« Communion » : un mot piégé si on ignore son sens originel.

                                                                   Marguerite Champeaux-Rousselot (2021-12-27)

Communion et … union ne signifient pas la même chose et ne viennent pas du même mot et c’est pourquoi il y a deux m dans communion. Eh oui…

Cette confusion nous demande aussi quelque chose d’inutile, voire de nuisible au nom d’un faux idéal. On peut le rapprocher de comportements sectaires où chacun doit perdre sa personnalité pour se fondre sous l’emprise d’un chef  qui réunit tout son petit monde et exclut ceux qui ne rentrent  pas dans cette unité ; elle incite aussi à un désir de fondamentalisme alors que justement l’Eglise a accepté de reconnaître humblement – et très intelligemment –  son ignorance en acceptant 4 évangiles. Affirmer  que le mot communion insiste encore plus sur l’union  permet d’en tirer beaucoup de conséquences : ce contresens ouvre la porte au risque de beaucoup d’abus.

Ces mises en garde faites,  nous verrons maintenant le sens  du mot communion. Ce n’est pas quand même que le mot communion soit synonyme de division, certes non …, mais le sens de communion n’implique pas d’être unanimes (une seule âme, une seule vie)  ni de ne suivre qu’une seule ligne.  A la fin, ce sera un peu surprenant et inattendu de pouvoir mesurer cet espace de liberté et d’amour que nous donne le sens de ce mot.

Ce qui m’a mise en route pour cette recherche est précisément l’article très stimulant de Christine Fontaine, paru sur son blog le  9 juin 2021 : Personne n’a le droit de communier ! [1]

Prenons donc d’abord le temps de comprendre le sens du mot au moment où on les a employés dans une langue vivante et quand  on a écrit nos textes grecs et latins…  Après tout si nous ne savons ni d’où nous partons ni là où nous allons, nous aurons bien du mal à  arriver  à bon port…   

Donc embarquons pour un voyage dans le temps et l’espace…

Plan (vous pouvez avancer d’* en *  si vous voulez.)

1- *Le mot «  union » n’a pas donné « communion »

2*-Le mot communion est formé  à partir de munus ( et non de unus, 1)

3*-  Le mot munus précédé de com

4*- La communio   aux débuts du christianisme et jusqu’au XIIème  siècle environ.

5*- le sens du mot communion plus tard  à partir du XII° s  environ.

6*- le sens du mot communion  aux XVIII° et XIX° s. et même jusqu’à aujourd’hui

7*- Une heureuse surprise finale !

Après les notes, un résumé en français et en anglais.

1- *Le mot «  union » n’a pas donné « communion »

Et commençons par redire qu’en fait les termes de communion, de commun,  et même de communiquer n’ont pas la même racine que le terme union.

Union appartient aux dérivés de unus en latin, qui signifie le chiffre 1, l’adjectif un,   un seul Quand il y a union, il y a quelque part peut-être l’idée de fusion : le mariage ou la réunion de deux groupes financiers : les deux deviennent un au moins sur certains points.

Mais  la notion de un est totalement absente du terme communion, contrairement à ce que nous fait croire notre français, et les dérives de sens qui s’ensuivent.    

Cette information déplace l’idée que nous nous faisons du mot, et les réactions des mes interlocuteurs à cette information difficile à digérer m’ont montré la nécessité de l’expliquer assez longuement.

2*-Le mot communion est formé  à partir de munus  

En effet, le mot communion  est composé  à partir d’un nom commun latin, munus.

Sans le savoir vous employez  des dérivés  de ce mot.  Par exemple, en français, munir,( je te munis de nourriture pour le voyage ! ; nous avons des munitions pour combattre, pour faire passer nos idées, pour notre trek)  ;  comme son  pluriel est munera,  il donne aussi « je suis rémunéré  au SMIC pour mon travail »  ( rémunérer un mot qui n’a aucun rapport avec numération qui vient de nombre  : regardez les n et les m de ces deux mots  ) ; « pour le travail que j’ai fourni, ma rémunération  est correcte » ;    « le souverain les a reçus avec munificence » (  = il a fait un don d’une générosité grandiose !)[2].

Ce nom neutre, munus au nominatif, muneris au génitif avec son R, signifie en effet la charge, le devoir, l’obligation, le service mais aussi la ressource,  le cadeau que l’on fait, (attention : pas celui qu’on reçoit !), le don offert. 

Le terme est sans doute également parent de ce qu’un groupe va  avoir le devoir de construire pour se protéger : les murailles (moenia), un travail qui ne peut se faire et être efficace qu’ensemble. Or construire ensemble une muraille est l’une des premières activités d’un groupe qui se constitue  pour mieux vivre ensemble, ce qui implique une grosse organisation (qui fait quoi ? ).

3*-  Le mot munus précédé de com

Le préfixe latin cum   signifie avec, ou également quand il y a déjà tout ensemble … : jusqu’au bout.  Il a donné com– en français

Ajouté à munus,  ensemble, on aboutit par exemple   à communauté, commun etc.

Munus commence par un m , c’est pourquoi ajouté au cum latin ou au com  français, il y a deux m.

C’est donc  le fait de mettre ensemble ses dons  ou de collaborer à exercer ensemble des charges. Et qui gère cette communauté qui met ensemble ses ressources, ses compétences de façon solidaire ? La municipalité (là où tout le monde prend part aux charges) avec parfois en sens inverse la municipalisation de certains biens (une sorte de nationalisation à petite échelle ici en France ?)

L’adjectif communis  signifie qui partage les charges, d’où mis en commun. Voici quelques exemples où il est bien clair que cela n’a aucun rapport avec le chiffre 1, un.

