhortation apostolique Sacramentum caritatis, texte en ligne sur le site du Vatican.

[20] Dans les églises orientales rattachées cependant à Rome (qui sont donc elles aussi «catholiques romaines»), les usages suivent la tradition de ces églises proches des Églises orthodoxes et il peut arriver que des évêques catholiques romains ordonnent des prêtres mariés catholiques arméniens proposés par leur communauté de fidèles.

Exceptionnellement également l’Église catholique romaine de rite latin peut accueillir individuellement dans ses rangs des prêtres déjà mariés provenant d’autres Églises, comme cela s’est déjà produit pour des prêtres originaires de l’Église anglicane (Haute Église).

[21] Le Code de Droit canonique de 1983 précise : « Can. 277 – § 1. Les clercs sont tenus par l’obligation de garder la « continence parfaite et perpétuelle » à cause du Royaume des Cieux, et sont donc astreints au célibat, don particulier de Dieu par lequel les ministres sacrés peuvent s’unir plus facilement au Christ avec un cœur sans partage et s’adonner plus librement au service de Dieu et des hommes. § 2. Les clercs se conduiront avec la prudence voulue dans leurs rapports avec les personnes qui pourraient mettre en danger leur devoir de garder la continence ou causer du scandale chez les fidèles.

4 réflexions sur “Comment en est-on arrivé à des prêtres catholiques non mariés ? (Marguerite Champeaux-Rousselot)

  1. Quelles que soient la conduite sociale, la vie privée, les compétences, en quelque domaine que ce soit, du prêtre catholique, la validité de son ministère ne peut, en aucun cas, être remise en doute et notamment sa messe. Qu’il soit marié ou célibataire, saint homme ou débauché, est hors sujet, ce n’est pas là-dessus qu’il peut être jugé ; seule l’Eglise peut statuer à son égard.

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  2. Merci d’avoir écrit mais je ne traitais pas du tout le sujet que vous évoquez … ( la validité de son ministère ) et ne cherche pas juger les personnes individuellement, d’autant qu’il y a heureusement d’excellents prêtres ! Bien cordialement.

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