Par exemple pour désigner certains de nos lieux de vie : « dans cette propriété, il y a la maison et les communs », (l’endroit où on dépose les affaires utiles à tous).

En droit, dans  la communauté réduite aux acquêts, les biens appartenant aux deux époux ne concernent que ceux acquis après le mariage ; les moines vivent en communauté (ils partagent la même règle, lui apportent ce qu’ils peuvent, et en reçoivent en retour).

En maths, si on regarde les multiples de deux nombres différents,  leur plus petit commun multiple (PPCM) de deux nombres est le premier nombre qui leur sera commun (par exemple PPCM de  12 et 15 ?   12 = 2x2x3 et 15=3×5. Le PPCM = 2x2x3x5 = 60).

Une commune est l’endroit où un groupe de personnes gèrent en mettant en commun et en redistribuant Et les communistes ont  l’intention de mettre tout en commun.

La Commune est d’abord une association jurée des bourgeois d’une ville  face à un roi ou à un seigneur qui les opprime trop, souvent  formée dans une situation exceptionnelle, révolutionnaire, puis elle devient plus institutionnelle, mais en 1870, on reprend le nom rouge de «  la Commune de Paris ».  

Le verbe communicare signifie partager : je communique une maladie, une nouvelle. Par la suite, on insiste plus sur ce qui est à la jonction: la cuisine communique avec l’entrée ; la communication passe bien ; il y a une réelle communication : les informations passent.     

Le verbe latin  communio  signifie donc je partage la charge, le devoir, le cadeau  que l’on me fait,  ou nous nous partageons la charge, le devoir, le cadeau  que l’on se fait  les uns aux autres etc.

Mais en fait ce qui est communis,  si c’est partagé avec tout le monde, devient commun : le commun des mortels aime le plaisir ;  « le jean aujourd’hui est commun à tous » ; le sens commun est le bon sens, la chose du monde le mieux partagée (espérons !).

Et finalement  commun prend même parfois le sens péjoratif  de vulgaire, voire grossier.

Les Commons en Angleterre, la Chambre des communes, indique cet aspect populaire, plébéien.

En grec, commun  se dit  koinos, κοινος : rien à voir non plus ni  avec le chiffre 1, ou unus en latin, en grec eis, mia, en )  ni avec le mot signifiant même, identique  (homoios en grec, similis en latin ). 

((( Par parenthèse, j’ai lu que cet adjectif koinos a été latinisé en  coena (Cyprien aurait peut-être  a écrit vers 240 le  traité De Coena Domini, Au sujet de la Koinè du Seigneur.)  et le mot coena se serait ensuite  amalgamé avec la cena latine, le repas du soir, ( un mot habituel en latin ) ce qui a donné la Cène que nous connaissons. Ceci est à vérifier.))) 

Cet adjectif grec koinos, κοινος, commun,a également le sens de vulgaire, grossier. La notion est donc la même d’un bout à l’autre de ses différents emplois. Or Jésus  parlait araméen (mais savait user 1°) de l’hébreu  et même du grec pour lire l’Ecriture,  2°) du grec qui occupa Israël en 333, langue des commerçants et de la culture de tout le bassin méditerranéen d’alors, et 3°) du latin, l’occupant d’alors et langue administrative : si les Nazis nous avaient occupés 200 ans, nous aurions tous eu de bonnes notions d’allemand, bon gré mal gré). La superposition exacte de cette notion en grec et en latin apporte donc un renseignement intéressant  puisque les évangiles nous sont parvenus uniquement en grec avant d’être traduits en latin.         

4*- La communio   aux débuts du christianisme et jusqu’au XIIème  siècle environ.

Le nom commun communio est donc d’abord le fait d’apporter quelque chose d’utile pour le mettre en commun, puis de se le partager : se le partager implique que chacun a également reçu de l’autre en pleine égalité fraternelle au sein de différences complémentaires : confluence, réciprocité.

Ces différents « mouvements », spécifiques à chacun mais  à destination communautaire, étant fondamentaux, notre messe actuelle en comporte des traces (accueil, offertoire…).           

Certes, cela peut aboutir peut-être à créer une certaine unité ou cela peut même la manifester, mais c’est d’abord le fait de partager. Pour partager dans une assemblée, il faut d’abord apporter et mettre ensemble. Au temps de Jésus déjà[3]… et après dans la même foulée, dans un repas fait à sa mémoire mais aussi en dehors : cf. (Ac.2,44-45Ac.4,32-37).. La κοινωνια, la mise en commun, la communion, la communauté est en même temps 1°) le partage très concret de nourriture, des biens etc., 2°) le germe de ce qui deviendra un « sacrement », 3°) ces gestes et 4°) ceux qui les font.

Le point commun  pour les chrétiens entre ces différents emplois est d’abord et essentiellement le fait d’apporter chacun quelque chose à soi, sa manière de vivre, de croire, (même avec des différences), de les rassembler en un ensemble (même avec des différences) puis de se les partager avec ceux-là même  qui les ont apportées, ( un partage entre soi)   et ensuite de les partager à d’autres.

C’est ce que symbolise le repas fait en mémoire de la vie de Jésus, la synaxe : il y a un déroulé, un mouvement comme du temps de Jésus, des gens l’ont préparé en apportant, c’est rassemblé, on est rassemblés autour, on fractionne ce pain et on le distribue entre soi et à tous. (Reprendre le texte bien évocateur de Paul qui dit cela dans un contexte qui le choque : les chrétiens mangeaient leur pique-nique sans partager avec leurs voisins de table dans le cadre du repas évoquant ces gestes de Jésus. Paul finit par leur dire – ce qui est inacceptable ! mais peut-être nous n’avons pas tous les éléments – vous devriez manger chez vous ! )   

Cela manifeste matériellement, physiquement, gestuellement, symboliquement, que les membres de l’Assemblée, de l’Église sont réunis, même s’ils ne sont pas uniformes. Le mouvement  de rassemblement, de mise en commun,  puis de partage, de fraction,  suppose qu’il y a eu une étape de rassemblement, d’assemblée[4], sans fusionner les individualités, mais avec un peu de transformation des individualités enrichies par ces différentes étapes[5], suivie d’un retour au monde ( ? )  des individualités ainsi enrichies.

Cette conception de la communion (apport, assemblement, partage)  se ressent partout et se traduit dans beaucoup de notions  et ceci pendant 12 siècles environ :

– quand l’assemblée se fait, (la synaxe), la communion est comme dès les débuts du christianisme qui imitait Jésus, encore et toujours, d’abord le fait d’apporter sa petite munition pour les autres, de mettre ces diversités ensemble en commun (sans les gommer pour les réduire par fusion  à une uniformité pensée comme témoignant d’une unité)  puis de fractionner, de partager et distribuer, aux présents et au-delà, ce trésor devenu communautaire qui munit les  chrétiens de la munition spéciale nécessaire à chacun pour leur voyage, le viatique… et le recevoir ensemble, en communauté participante, celle de l’Eglise.

– la communion des saints, ce n’est pas que les saints sont unis, mais que c’est aussi un partage où les saints divers aident les pauvres humains divers  en leur partageant leurs dons divers.

– la communion qui se passe dans la Trinité ne signifie pas l’union des personnes  de la Trinité mais  c’est également l’espace de  leur  échange de dons, de charges, et d’amour.

– la communion ecclésiale reprend l’idée du partage des membres et de leur mise en commun pour un corps harmonieux.

– Et malheur à ceux qui sont excommuniés : on croit souvent que cela signifie qu’ils n’ont plus le droit de recevoir l’eucharistie, mais c’est  bien plus grave : le verbe  ex-communier signifie qu’ils ne disposent plus des dons de Dieu et n’appartiennent plus à la communauté,  laquelle doit les rejeter.    

Ces conceptions font vivre à peu près jusqu’à la 2e moitié du  xiies.

5*- Le sens du mot communion plus tard  à partir du XII° s  environ.

Après le douzième siècle la mystique sacramentelle de la communio a pris une direction bien différente : lors de la liturgie, le fidèle n’apporte plus « rien »  ou presque (la goutte d’eau ), mais, grâce au prêtre seul, le corps du Christ est réellement présent dans sa chair  sur l’autel : il s’unit à nous et inversement dans le sacrement qui s’appelle la communion à son corps :  « à son corps » : c’est bien le verbe unir à qui est implicite ici.  

La théologie suit ces évolutions sur les différents emplois mentionnés ci-dessus :

– quand l’assemblée se fait, (la synaxe), la communion est s’unir à Jésus lui-même (foi personnelle) peu communautaire

– la communion des saints, c’est s’unir aux saints et réciproquement

– la communion qui se passe dans la Trinité est que les 3 personnes sont unies

– la communion ecclésiale : chacun doit s’unir à l’Eglise et à ses frères.

6*- le sens du mot communion  aux XVIII° et XIX° s. et même jusqu’à aujourd’hui

Puis vers le XIX° s. (on ne parle pas ici des tendances promues par Jean XXIII) c’est le thème de l’union (le chiffre un, 1) à tous les niveaux qui a été martelé, imposant aux chrétiens de devoir gommer les différences et leurs libertés pour s’unir sous la hiérarchie : la communion de l’Eglise s’exprime par un  seul rite, un seul chef infaillible etc.  La communion est exigée de tous, du pôle nord aux  favellas.

– quand l’assemblée se fait, la liturgie insiste  sur l’unité (rituel à suivre)

– la communion des saints au Ciel reflète ce qui doit se passer sur Terre

– la communion qui se passe dans la Trinité indique cet amour fusionnel, idéal d’humilité et d’oblation auquel chacun est appelé  un peu partout

– la communion ecclésiale implique la soumission à ceux qui savent. La communion solennelle = la profession de foi 

– le fait d’être hors Eglise  met en relief ceux qui restent dedans (Massada) : la tentation sectaire de l’exclusion et de l’exclusivité élitiste n’est pas loin ( ex-communication des autres mais intériorisée en moi-même ) .

Réfléchissons à ces expressions ou à ces faits :

-l’oecuménisme  cherche la communion des Eglises

– «  je communie avec vous dans un même idéal »

– A quel âge fait-on sa première  communion ? à des âges qui ont bien varié en fonction d la conception qu’on avait de cette communion. «  Qui peut donner la communion »

– la communion ou eucharistie ou messe ou célébration eucharistique… : tout est parfois synonyme ; la communion de désir, etc. 

– réfléchissons aussi au sens du terme communion dans les textes récents, par exemple  « Pour une Église synodale : communion, participation et mission. »  et à ce que cela sous-entend.

– l’enjeu de la « communion » pour les divorcés remariés qui ne vivent pas en frères et sœur, etc.  : interdits ecclésiaux heureusement revus par Amoris Laetitia             

7*- Une heureuse surprise finale

Et aujourd’hui, que reste-t-il alors du sens initial ?

Le sens général du terme :

Pour qu’il y ait « communion », il faut donc qu’il y ait eu avant des éléments séparés, distincts donc souvent éventuellement différents : ce sont des éléments de soi qui appartiennent à chacun.

Pour les apporter aux autres, les distribuer, chacun doit se fractionner (ce qui ne nous diminue pas) pour en faire don ( munus) .

Parfois, ce don inespéré est reçu et fêté ! Parfois celui qui reçoit ce don n’en voudrait pas : il va être hérissé, énervé, en colère… 

Ces éléments apportés par un autre, sont à voir comme  des pichenettes à mes suffisances, des scandales pour mes insuffisances, des éclairages dans mon monde intérieur qui  peut me faire croire que je ne suis pas aveugle  ou que je suis le centre de l’univers, des stimuli, de  possibles apports aux manques dont j’étais inconsciente. Ces éléments sont autant de munus, de dons, et d’apports (j’enfonce des portes ouvertes, désolée.. )

On les met donc ensemble tous ensemble : ce qui s’appelle «  mettre en commun ». Tel est le rôle et de chacun, grands et petits (je n’insiste pas). Ce qui rappelle le sens des mots solidarité, démocratie, subsidiarité, communauté, communication.

Cette communion  réussie produit un grand pain nourrissant, et équilibré, riche, divers, goûteux,  où chacun pourra trouver son compte si…

Si on s’en nourrit : si donc il est partagé pour ma nourriture et  pour celle de la multitude qui voudrait de ce « don ».

Ainsi on retrouve la différence, la diversité…en pleine égalité fraternelle au sein de différences complémentaires puisque chacun reçoit aussi, finalement, de l’autre et de l’Autre, implicitement, ce qu’il désire ou ce dont il a besoin.

En plus de ce fait anthropologique, les croyants peuvent y trouver une spécificité religieuse.

Il reste ce qui a été suggéré par Jean XXIII et les débuts de ce concile. Il nous reste surtout ce qui est montré et dépeint dans l’Evangile : des gestes et un esprit universels et intemporels, humains.

On peut relire ainsi l’introduction à ce texte : communion et … union ne signifient pas la même chose. Une confusion inciterait à divers comportements ( « je ne veux voir qu’une seule tête ! » ou «je suis humble et accepte de disparaître  » ). Parmi les conséquences, le risque de distorsions de la Bonne Nouvelle. 

L’Homme mis debout par Jésus, éveillé par Dieu, apporte sa contribution, quelle qu’elle soit,  met en commun, partage et se tourne  pour apporter aux autres. La communion n’implique pas d’être unanimes (une seule âme, une seule vie)  ni de ne suivre qu’une seule ligne.  Le terme, plein de mouvement et de vie, ouvre un espace de liberté et d’amour à chacun et aux communautés.  

Bonne nouvelle d’il y a 20 siècles  apportée par Jésus, Bonne Nouvelle pour aujourd’hui.

Le terme communion  implique d’être différents… pour pouvoir arriver à ce qu’est la (véritable) communion, cette communion qui entre dans la composition d’une saine relation humaine à tous les niveaux, et, par exemple intra-ecclésiale, synodale, ou communautaire…

                                                          Marguerite Champeaux-Rousselot ( 2022-03-16)

[1] 9 juin 2021 : Personne n’a le droit de communier ! par Christine Fontaine

http://www.dieumaintenant.com/personnenaledroitdecommunier.html

[2] Pour les curieux du vocabulaire : et qu’est-ce alors que l’immunité  diplomatique ? C’est le fait que les diplomates par exemple qui ont parfois besoin du secret sont dispensés de certaines charges et obligations de transparence  et sont protégés des deux côtés belligérants. Par  dérivation, lorsqu’on cherche  une immunité vaccinale, cela veut dire qu’en se vaccinant, on espère être exempt de la maladie !

[3] Tout en commun ? La vie économique de Jésus et des premières générations chrétiennes, de Jonathan Cornillon, Collection Cerf Patrimoines, 784 pages – juin 2020

Voir aussi dans Wikipédia par exemple un bon article synthétique sur « Communauté de biens de l’Église de Jérusalem » et après…

[4] Le sens de ce mot serait lui aussi à préciser de la même façon.

[5] Par parenthèse, on peut noter aussi que le lexique de la Genèse n’évoque  pas du tout un mariage homme femme ni  une union qui viserait comme idéal de les fusionner en les rendant un, 1.

Extrait ou résumé en français et en anglais.

Communion et … union ne signifient pas la même chose et ne viennent pas du même mot et c’est pourquoi il y a deux m dans communion. Eh oui…Un voyage étymologique permet de rectifier une idée fausse. Fausse et même dangereuse car elle inciterait à quelque chose d’inutile, voire de nuisible au nom d’un faux idéal qui pourrait culminer en emprise sectaire ou fondamentalisme (ne suivre qu’une seule ligne). Le terme communion décrit un mouvement d’apports mutuels différents, de mise en commun, puis de partage.

Communion and … union do not mean the same thing and do not come from the same word and that is why there are two m’s in communion. Yes… An etymological journey allows us to rectify a false idea. False and even dangerous because it would incite to something useless, even harmful in the name of a false ideal which could culminate in sectarianism or fundamentalism (following only one line). The term communion describes a movement of different mutual contributions, of pooling and then sharing.

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Des leçons vitales inattendues à tirer des deux synodes ( 2020)

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par Marguerite Champeaux-Rousselot

Les deux derniers synodes convergent entre autres vers une précieuse leçon de vie chrétienne, qui est certes en phase avec les questions d’écologie et de justice, mais également avec l’épineuse question du cléricalisme dont les nuisances ne sont désormais que trop évidentes : deux manières d’aborder concrètement la synodalité, un terme bien nouveau avouez-le, presque un néologisme … qu’il faut convertir en action !

Article de janvier 2020, actualisé le 26 mai 2020

Le Vatican vient d’annoncer aujourd’hui à 13 h que le Pape convoque un synode des évêques en 2022  sur le thème : «Pour une Église synodale : communion, participation et mission» !

C’est ce qui me fait vous partager cette réflexion qui date d’il y a quelques mois, après les retombées du synode d’Amazonie. Pour certains elles furent décevantes. Mais … Deux exemples permettant d’envisager une leçon un peu plus générale, je me suis demandé alors si les deux derniers synodes n’étaient pas un levain enfoui pour le moment dans la pâte à pain qui va tiédir et fermenter en se gonflant peu à peu… Je vous invite à poser doucement votre main sur cette boule qui fait espérer un pain nourrissant et énergétique…

Les deux derniers synodes convergent entre autres vers une précieuse leçon de vie chrétienne, qui est certes en phase avec les questions d’écologie et de justice, mais également avec l’épineuse question du cléricalisme dont les nuisances ne sont désormais que trop évidentes : deux manières d’aborder concrètement la synodalité, un terme bien nouveau avouez-le, presque un néologisme … qu’il faut convertir en action !
Ces deux dernies synodes me semblent emblématiques parce qu’on peut en tirer me semble-t-il, un enseignement précieux de « méthodique ecclésiale » … pour notre vie, tout simplement : une découverte à faire !

N.B. Ce qui suit ne se prétend pas absolument exact quant aux détails, ( même si elles sont justes, ce ne sont que des idées générales ) mais dessine autour de nous un large champ qui part du passé et s’étend jusqu’à l’horizon du long terme en couvrant ce qui nous ressemble et ce qui est différent de nous : cela indique des pistes de réflexion .
Bien sûr d’autres personnes peuvent vouloir lire autrement que moi son texte : cela montre seulement que nos personnalités individuelles comme civilisationnelles y sont respectées et ne sont pas contraintes autoritairement au-delà de ce qui est le strict nécessaire pour maintenir la fidélité à l’Evangile, cet Evangile autour de Jésus et de notre Père qui est le lien qui permet à l’Eglise d’être non pas une professionnelle de l’uniformisation, mais proposition de communion.

A lire aussi en introduction cette contribution de Arnaud Join-Lambert, docteur en théologie et professeur à l’Université Catholique de Louvain :

« Les processus synodaux depuis le concile Vatican II : une double expérience de l’Église et de l’Esprit Saint »

Le synode de la Famille

Le synode sur la Famille (2014-2015) a fait l’objet d’une consultation mondiale sur un sujet très général, universel, intemporel, « de tout temps », de tout pays, de tout un chacun. Ce synode a été situé dans une sorte de non-lieu pour répondre aux besoins d’un milieu qui se ressent souvent comme sage et mature… De chrétienté ancienne, comme une souche aux vastes ramifications usées où l’on espère les surgeons. On cherchait et on a pensé trouver auprès des autorités des consignes valables pour le monde entier et pour chacune des situations.

La réponse du pape a surpris, déçu, étonné… Elle a été difficile à lire car pour la première fois depuis longtemps, ce n’était pas une liste d’obligations et d’interdits avec des châtiments à la clé. Il a fallu la méditer longtemps pour en sentir la saveur fondamentale, et s’en saisir plus ou moins timidement au début pour bénéficier expérimentalement de son bienfait nutritif.
Le pape François y a prôné l’usage des principes évangéliques ; on n’ose écrire qu’il a suggéré le « le retour » à ces principes… mais tout le monde sait que lorsqu’on retourne à une source, l’eau n’en est pas croupie : elle est la même mais l’eau est toujours neuve et jaillissante.
Il n’a rien démoli dogmatiquement, mais a demandé qu’on nourrisse nos pratiques de l’Evangile lui-même pour régler avec souplesse des problèmes locaux, personnels, voire civilisationnels, continentaux, sociaux … ( on peut évoquer ici entre autres le divorce et les familles recomposées, l’adoption, la sexualité, la chasteté, la fécondité, la famille, les minorités, l’enfance, la vieillesse, le handicap, la pauvreté de certaines classes sociales ou familiales etc. ). La conscience de chacun vis-à-vis de son prochain et de ce que nous pouvons supposer de Dieu, telle est la mesure qui doit nous servir à juger et à nous juger, tel doit être le critère de nos actes et de nos jugements…

On a compris « chez nous » que cette sorte de non-lieu était un milieu un peu partout en décalage avec le monde ; que certains pouvaient en qualifier certains points de « sclérosé », de « décadent » ou de non-représentatif des fidèles…. Que certains qui avaient conservé un droit traditionnel à s’exprimer au nom de tous ne comprenaient pas que ce droit n’était plus, aujourd’hui, fondé sur une bonne adéquation. Et qu’il devenait impossible désormais de chercher une parole uniforme autorisée donnant des consignes valables pour le monde entier et pour chacune des situations : le pape appelait à une attitude ressemblant à celle de Jésus, pleine de joie pour soutenir ceux qui vont bien, pleine de compassion pour les victimes, de miséricorde pour ceux qui avaient erré, et à la conscience de chacun des fidèles se mettant sous le regard de Dieu, un Dieu Père, avec l’aide bienveillante de l’Eglise toute entière.
A cette aune, le dogme a été indirectement ressenti comme quelque chose de relatif devant la valeur universelle d’un Evangile qui amène la loi à son état parfait qui permet une justice individuelle dans l’amour qui nous est demandé le plus parfait possible… à l’image de l’amour dont nous sommes aimés par le Père, par Jésus , par certains …

Ce premier synode s’est finalement conclu sous la houlette d’un berger qui est là pour écouter les besoins de son troupeau d’aujourd’hui et non le guider autoritairement exclusivement vers les modèles traditionnels, pourtant éprouvés et utiles mais ressentis devant certains cas comme désormais notoirement insuffisants ou inadaptés.
Cette expérience nouvelle, qui a parfois désorienté certains, qui a suscité des incompréhensions, voire des résistances, a aussi permis à bien des catholiques de s’ouvrir à l’autre, de revenir vers des frères, de se rapprocher de l’Evangile, sans parler de l’espoir qu’il a suscité chez ceux qui avaient quitté l’Eglise ou suivaient un Jésus qui n’a jamais – et pour cause – donné comme objectif prioritaire une Eglise puissante en surface ou en nombre.

Et…

Il me semble que le synode que nous venons de vivre en 2019-2020, celui dit de l’Amazonie,  assure une fois de plus les méthodes libérantes qui doivent dynamiser nos actes de fils de Dieu : il le fait parallèlement au premier mais … en sens inverse, selon des lois de balistique ne relevant pas de notre physique habituelle…

Le Synode de l’Amazonie

Présentation de l’Instrument de travail du synode sur l’Amazonie :  "La région Panamazone, laboratoire pour la société et pour l’Eglise". 
http://www.synod.va/content/sinodoamazonico/fr/-actualite/sr-nathalie-becquart--presentation-de-linstrument-de-travail-du-.html
Crédit photo : cf. présentation de l’Instrument de travail du synode sur l’Amazonie : « La région Panamazone, laboratoire pour la société et pour l’Eglise

En effet, ce deuxième synode, dit sur l’Amazonie ( 2019-2020 ) a fait lui aussi l’objet d’une consultation mondiale sur un sujet très général, universel, mais particulièrement lié à notre époque et au futur de notre Terre : par exemple et surtout l’écologie et l’usage de notre Terre à tous, – un sujet humain plus que spécifiquement catholique ! – mais aussi ce qui en découle pour nous disciples du Christ et catholiques : que dire de la justice et de l’amour de Dieu ? et sur un plan religieux dans de tels contextes, comment vivre les sacrements ? comment avoir assez de prêtres ? Ce sont des sujets sur lesquels aucun dogme ( ou si peu ..) n’a été édicté car ils sont inattendus, étant les fruits d’une crise récente.

C’est un problème sur lequel l’Eglise cherche à entrer en résonance avec les Hommes car aucune Loi de la Bible n’en traite explicitement et Jésus lui-même n’en a guère parlé. Le sujet a été posé intentionnellement dans un pays impacté directement et fortement par cette crise : il s’agissait de répondre aux besoins emblématiques d’un pays neuf, en décalage avec d’autres régions plus puissantes du monde, une région de notre planète encore incomplètement développée à bien des égards, un pays où la chrétienté est relativement neuve, ardente quand elle existe, bourgeonnante de partout mais très fragile. C’est un exemple qui fait réfléchir, un terrain où les besoins sont criants, annonciateurs des mêmes besoins humains – civils, écologiques, religieux – dans d’autres régions du monde, un champ d’application où on subit l’expérimentation de certaines folies de l’égoïsme, encore inconnues… Mais aussi un terrain où les besoins spirituels et religieux, y compris chez les catholiques, pour être satisfaits, ont suscité et créé des solutions car si ce n’est pas interdit, n’est-ce pas que c’est parce que c’est permis ? L’Esprit d’intelligence et d’amour fait germer la vie.

Lors de ce Synode décentralisé dans son titre, ( synode de l’Amazonie), on cherchait, et on a pensé trouver, auprès des autorités ecclésiales des validations et des autorisations pour ce qui était inattendu et nouveau mais aussi en urgence et en priorité des limites et des interdictions ; on pensait trouver là encore des consignes claires et quasi-dogmatiques qui seraient valables pour le monde entier et pour chacune des situations futures ou déjà présentes mais pas encore gérées. Contents ou non, on se raisonnait alors : il faudrait les accepter comme telles et cela pouvait en quelque sorte rassembler le troupeau, certes un peu de force, mais pourquoi pas, dans ce monde si dangereux ?

Or la réponse du pape a là aussi surpris, déçu, étonné… en ce qui concerne les questions dites « religieuses ». Sa réponse a été là aussi difficile à lire avec sérénité car si, sur les questions « humaines » sa position rejoint celles qu’on peut supposer à un Jésus premier partisan de la laïcité dans une fraternité humaine écologique par essence, et s’il a réussi son examen en écologie, il n’a pas évoqué les questions à proprement parler stricto sensu catholiques, concernant par exemple les viri probati : il n’a ni interdit ni validé ces innovations religieuses qu’on peut qualifier de pragmatiques ou d’inspirées…
Oui, peu à peu nous comprenons que François aurait pu valider ces innovations en plaquant dessus des estampilles à l’ancienne : il y avait des arguments pour dans nos textes bibliques : une belle copie, cela fait joli dans un décor à l’ancienne. Cela nous aurait même réjouis et soulagés immédiatement qu’il nous tienne ainsi par la main, voire qu’il nous porte…
Mais il n’a pas maquillé ces innovations qui n’entraient pas dans les cadres ecclésiaux classiques. Il n’a pas plaqué sur ces mutations jaillissantes, rejetons innovants mais branchés sur la même sève, les étiquettes portant les noms de réalités anciennes traditionnelles et bien connues qui auraient donné une apparence de continuité à des solutions neuves pour un monde imprévu, voire imprévisible. Il ouvre toute liberté à la créativité avec l’aide de la réflexion et du discernement du Peuple de Dieu.

Disons plus : il nous semble qu’il n’a pas voulu mettre dans l’urgence un pansement sur la plaie : cela se serait peut-être révélé un cautère sur une jambe de bois. Il a peut-être jugé inutile de chercher à tout prix à faire persister le clergé, le titre même de prêtre, comme s’il était essentiel à l’Eglise catholique et à ceux qui suivent Jésus. On aura toujours bien sûr besoin de ces pasteurs, de ces disciples qui font écho à la parole de Dieu, de ces serviteurs qui nourrissent un peuple de frères. Mais en refusant de permettre ces nominations en masse de viri probati comme prêtres de énième catégorie, il a signifié implicitement « non » à un raffinement supplémentaire dans la hiérarchisation, à la création ( subreptice ou même involontaire ) de nouvelles classes : il a peut-être dit un non de plus au cléricalisme et a mis un frein à une éventuelle réactivation de ce que nombre de fidèles ressentent souvent comme le sacré dans le clergé depuis son installation.
Il n’a pas non plus menacé de châtiments ceux qui avaient été inspirés par leurs besoins  ( et par le bon sens,  et selon moi, par le sensus fidei  et l’Esprit, je le crois  )  et qui s’étaient retrouvés à innover sans avoir passé de diplôme ni fait d’études, ni avoir demandé une autorisation à  Rome puisqu’ils avaient la liberté enseignée par Jésus…   Il ne les a pas traités d’hérétiques bons pour le bûcher, de chrétiens mâtinés de sorcellerie, de syncrétistes, que sais-je ? Il ne s’est pas questionné sur leur catholicité

L’Amazonie et toutes les Amazonies continueront leur chemin de vie, sans s’occuper de savoir si elles sont d’avant-garde ou non.

Il existe ailleurs des prêtres mariés catholiques : qui cela dérange-t-il ? Et quand cela a-t-il commencé, si cela a commencé ? Quelle est la règle la plus ancienne ? Quand des clercs mariés ont-ils éventuellement rejoint l’Eglise catholique plutôt qu’une autre et pourquoi cela a-t-il été permis ? En quoi cela concernerait-il une Eglise par-dessus les schismes ? Nous avons tous à y réfléchir : à nous former sur ces questions pur avoir un avis éclairé.

La réponse d’un pape souvent attentif aux victimes et aux petits, ou plutôt sa non-réponse à ces deux synodes, m’a montré quelque chose de sa pédagogie.

Nous nous sommes sentis comme le tout-petit qui ne sait pas qu’il apprend à marcher : à chaque petit pas qu’il fait, château-branlant, l’adulte, avec un sourire, recule un petit peu sa main et maintient l’intervalle éducatif tout en étant prêt à l’empêcher de tomber…Nous avançons à petits pas, en tendant la main vers celui qui nous attire et veut lui, nous faire grandir… Il aurait pu nous traiter comme des bébés, ou faire comme l’adulte narcissique qui garde dans ses bras son mini-double infantile et docile. Il aurait pu avoir peur de nous donner notre liberté mais il a fait comme notre Père qui nous a créés pour être libres et s’interdit toute emprise abusive.
Il va nous falloir méditer là aussi cette Querida Amazonia… pour oser goûter à cette nourriture étrangère : ce n’est plus un plat tout prêt et cosmopolite qu’on nous sert, mais notre Père à tous vient goûter à cette cuisine née du pays lui-même, faite avec les moyens du bord, avec amour, en toute liberté, et à qui interdit-il de l’adopter telle qu’elle est réalisée actuellement ?
Sa non-réponse apparente après ce synode ressemble à l’écoute d’un adulte qui sait exarcer son autorité de façon positive :   il perçoit ce qui se cache au fond, derrière le comportement provocant, l’interpellation angoissée ou la question immédiate de l’adolescent et songe à le faire grandir.

Nous apprenons là quelque chose que l’Eglise a souvent oublié sur elle-même…
Il semble qu’à bien des égards, nous allons nous trouver dans la situation des premières Eglises telle que nous la voyons dans nos premiers textes du nouveau Testament, une fois leurs portraits débarrassés de leur aspect trop idéalisé parfois mais en conservant leur chaleur communicative pleine d’espérance et de conviction attractives.
Les besoins de la communauté font jaillir des solutions, et plus les besoins augmentent plus les solutions s’ouvrent pour vivre avec Dieu : celui-ci, Père aimant et non-captateur, n’a guère posé de limites ni d’obligations pour le servir et servir nos frères.
Osons être vrais, enfin, d’ailleurs ! Les dogmes eux aussi ont été posés à une certaine époque pour répondre aux besoins d’une époque d’une façon appropriée. Le dogme est une formalisation dans nos mots de réalités qui dépassent nos mots trop humains et qui se révèlent finalement par essence assez inadaptés, convenons-en.
L’Evangile lui, dans sa simplicité, laisse l’inspiration souffler à sa guise sans contrainte, sur toute notre Terre, pour y faire s’épanouir la vie.
Sur le plan écologique et social, humain, nous ne piaulerons plus en réclamant plus de gâteries toutes faites, des serviettes jetables pour ne pas avoir à les laver, ou des résumés tout faits (même faux) sur Internet. Nous pouvons nous nourrir respectueusement de ce qui est possible sur chaque pouce de notre Terre, en apprenant ce qui nous convient selon nos besoins, et non selon nos envies, nos répulsions ou nos craintes irraisonnées et infantiles. Nous goûterons de plus en plus gastronomiquement la saveur fondamentale de son bienfait nutritif, et partagerons la saveur de notre vie.
Sur le plan religieux et plus précisément celui de notre confession catholique, il en va ici exactement comme lors d’Amoris Laetitia : François n’a rien démoli dogmatiquement, mais a demandé qu’on nourrisse nos pratiques avant tout de l’Evangile lui-même afin de régler avec souplesse des problèmes locaux, personnels, voire civilisationnels, continentaux, sociaux …

En guise d’ouverture finale :

Si les deux synodes ont ajusté des tirs croisés sur un objectif similaire, c’est donc qu’il doit être bien important !
Ils convergent sur les questions brûlantes et urgentes d’écologie et de justice, en délaissant également certaines solutions qui auraient peut-être pu faire illusion, des moyens-termes qui auraient pu être en fait décalés si Rome y avait mis son grain de sel par trop administratif et auraient eu un petit goût dogmatique ou doctrinal déplacé, des nouveautés qui auraient pu être récupérées, rigidifiées, instrumentalisées, imposées mal à propos, ou sclérosantes et de nouveau excluantes.
Ni laisser-aller négligent, ni laisser-faire paresseux, ni parti-pris inutilement blessant, la non-réponse du pape, pleine de respect pour ces jeunes peuples dynamiques, leur donne déjà les droits d’une personne : et nous-mêmes pouvons ( avons le droit de .. ) prendre exemple sur lui, – et sur eux – , pour trouver les réponses à nos propres besoins. Il leur laisse la liberté de le faire à leur façon et leur proximité directe permettra d’éviter les écueils énumérés ci-dessus.
François ne s’est pas laissé séduire par la facilité de proposer une illusion de plus à croire, un grade qui aurait renforcé en fait implicitement un nouvel avatar du cléricalisme.
Il n’a rien altéré de ce que beaucoup appellent la Tradition sans se demander à quand elle remonte, il n’a rien évoqué du dogme et n’a pas entrepris activement de légitimer des nouveautés qui se seraient opposées à la Tradition.
Mais… son attitude ne pose-t-elle pas la question de savoir s’il faut qu’une autorité légitime ce qui n’a pas à l’être ? On peut se demander si ce n’est pas déjà légitime même si certains s’y opposent.

Le levain fait fermenter la pâte, et la levure gagne peu à peu cette pâte qui semblait amorphe. Un levain cuit tout seul, ce serait atroce à manger !
Ecouter les besoins de son troupeau d’aujourd’hui, nouveau troupeau, nouveaux besoins, planète toujours nouvelle, esprit toujours nouveau.

Sa non-réponse apparente est la seule manière de garder une porte ouverte au possible, à l’espérance, à la confiance, à la vie. Et qui peut savoir si, en fermant la porte, il n’aurait pas fermé la porte à l’Esprit ? Il aime à passer par toutes les portes et même les portes fermées… ! Si nous lui fermons craintivement des portes, qu’il rentre par la fenêtre, vent puissant ou brise attentive, force qui agite ce qu’on voit ou oxygène du coeur…
Il s’agit de nous permettre tous de grandir, de même qu’une véritable autorité, après avoir discerné les limites minimum imposées par la sécurité et le bien-être de l’enfant et des autres, ( et non autre chose), lui fait confiance tout en veillant de loin, discrètement, pour un rappel si nécessaire.
Son silence qu’on sait attentif pourtant au cri des petits, ne nous renvoie-t-il pas manu paternale si j’ose dire à ce qui seul peut compter : l’Evangile vécu par Jésus, ce maître en souplesse pour mettre à disposition une Loi capable de gérer des problèmes individuels et contingents …

L’Evangile fait s’incliner la Loi en ses aspects contingents pour laisser régner l’amour qui nous est demandé le plus parfait possible, à l’image de l’amour dont nous sommes aimés par le Père, par Jésus et par certains… La conscience de chacun vis-à-vis de son prochain et de ce que nous pouvons supposer de Dieu est ce qui ressemblerait le plus à la Loi : mais une loi de libération, celle des Jubilés qui inventaient en Israël une méthode qui dynamisera nos actes de fils de Dieu.
Si la Lettre de l’Evangile n’interdit pas, elle laisse le champ libre à l’esprit d’amour au service de la propre croissance d’une Eglise qui ne ressemble pas à nos bâtiments faits de blocs taillés uniformément : elle est faite de pierres palpitantes et diverses qui s’harmonisent sans cesse, sans plan ni style prédéfinis. Une région géographique à un instant T peut également représenter exemplairement un aspect ponctuel dispersé çà et là dans le monde entier et au fil du temps. C’est ce que le pape appelle une Eglise synodale , une Eglise en chemin, une Eglise sur les chemins ; d’autres évoquent des « visages d’Eglise » ou « les éclats d’Evangile » un peu partout ; et l’Evangile, par la voix de celui qui nous invite tous à y aller, ces « demeures nombreuses dans la maison de mon Père » qui nous attendent : soyons sûrs que ce Père les a faites différentes et adaptées au confort et à la joie de chacun qui peut y apporter son bagage, ses trésors et en faire à son tour un havre hospitalier pour d’autres qui attendent…

Je viens, alors que je cherchais sur quoi finir mes réflexions, de trouver une image stimulante dans un ouvrage intitulé « Pour un accompagnement sans emprise » : « L’accompagnateur est du côté de la vigie, et non à la place de celui qui tient la barre ».

La situation des premières Eglises, aussi différentes qu’autonomes, faut-il en avoir peur, si elles sont unies fraternellement en Jésus, notre vigie, notre lumière ? Peut-être une façon de revoir le sens si positif du terme autorité  qui est bidirectionnelle, ce qui est au coeur d’une démarche authentiquement synodale

La pâte du futur pain dont nous faisons partie continue à fermenter.

Marguerite Champeaux-Rousselot





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